Très attendue, la liste des territoires retenus pour accueillir les 238 nouvelles brigades de gendarmerie suscite aussi des réserves et de l'incompréhension, de la part de la population comme et des élus. Alors que de nombreuses brigades ont fermé ces dernières années, la question du financement et l'absence de concertation sont pointées du doigt.
"Il faudra regarder de près si tout cela est mené à terme". Rapporteur du budget de la Gendarmerie au Sénat depuis 2017, le sénateur du Finistère Philippe Paul se montre prudent à se réjouir.
Cinq cents fermetures en neuf ans
L'annonce ce lundi 2 octobre des sites d'implantation de 238 nouvelles brigades de gendarmerie par le chef de l'Etat, à l'occasion d'un déplacement dans le Lot-et-Garonne, va dans le sens des différents rapports qu'il a pu rendre depuis son entrée en fonction. "La fermeture des gendarmeries, ça date de Sarkozy, de la RGPP (réforme générale des politiques publiques mise en place en 2007 visant à diminuer le nombre de fonctionnaires-ndlr). Il y a eu 500 fermetures entre 2007 et 2016." regrette le sénateur qui a quitté Les Républicains en 2020. "Sur le terrain, les gendarmes n'ont pas seulement un rôle de sécurité. Les gens parlent avec eux. Ils sont un lien entre la population et l'Etat", précise-t-il.
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Manque de concertation
La première réserve du sénateur Philippe Paul quant aux annonces du jour, concerne le manque de concertation avec les élus locaux pour le choix des sites d'implantation de ces nouvelles brigades : "C'est un dossier très politique. L'État prétend que les choix ont été faits en concertation. C'est vrai dans certains cas, mais pas partout. Dans mon département, il n'y a eu aucune discussion. Et ce n'est pas le seul".
Un manque de concertation que déplore aussi la maire de Savignac-les-églises, en Dordogne. En mars 2022, la brigade de gendarmerie a quitté sa commune et Evelyne Roux n'a rien pu y faire : "Les communes sont mises devant le fait accompli. Il y a sept ans, lors de mon premier mandat, on m'a annoncé que la gendarmerie partait. Il y a un an, on m'a dit qu'elle s'en allait vraiment. Sans explication. Aujourd’hui, un maire n'a aucune influence là-dessus. J'ai pris acte", témoigne-t-elle.
Incompréhension
Pour pallier l'absence des gendarmes, Evelyne Roux a fait installer une douzaine de caméras de surveillance dans sa commune, et met régulièrement une salle à la disposition des gendarmes de la brigade voisine, pour qu'ils assurent une permanence auprès de ses administrés. Et elle a fait le choix de ne pas être candidate pour ces nouvelles implantations de brigades : "Psychologiquement, c'est vrai que c'est moins rassurant pour la population que la gendarmerie ne soit plus là", poursuit-elle, tout en regrettant la versatilité de l'exécutif.
En enlever, en remettre... Les gens ne comprennent pas ces décisions unilatérales de l'Etat.
Évelyne Roux, maire de Savignac-les Eglises (24)à rédaction web France 3 Aquitaine
Le financement en question
Les 2 144 postes de gendarmes supplémentaires répartis ce 2 octobre figurent au budget de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), qui fixe les objectifs, et programme les moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels du ministère de 2023 à 2027.
Une partie d'entre eux seront constitués en brigade mobile, mais les autres formeront des brigades fixes, qui nécessiteront des locaux. Et c'est le financement de ces locaux qui fait l'objet de la deuxième réserve du rapporteur du budget de la Gendarmerie au Sénat : "J'ai beaucoup d'inquiétude parce que la demande est que les collectivités ou les bailleurs sociaux financent les constructions, puis, que la Gendarmerie leur verse des loyers", alerte Philippe Paul, qui craint qu'un certain nombre de créations de brigades n'aboutissent pas.
Mais je ne connais pas beaucoup de collectivités qui ont la capacité de garantir des emprunts pour financer ce genre de projet.
Philippe Paul, Rapporteur du budget de la Gendarmerie au Sénatrédaction web France 3 Aquitaine
L'Élysée déclare que le plan de financement des locaux nécessaires est "en train d'être calé". Au total, 8.500 créations d'effectifs de forces de l'ordre ont été annoncées par le gouvernement, d'ici la fin du quinquennat, pour atteindre un doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique en 10 ans.