Fruit providentiel par le passé en temps de famine, la châtaigne tient encore une place honorable dans les cultures du Périgord. La récolte des Bouches de Bétizac, hybride productif et appétissant, vient de commencer et s'annonce plutôt bonne en raison de conditions météo favorables
Depuis des décennies, les Français ont délaissé un trésor national : la châtaigne ! La France ne produit plus que 10 000 tonnes de châtaignes par an, c'est un dixième des récoltes des années 60. Symbole de la perte de souveraineté alimentaire nationale, aujourd'hui les industriels français en sont réduits à travailler avec les châtaignes de l'étranger. "Les transformateurs français importent la quasi-totalité de leurs châtaignes pour les conserves, pour les sous-vide, etc" déplore Didier Méry, technicien à la Chambre d'Agriculture de la Dordogne. Le comble, lorsqu'on sait qu'au début du siècle dernier, la France en récoltait plus de 500 000 tonnes par an ! Mais ne revenons pas sur les orientations agroalimentaires imposées aux agriculteurs pendant des années.
L'Ardèche assure près de la moitié de ce qui subsiste de la production hexagonale. Avec ses 900 hectares, la Dordogne, elle, produit approximativement un millier de tonnes dont plus de la moitié passe par la coopérative de producteurs " La Périgourdine".
Bouche de Bétizac, l'hybride qui plaît
La saison de la récolte vient de commencer avec la variété Bouche de Bétizac à la production précoce. C'est la variété la plus produite en France avant la Marigoule qui vient un peu plus tard dans la saison. La Bouche de Bétizac est un hybride né à l'Inra de Corrèze dans les années soixante, d'un mariage entre Castanea sativa et Castanea crenata.
Une châtaigne appréciée de tous
Son fruit très charnu plaît aux consommateurs. Cette grosse châtaigne séduit l'œil par son aspect brillant, rouge châtain (forcément) virant au marron foncé... Et avec plus de trois tonnes à l'hectare, l'espèce très productive plaît aussi aux castanéiculteurs. Elle offre en outre l'avantage de résister au cynips, un insecte ravageur du châtaignier. Un sol acide produira un fruit idéal, proche du standard de 3,4 cm, d'une qualité " Extra + " qui partira dans le commerce français, mais aussi italien, allemand et suisse.
La châtaigne qui nourrit
La soupe de châtaigne de Jacquou le Croquant, aussi modeste que roborative, illustre bien le succès populaire qu'a connu ce fruit d'automne en Périgord. Un fruit capable de sauver des famines. Cette réputation savoureuse et nourrissante a valu au châtaignier le surnom d'arbre à pain, mais aussi celui, plus surprenant, d'arbre à saucisses. Rien de transgénique là-dedans, il devait cette originalité à sa capacité à nourrir les porcs...
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Châtaigne à toutes les sauces
Pour redonner du brillant à ce fruit vernissé, certains se lancent dans l'innovation culinaire. C'est le cas de Tanguy et Isabelle de Rosambo, installés depuis cinq ans dans leur châtaigneraie à Grun Bordas. Leur récolte, ils l'écoulent en fruits à manger entiers, mais aussi en préparations, pâtes à la farine de châtaigne, polenta, gelée et sirop de fleur de châtaignier, biscuits sucrés et salés et même une tapenade de châtaigne au curry. L'avenir de la châtaigne française tient peut-être à ça, et à la reforestation en nouvelles espèces de châtaigniers, en Dordogne ou ailleurs en France.