Et si les Basques disposaient de défenses immunologiques supplémentaires face au Covid-19 ?

Parmi les Français en relative bonne santé, on distinguerait une meilleure résistance chez ceux appartenant au groupe sanguin 0 négatif. Cela concerne 15% des Basques contre 6 % dans toute la France. Cette particularité est observée également au Centre hospitalier bayonnais.

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Dès le début de l'épidémie en France en 2020, on a parlé de la possibilité de différences immunologiques selon le groupe sanguin, suite à la parution d'une étude chinoise (en Anglais) relayée par un article du Monde (et sur Francetvinfo). Elle montrait que à Wuhan, ville chinoise considérée comme le berceau de la contamination, les personnes du groupe sanguin A avaient un risque « significativement » plus élevé d’être infectées par le Covid-19, contrairement à celles du groupe O avec un risque « significativement » plus faible.

L'hypothèse : cette caractéristique sanguine favoriserait une immunologie particulière face au virus de la Covid-19. Le Dr Frédéric Bauduer, hématologiste au Centre hospitalier de Bayonne et professeur à l'Université de Bordeaux, le précise, les personnes atteintes de commorbités restent les plus vulnérables face au coronavirus. Mais "des études montrent qu'il y a plus de A que de O atteints de formes grave de la maladie".

 "On ne le sait pas très bien, mais on sait qu'il a des différences de susceptibilité, une inégalité de résistance selon le groupe sanguin. Les personnes qui sont A ou B ont moins d'anticorps que les gens qui sont dans le groupe O [...] et ces anticorps [...] pourraient être intéressants pour se défendre contre certains microbes y compris le covid. Mais les études sont en cours, et le mécanisme à l'origine de cette explication n'est pas encore connue de façon certaine" (interview de France bleu Pays basque, 27 avril 2021).

Pourtant, on le sait notamment concernant de terribles épidémies, le groupe sanguin peut influencer la contamination ou l'évolution de la maladie. "Le groupe O bénéficie d'une bonne résistance face au paludisme mais en revanche est plus vulnérable pour le choléra"...

Plus de O dans le Sud-Ouest

Au Pays basque et en Béarn, "les O négatifs représentent 15% de la population et le rhésus négatif 25%", c'est une particularité biologique. Même si l'Espagne comprend une forte population du groupe 0, c'est au Pays basque espagnol qu'ils sont les plus nombreux. Une caractéristique remarquable localement qui n'est néanmoins pas exceptionnelle. Le Dr Bauduer relativise :  "on en trouve également chez les celtes britanniques, beaucoup de O, positif cette fois également parmi les Amérindiens", dits "native americans"...

On compte en France, d'abord majoritaire des personnes du groupe A suivies du groupe O, mais seulement 6% d'O négatif au niveau national. Selon l'hématologiste : " on trouve plus de O dans le Sud-Ouest et l'Aquitaine historique (entre Garonne et Pyrénées).

Et c'est vrai que, coïncidence ou non, l'épidémie est plus en retrait dans cette partie Sud-Ouest de la France. Mais rien n'a été encore démontré car plusieurs facteurs tant sanitaires, sociaux que météorologiques pourraient jouer un rôle dans cette propagation de la maladie.

Selon le Dr Frédéric Bauduer, de nombreuses études sont en cours concernant les hypothèses face au covid, dont nous ne connaîtrons les résultats bien entendu que plus tard, peut-être même après la crise.

Une manne sanguine précieuse au Pays basque et en Béarn

Au mois de mai prochain, l'Etablissement Français du Sang du Pays basque organise une campagne particulière à l'adresse des donneurs du groupe O rhésus négatif avec un slogan évocateur : "Partagez votre pouvoir, donner votre sang!" Mais encore plus concernant pour ce groupe O négatif ! Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ces personnes "donneurs universels" : leurs globules rouges peuvent être transfusés à tout patient, quel que soit son groupe. En revanche, ils ne peuvent, eux, recevoir que des produits sanguins de leur groupe.

Pour Christiane Zubeldia, Directrice de l'EFS Biarritz, cette campagne de sensibilisation était prévue depuis longtemps et commandée par l'EFS au niveau national "justement parce qu'on sait qu'ici, parmi les Basques et les Béarnais, 15% sont O négatif !" Une manne sanguine précieuse pour les services hospitaliers, très recherchée et dont on est souvent en carence au niveau national. "C'est une façon d'élargir notre fichier de donneurs. Car ici, certains se savent O négatif mais n'ont pas encore franchi le pas".

Et pour ceux qui viennent déjà, la responsable le dit avec ferveur "je leur dis d'ailleurs qu'ils sont rares et précieux", "pour certains, ils le savent, c'est comme s'ils avaient une espèce de mission : donner leur sang".

Une biologie atypique basque ?

Au-delà de sa spécialité en hématologie, le Dr Bauduer est également enseignant en anthropobiologie à l'Université de Bordeaux. Il collabore régulièrement sur ces sujets avec des spécialistes américains, espagnols, israéliens. Il a consacré une thèse à cette singularité génétique territoriale. Car les Basques comme les Finlandais ou les Hongrois représentent des "isolats linguistiques" et, on le pensait, également des isolats génétiques, particulièrement intéressants à étudier car leurs populations, pour des raisons tant géographiques que culturelles, se sont moins mélangées. On verra un peu plus loin que ce n'est pas le cas : il n'y a pas de génétique basque particulière.

Pour les Basques, ce peut être la langue si particulière qui a pu être un obstacle à la mixité, tout comme une volonté de préservation des traditions, le concept d'"etxe" (la maison en Basque), "le droit coutumier de conservation du patrimoine".

Alors qu'il est souvent expliqué en génétique et immunologie que la mixité, le partage de gènes différents contribuent à créer et renforcer les défenses immunitaires de la génération suivante, cette hypothèse d'une résistance grâce à ce groupe sanguin questionne. Pour le Dr Bauduer, l'un n'empêche pas l'autre : dans le cas d'une mixité, "cela élargit le panel des caractéristiques génétiques" donc favoriserait cette immunologie. "Dans le cas d'une population endogame, il se crée au fil du temps une sélection naturelle et des individus adapté à un environnement particulier"... 

Eviter les fantasmes sur la génétique

Peut-être en raison de sa langue atypique comme le magyar parlé en Hongrie, le Basque et sa communauté à travers la diaspora dans le monde ont parfois nourri cette légende de singularité biologique. Aujourd'hui, avec la mode des recherches ADN vous octroyant tel pourcentage de "sang" celte, amérindien ou mongol, cette "force basque" dont seraient fourbis 15% des Basques viendrait corroborer ces théories.

Pourtant, plusieurs études sont venues contredire ces croyances. On peut le voir notamment dans cet article relayé par Courrier international, en 2010 : "Génétique. Les Basques ne sont pas ce qu’ils croient être" dont les résultats publiés dans l’édition Internet de Human Genetics démontent ce mythe. Les auteurs de ce travail dirigé par Jaume Bertranpetit, chercheur à l’université Pompeu Fabra de Barcelone, ont comparé les génomes des habitants de dix régions espagnoles et les résultats... ne montrent rien ! "Les Basques ne peuvent pas être considérés comme un groupe génétique isolé, et les théories sur leur origine doivent être révisées”.

Dans cet autre article du National Geographic, en 2019, Les Basques, des Européens presque comme les autres, on confirme que "sans être isolés de leurs voisins, les Basques ont apparemment été un peu moins influencés par les migrations indo-européennes". Et c'est sans doute pour cela, si on veut faire parler une fois encore le sang, du moins le groupe sanguin, qu'on ne trouve que 3% de groupe B, connu pour être plus présent en Asie.

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