Le centre antipoison et toxicovigilange du CHU de Bordeaux signale de nombreux accidents domestiques et intoxications en lien avec le COVID-19. Gel hydroalcoolique ingéré par les enfants, eau de javel utilisée pure... L'Anses met en garde et vous rappelle ce qu'il ne faut surtout pas faire.
C'est une conséquence assez inattendue du confinement et de la peur que peut engendrer le COVID 19. Le centre Anti-Poison de la Nouvelle-Aquitaine reçoit deux fois plus d'appels chaque jour depuis deux semaines. Et ils sont désormais deux médecins au lieu d'un à répondre au téléphone. Dont Magali Labadie, chef de service.
Normalement, les appels sont plus nombreux le samedi et le dimanche et tout particulièrement en été quand les parents sont occupés dans le jardin ou à bricoler. Là, c'est tous les jours.
Certains parents sont confinés à la maison avec leurs enfants. Mais quand ils sont en télétravail, ils peuvent manquer de vigilance. Or, on le sait, les accidents domestiques sont la première cause de mortalité chez les plus jeunes qui n'ont pas la notion du danger et ont tendance à tout mettre à la bouche. Le confinement augmente le risque.
Avec le confinement, les enfants sont plus actifs, plus prompts à faire des bêtises. Ils ne sortent pas, tournent en rond dans le salon...
Les petits ont toute la journée pour explorer les placards et pour les plus téméraires goûter aux produits ménagers (eau de Javel, produit nettoyant, lessive..) ou aux médicaments laissés à leur portée.
Depuis peu, les gels hydroalcooliques sont venus se rajouter à la liste habituelle des produits toxiques. Le Docteur Labadie dit comprendre les parents :
Tant que les gels hydroalcooliques étaient conditionnés en petit flacon avec un poussoir ou un orifice très petit, les enfants avalaient de petite quantité mais depuis que les pharmaciens les fabriquent, ils manquent de contenants et les vendent en bouteille sans bouchon de sécurité.Ils l'utilisent plusieurs fois dans la journée. lls le laissent sur la table et ne le rangent pas forcément dans l'armoire.
Les enfants en avalent de grosses gorgées au goulot. Ils pleurent, ils toussent. Les parents nous appellent très stressés. On leur conseille alors de donner du sucre pour couper l'effet de l'alcool.
Les excès de la désinfection
D'autres accidents, plus surprenants, sont liés à une désinfection excessive du corps rapporte le Docteur Labadie :
Certains se badigeonnent avec du gel hydroalcoolique, de l'eau de javel ou de l'alcool à brûler. Cela déclenche des irritations cutanées sévères. La peau devient toute rouge et présente un érythème comme un coup de soleil. On leur conseille d'aller se doucher longuement pour que la peau élimine le produit. Il faut être patient. Les symptômes peuvent disparaître après quelques heures.
D'autres font preuve des mêmes excès pour désinfecter leur maison et nettoient les sols avec de la javel pure. Les intoxications peuvent être plus sévères indique le docteur Labadie :
C'est un produit toxique. Les gens respirent des vapeurs de chlore. Ça peut provoquer des crises d'asthme. Il faut alors aérer la maison et rincer à l'eau.
L'ARS de Nouvelle-Aquitaine indiquait, sur son site le 24 mars dernier, que l'eau de javel pouvait être utilisée pour désinfecter les surfaces :
Les produits de nettoyage et désinfectants couramment utilisés (eau de Javel, éthanol 70%...) sont efficaces contre le COVID-19. En plus du nettoyage régulier, les surfaces qui sont fréquemment touchées avec les mains doivent être nettoyées et désinfectées deux fois par jour. Il s’agit par exemple des surfaces d’écran tactile, des claviers, poignées de porte, des télécommandes, des boutons d’ascenseur, des interrupteurs d’éclairage, des boutons de toilettes, des comptoirs, des mains courantes…
Mais La préfète Fabienne Buccio avait rappelé, lors d'une audioconférence de presse lundi 30 mars, que "nettoyer à la javel ou autre quand ce n'est pas utile, c'est plus toxique pour la nature et pour les personnes qui inhaleraient les relents de ces produits".
Il faut, bien sûr, respecter les consignes d'utilisation et diluer le détergent quand il est vendu en berlingots et ne pas s'en servir pour laver les légumes et les fruits :Les gens trempent les fruits et légumes dans de l'eau de javel. Ils les rincent mais pas toujours très bien. Les produits qui peuvent rester sont irritants.
Le Docteur Labadie constate également un mauvais usage des huiles essentielles pour renforcer les défenses immunitaires : "Ils avalent les huiles essentielles quand elles ne sont pas faites pour être prises par voie orale. Ils en prennent en trop grande quantité, 40 gouttes au lieu de 4. Ils en donnent aux tout petits alors que c'est contre-indiqué. "
C'est ce que constate la chef de service centre anti-poison du CHU de Bordeaux. Elle invite les Néo-aquitains à ne surtout pas intervenir d'eux-mêmes. "Ils croient bien faire mais ils peuvent aggraver les choses. Les gestes à prodiguer varient selon le produit toxique, l'âge et les antécédents de la personne. Il faut avant tout appeler le centre anti-poison. "Les gens ont très, très peur, on le sent bien au téléphone.
En Nouvelle-Aquitaine, vous pouvez joindre le centre anti-poison, service public du CHU de Bordeaux au 05 56 96 40 80.
Vous pouvez également lire les recommandations publiées par l'Anses : COVID-19 : attention aux intoxications liées à la désinfection et aux autres situations à risque :