Avec des salles de sports toujours fermées au grand public, les coachs sportifs bordelais voient leur demande exploser depuis le début d’année 2021. Un métier physique et social, qui s’adapte aux mesures de confinement.
« Ma voiture c’est une salle de sport ! » plaisante Samuel De Sousa "Sam’Fit", coach sportif. Sur le parking d’un grand supermarché, le coffre s’ouvre et dévoile un banc de musculation, des poids de 2,5 à 16 kilos, des ballons, des élastiques ou encore des paires de gants de boxe. « C’est le sac de Mary Poppins ! » s’amuse Caroline, coachée par Samuel ce jeudi matin.
Avant les confinements, le jeune coach exerçait sa profession dans une salle de sport bordelaise. Depuis l’été dernier il donne rendez-vous à ses clients à domicile ou dans les parcs publics de l’agglomération, comme sur la place des Martyrs de la Résistance ou encore sur les terrasses des magasins du quartier Ginko à Bordeaux-Lac. « Il a fallu acheter du matériel, s’adapter au lieu et s’en servir… être créatif, relever des petits défis » explique-t-il.
Quand c’est compliqué au boulot, ça me fait du bien de voir Sam, c’est un exutoire.
Depuis que les gens sont enfermés chez eux, Samuel observe un plus grand besoin d’évacuer, de se défouler, après de longues heures de travail. « Les gens n’en peuvent plus de l’enfermement. Ils veulent bouger, être avec quelqu’un. La boxe est hyper demandée… ça défoule ! Mes clients ont tous une paire de gants ! » s’enthousiasme-t-il. « Quand c’est compliqué au boulot, ça me fait du bien de voir Sam, c’est un exutoire. Après la boxe je suis zen ! », révèle Caroline, directrice d’un café rue Sainte-Catherine. La musique dancehall s’échappe de l’enceinte bluetooth pour encourager la jeune femme qui se lâche sur les pads de boxe. La musique est choisie en fonction du rythme de l’exercice et des goûts de l’élève. « J’ai même eu droit à du Walt Disney un jour ! » sourit Caroline. Un luxe que seule une séance de coaching privée peut offrir.
Caroline a contacté son coach via un réseau social en juillet dernier. En situation d’obésité suite à un choc émotionnel, elle ne trouvait pas la motivation pour faire du sport de manière autonome. « J’ai essayé seule mais je n’y arrive pas, on ne peut pas se dépasser autant. » La jeune trentenaire a depuis perdu quinze kilos. « Je porte un regard sur moi plus valorisant, ce n’est pas qu’une question de poids mais de confiance. »
Des changements apportés par le télétravail
Valérie "Val’Fitness" intervient à domicile à Bordeaux et alentours depuis douze ans. Depuis l’arrivée du Covid, elle rencontre un nouveau public, plus jeune : « Beaucoup de cadres de trente à quarante ans, qui sont enfermés en télétravail toute la journée et qui me demandent d’aller à l’extérieur. À l’air libre et au soleil » indique-t-elle. La plupart pratiquait le sport en salle ou en association mais tout s’est arrêté. « Une fois qu’on a goûté au coaching sur mesure, les salles ce n’est plus la peine d'y retourner ! » assure-t-elle.
Le télétravail a également rendu un certain public plus flexible. « Beaucoup de gens sont plus disponibles sur des nouveaux créneaux, ils peuvent plus facilement aménager leur emploi du temps » observe Elsa Monchy, coach dans la région depuis 2016. « Mais il faut parfois conjuguer avec les gardes d’enfants ! » nuance-t-elle.
« Pour un coach qui débute, c’est le bon moment ! »
Depuis janvier, la demande a explosé… de plus de 25% selon Nicolas Domenger "Coach33", qui observe une demande plus forte pour des séances à domicile plutôt qu’à l’extérieur. « Il y a de plus en plus de monde dans les parcs, les clients préfèrent avoir plus d’intimité ». Environ sept cours sur dix se déroulent à domicile.
Mon téléphone sonne jusqu’à deux fois par jour !
« Je ne peux pas répondre à toute la demande ! » s’étonne Elsa. « Pour quelqu’un qui débute, c’est le bon moment » confie-t-elle. « Depuis quelques semaines, mon téléphone sonne jusqu’à deux fois par jour, malgré la concurrence sur internet ! » s’étonne Valérie. Une demande forte qui permet de se choisir entre élève et entraîneur.
Une activité à vocation sociale
Parce que le coaching sportif n’intervient pas uniquement pour perdre ou prendre du poids, un véritable lien de confiance, voire d’amitié qui s’instaure parfois. « C’est aussi pour aider à bien vieillir, ou encore accompagner des malades chroniques », confie Valérie « ce sont des leçons de vie, je me régale » s’émeut-elle. Samuel partage cette vision sociale du métier. Il travaille notamment avec des personnes victimes d’accident vasculaire cérébral ou en infirmité motrice cérébrale. « Je me lève le matin parce que je veux faire du bien aux autres ».
Samuel a rebondi face à la crise. Avec cette activité transformée, il voit les kilomètres et les paysages défiler. « Je sors de chez moi, j’évolue dans différents milieux. » Mais l’activité n’est pas pérenne pour lui car trop chronophage. « Mes cours sont éparpillés de 9h à 20h30 avec parfois des trous de trois heures avec des longs trajets et je n’avais pas envie d’augmenter mes tarifs ». S’il compte bien garder son activité de coaching individuel pour son lien social fort, il attend la réouverture des salles de sport avec impatience.