Pas de revenus depuis février, pas de trésorerie pour le domaine. Le coup est dur pour ces salariés d'un château racheté par des investisseurs chinois. Ils leur ont signifié leur licenciement par mail il y a quelques jours. Le tribunal des Prud'hommes de Bordeaux exige le paiement des salaires.
Ils ne comprennent pas le mandarin. Et c'est pourtant par un mail écrit dans cette langue, traduit en français, qu'ils ont appris il y a quelques jours qu'ils étaient licenciés. Un mail envoyé de Chine.
Bernard Pitoux et Jérémy Manteau travaillent sur le vignoble de Château de Pic, situé sur les hauteurs des coteaux de la Garonne. Il fait partie de l'appelation Cadillac Côtes de Bordeaux. Le château de Pic a été racheté en 2012 par Monsieur Shourui Wu, un importateur et distributeur de vin et de thé dans le nord de la Chine, à l'époque où les domaines bordelais étaient très recherchés par les investisseurs chinois. Plus récemment, en août 2019, Monsieur Xu et ses fils rachètent le château au Tourne, à l'est de Bordeaux.
Mais voilà. Depuis quatre mois, plus un seul salaire ne leur est versé. Les caisses du château sont vides, pas de trésorerie. Le chef de culture, Bernard Pitoux, qui travaille sur le domaine depuis 15 ans est consterné de voir dans quel état sont les vignes.
" On ne peut même plus acheter de gasoil. C'est mon outil de travail. J'ai pratiquement fait toutes les plantations, vous avez vu dans quel état c'est...Y a déjà pas de récolte cette année, c'est une catastrophe. "
La situation est critique aussi au plan personnel. Jéméry Manteau, tractoriste sur le domaine, n'a plus un sou. " J'ai été obligé d'emprunter à la banque, ma famille m'envoie de l'argent pour manger. J'ai recours au secours populaire. J'ai travaillé toute ma vie donc je suis très énervé. "
Situation de crise
Pourquoi une telle situation ? La direction chinoise est avare de communications et d'explications. Invoqués, des problèmes financiers, la crise du coronavirus... Il y a eu des promesses que l'argent allait arriver mais en vain. Six salariés sont concernés, trois sur l'exploitation, trois autres pour la partie administrativé. Des salariés qui n'y croient plus.Epaulés par un syndicat, la CFDT agroalimentaire, les employés ont obtenu jeudi 25 juin, devant le tribunal des prud'hommes, le paiement des salaires.
" Les salariés ont eu gain de cause devant le tribunal mais gain de cause mais ne veut pas dire payés. " décrypte Marc Sabourin de la CFT Agroalimentaire, celui qui les accompagne dans ce combat . Car les dirigeants chinois ne sont pas en France forcément " Il va être compliqué de les toucher, ils ne sont pas présents, ils ne répondent pas à nos mail, nos courriers nos convocations." Seule chance possible : le siège social est ici. Il peut donc y avoir saisi du mobilier, et de l'immobilier au terme d'une procèdure pour que les salaires puissent finalement être versés. Mais il va falloir, pour les salariés, être patients.
Hélène Pauly s'occupe de la partie administrative du domaine. Elle questionne : "Quel est l'intérêt pour ces châteaux ? " Et rappelle qu'il y a des châteaux rachetés par des investisseurs chinois qui fonctionnent " mais d'autres sont complètement fermés " On a eu des châteaux petit à petit abandonnés. Ils n'emploient plus personne, les bâtiments sont fermés. Ils prennent des prestataires en France pour l'entretien des vignes. Les fournisseurs nous disent qu'ils ont du mal à se faire payer..." Hélène elle aussi aimerait bien avoir des nouvelles de ces fameux propriétaires, père et fils, qui eux poussent à l'extrême en ne versant plus les salaires et en licenciant ainsi. Des investisseurs qui seraient dans l'immobilier en Chine croit-elle savoir.