La vitesse limitée à 30 km/h, ce sont 89% des rues qui seront concernées contre 37% actuellement. Objectif de la majorité : une « ville apaisée » limitant la pollution.
La circulation limitée à 30% en ville est évoquée de plus en plus souvent. La Ville de Bordeaux a décidé de franchir le cap. C’est le thème central de cette conférence de rentrée de la majorité municipale. La mobilité est au cœur des préoccupations de Pierre Hurmic qui en avait fait un de ses thèmes de campagne. Et aujourd’hui aucune métropole française n’échappe à cette problématique.
Pendant sa conférence de rentrée, le maire de #Bordeaux, @PierreHurmic annonce le passage de la vitesse à 30km/h dans la majorité des rues de la ville dès janvier 2022. pic.twitter.com/WHJWyI9FQu
— France Bleu Gironde (@Bleu_Gironde) September 15, 2021
Limitation à 30 km/h…
Pierre Hurmic a d’emblée rappelé que l’été avait été marqué par des « blessures climatiques ». « Des avertissements » ont été donnés notamment avec la demande de « décarbonner nos sociétés et nos économies » a-t-il précisé.
Si « la ville marchable n’est pas une ville sans voiture » il a néanmoins insisté sur le « besoin d’apaiser nos déplacements en quotidien ».
La voiture est au cœur des problématiques de pollution.
600 décès annuels sont liés aux particules fines sur la Métropole Bordelaise.
« C’est donc un impératif légale et un impératif sanitaire », a-t-il conclu.
C’est donc dans ce contexte que la limitation de la circulation à 30km/h a été décidée par la municipalité. Près de 90% des rues seront concernées. Certains axes resteront donc à 50km/h. A l’heure actuelle, 37% des axes sont déjà limités à 30km/h.
Cette mesure vise à « baisser le nombre d'accidents graves ». « On peut arriver à baisser de moins 10 à moins 40% le nombre d’accidents », a prévenu Pierre Hurmic. « On peut aussi diviser par deux les nuisances sonores ».
Cela permettrait aussi de « fluidifier la circulation », de « développer les modes actifs (piétons et vélos) », et enfin « baisser la pollution ».
- Trait orange épais : voie maintenues a 50km/h
- Trait grise : voies à plus de 50 km/h
- Trait orange léger : voies à 30 km/h existantes ou à venir
… pour une « ville apaisée »
Cette limitation de la circulation à 30km/h s’inscrit dans une politique visant à mettre les circulations douces au cœur des déplacements urbains. Il s’agit de « rééquilibrer chacun des modes de déplacement », a déclaré Pierre Hurmic.
Ainsi, « la place accordée aux piétons sera plus importante avec l’agrandissement de la zone piétonne de centre-ville », indique la municipalité.
Sa superficie passera d’ici à 2023 de 40 à 65 hectares, tout en améliorant le confort des usagers. Les voitures seront ainsi dirigées vers les grands parcs de stationnement. Les horaires de livraison seront davantage encadrés.
Dans la même logique, « pour sécuriser les déplacements des écoliers et leur permettre de s’approprier la rue, la Ville a créé « la Rue aux enfants » devant les écoles », annonce la mairie.
A terme 80% en disposeront d’ici 2026. De plus, 35 km de couloirs de bus et vélos vont être réalisés. Les places d’auto partage vont être multipliées par quatre.
L’objectif est aussi de rendre la rue aux piétons. Pour lutter contre l’encombrement des trottoirs, les zones de stationnement dévolues au « free floating » aménagées sur la chaussée seront doublées. Partant du constat que la majeure partie des quartiers se situent à 4km de la place Pey-Berland, l’opération « la ville à grands pas » va être lancée pour « créer des itinéraires aménagés pour tous les piétons, à l’ombre des arbres, avec des fontaines, des bancs, des trottoirs désencombrés… ».
Enfin, le stationnement payant sera appliqué dans les quartiers résidentiels de Caudéran et Saint-Augustin. Finies les exceptions. Toujours côté stationnement, des tarifs attractifs vont être proposés dans les parkings couverts pour libérer la voierie. Des tarifs spécifiques pour la nuit et les week-end vont être instaurés en lien avec Metpark.
« On ne peut pas avoir de mesure universelle partout, il faut une adaptation » (N. Florian)
Pour l’ancien maire de Bordeaux et principal opposant Nicolas Florian, les annonces de Pierre Hurmic sont dans la continuité de ce qu’il avait déjà engagé. « Dans le plan climat mobilité de novembre 2019, il était déjà prévu que toute la zone intra-boulevards passe à 30 km/h d’ici 2030 », dit-il.
Toutes ces dispositions impactent ceux qui sont dans un mouvement qui ne se situent pas que à Bordeaux. Il faut de la concertation à l’échelle de l’agglomération pour ceux qui viennent y travailler à Bordeaux mais qui n’y habitent pas. Et concernant les mesures localisées sur Bordeaux, il faut de la concertation (…). On ne peut pas avoir de mesure universelle partout, il faut une adaptation. Il faut voir où intégrer des mobilités douces".
Je suis contre les zones à 30km/h dans les secteurs où il n’y a pas de difficultés de mobilité.
"Il faut faire attention aux logiques d’affichage quand la réalité ne le justifie pas ou ne le vérifie pas », pousuit-il. Le conseiller municipal (LR) de l’opposition fait référence notamment aux boulevards bordelais où une voie de circulation dédiée aux bus et vélos a été mise en place.
« Mettre les boulevards à 30 km/h à l’heure des bouchons, cela n’a pas de sens, puisqu’on y circule à 15km/h », sourit-il. Preuve selon lui que les effets de cette voie dédiée aux bus et vélo n’a pas les effets escomptés sur la circulation des voitures.
Par ailleurs, Nicolas Florian envisage cette question de la limitation à 30 km/h « à une autre échelle ».
« Moi, j’avais une logique de cercles concentriques : en dehors de la rocade, entre la rocade et les boulevards, et une dernière zone intra boulevards. C’est en cela qu’il y aurait dû avoir des annonces de la Métropole. Là, cela participe d’une forme de confusion. J’ai le sentiment qu’il y a un décalage dans les annonces, et pas de doctrine globale ».
La Métropole a en effet dévoilé son plan sur la mobilité la semaine dernière. Pour autant, Clément Rossignol Puech (maire écolofiste de Bègles ), vice-président de la Métropole délégué aux stratégies des mobilités, était aux côtés de Pierre Hurmic ce mercredi 15 septembre pour sa conférence de presse de rentrée. Une présence que le maire a tenu à souligner.
« La seule vraie mesure, c’est d’avoir un véritable service public des transports collectifs » (P. Poutou)
De son côté, Philippe Poutou, conseiller municipal (NPA) d’opposition, parle de décision « positive » pour des raisons de sécurité routière (notamment piétons et deux roues).
« D’ailleurs, de plus en plus, les zones à 30 km/h s’installent dans les quartiers », rappelle-t-il. Rappelons que la ville de Bègles a été la première à mettre en place ce dispositif il y a deux ans. Et Bruges, Le Bouscat, Cenon, Floirac, Lormont et Pessac devraient elles aussi mettre en place cette limitation.
Mais pour Philippe Poutou, là n’est pas réellement la solution. « Pour des raisons écologistes et anti-pollution, la seule vraie mesure, c’est d’avoir un véritable service public des transports collectifs qui met en place la gratuité pour toute la population et développe un réseau de bus adapté aux horaires de travail des gens, en créant ainsi les conditions de se passer de la voiture en ville ».
Reste désormais à savoir ce qu’en pensent les principaux concernés. Les habitants de Bordeaux et de la Métropole seront-ils favorables à cette généralisation des 30km/h dans la capitale girondine ? Lors d’un débat réalisé par nos confrères de Sudouest.fr, les internautes ayant participé y étaient opposés à 71%. Pas dit que le projet de « circulation libre et joyeuse » voulu par Pierre Hurmic rencontre l’adhésion escomptée.