Étudiante et malvoyante, Aurore Bouverat témoigne des difficultés qu'elle peut rencontrer dans ses déplacements au quotidien, pour se rendre au lycée puis à la fac. Dans quelques semaines, la loi pour l’égalité des droits des personnes handicapées, qui prévoit que tout le monde puisse se déplacer dans l'espace public sans difficulté, fêtera ses 20 ans. Mais sur le terrain, les réalités diffèrent en fonction des territoires.
De son trajet quotidien jusqu'à son lycée de Mont-de-Marsan, Aurore Bouverat connaît les moindres détails. "L'été avant de rentrer en seconde, j'ai appris le chemin par cœur avec ma mère, on le faisait une dizaine de fois." L'an dernier, la jeune étudiante de 19 ans, malvoyante, se rendait chaque jour, seule et à pied, à son établissement scolaire. "Je dois faire attention par terre, c'est très caillouteux et si je bute contre un caillou ça peut être compliqué donc je fais beaucoup avec le toucher des pieds, indique-t-elle, attentive au moindre obstacle. C'est plus difficile en hiver, quand il fait nuit, je voyais bien les voitures, mais pour voir la route, c'est plus difficile."
Accessibilité compliquée
Durant toute sa scolarité, la jeune étudiante, partie maintenant poursuivre ses études à Bordeaux, essaie d'accomplir un maximum de choses par elle-même. "Ce n'est pas évident de demander de l'aide, glisse-t-elle. Au début, c'était un peu compliqué, je stressais, j'avais cours à huit heures, je partais à 7 h 30 alors que je n'avais que dix minutes de trajet, j'avais peur de me tromper." Un parcours qu'elle raconte lors de la première conférence des territoires du Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui se tenait ce lundi 16 décembre, à Mont-de-Marsan.
En faisant le chemin, au fur et à mesure, ça devenait plus simple. Après, je le faisais automatiquement sans même réfléchir au trajet.
Aurore BouveratEtudiante malvoyante
Les villes plus accessibles
Tout au long de son parcours, Aurore s'estime "chanceuse" d'avoir pu être accompagnée par la municipalité de Mont-de-Marsan. "J'ai eu une très belle adolescence ici et j'étais suivie par le pôle sensoriel des Landes depuis ma naissance, raconte-t-elle. C'était un service très familial et au fur et à mesure, on faisait des activités pour m'apprendre à réussir, alors que dans des plus grandes villes, je pense qu'il doit y avoir plus d'attente."
En revanche, si l'étudiante salue l'aide dont elle a bénéficié, elle reste consciente des limites de ce territoire, moins avancé en termes d’accessibilité. "J'avais ma famille qui m'aidait énormément, mais c'était parfois compliqué parce qu'à Mont-de-Marsan, il n'y a que des bus. Ce qui est plus facile à Bordeaux c'est qu'il y a des trams, les trajets sont plus simples, car c'est vocalisé", illustre-t-elle.
Faire évoluer la loi de 2005
"C'est l'occasion pour nous de rappeler que l'accessibilité est une obligation", insiste Jérémie Boroy, le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Il y a des départements qui partent avec des chances différentes en fonction des contraintes, c'est une question d'approche des élus, la loi doit être la même partout sur tout le territoire."
Il y a un avant et un après loi février 2005 mais quand je pose la question de l'accès à l'école, au travail, c'est sûr qu'il y a un certain nombre d'obstacles encore.
Jérémie Boroyprésident du Conseil national consultatif des personnes handicapées
Vingt ans après la loi de février 2005, qui prévoit que les personnes porteuses de handicap doivent pouvoir accéder à tous les lieux sans difficulté, particulièrement dans les espaces publics, Jérémie Boroy estime qu'il reste encore beaucoup à accomplir. "On ne peut plus faire semblant de découvrir les obligations qui sont les nôtres." Le Conseil envisage de proposer des adaptations de la loi, dans l'objectif qu'elle soit plus en phase avec les comportements actuels.