Le Conseil interprofessionnel du vin de bordeaux craint que la publication de cet indicateur "incomplet" ne tire tous les prix vers le bas. Pour autant, cette annonce est un signal que le marché se porte mal.
C'est un indicateur de valeur. Et il ne cesse de chuter. Ce chiffre, c'est le prix auquel se vend un tonneau de 900 litres de vin de Bordeaux, en moyenne sur une semaine. Il donne une indication de tendance aux négociants qui achètent le vin aux vignerons. Ces prix sont de plus en plus bas, alors le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de bordeaux) a décidé de ne plus les publier du tout.
Alors garder ce prix secret, est-ce une manière de cacher les difficultés sous le tapis ? "Le bureau du CIVB a décidé de casser le thermomètre pour ne pas qu'on voie la fièvre", a vivement réagi la Confédération paysanne. Le CIVB argumente en affirmant que l'indicateur n'est plus représentatif.
Un indicateur du vin vrac
Premier argument de l'organisation : l'indicateur ne concerne que les vins vendus en vrac (en tonneaux), soit environ 40% de la production bordelaise.
Ce prix vrac pouvait porter à confusion, car il était considéré comme le prix du vin de Bordeaux en général, alors qu'il ne prend pas en compte la vente à la bouteille.
CIVBà France 3 Aquitaine rédaction web
Il reste que la filière va mal. Le vignoble bordelais, comme d'autres filières, traverse une grave crise économique. Les facteurs sont multiples pour expliquer ces difficultés. D'abord la crise du Covid : avec la fermeture des restaurants et bar, la consommation a chuté. Ensuite, la politique anti-covid de la Chine, avec des villes entières confinées, a fermé le marché chinois.
Viennent ensuite la guerre en Ukraine, les pénuries et la hausse des prix de l'énergie. Enfin, une tendance de long terme inquiète le secteur : la consommation d'alcool et de vin baissent durablement, en particulier, les Français boivent de moins en moins de vin rouge.
Des prix tirés vers le bas ?
Tous ces facteurs cumulés font que les indicateurs de valeur, comme la cotation des vins en vrac, baissent. Sauf que, pour le CIVB, cet indicateur baisse trop par rapport à la réalité. Comme la demande baisse, il y a moins de transactions. Avec un nombre réduit de ventes, dû à la faible demande, le moindre prix très bas tire toute la moyenne vers le bas.
Le Conseil craint que la publication de cet indicateur ne mette tout le monde dans le même panier. Et tire artificiellement la valeur de tous les vins de bordeaux vers le bas ; même si certaines appellations s'en sortent mieux. "Ça n'est plus un indicateur collectif pertinent en ce moment", affirme le CIVB.
La filière en difficultés
Mais le simple fait que certaines ventes se fassent à prix très bas est inquiétant. À cause de la faible demande, certains vignerons ont accumulé de gros stocks. Dans l'urgence, ceux qui ont le couteau sous la gorge se résolvent à vendre à un prix bien inférieur à leur coût de production, pour écouler leur vin.
À Saint-Felix-de-Foncaude, Didier Gelabert n'a jamais vu ses cuves aussi pleines. Ce viticulteur depuis 1981 ne trouve personne pour acheter son vin. Millésime de 2020 ou 2021, rien ne se vend.
D'habitude aux nouvelles vendanges, j'ai vendu 80% de ma production, là, financièrement, je suis à bout. Ça donne plus envie d'aller à la vigne...
Didier Gelabert, vigneronFrance 3 Aquitaine
"La viticulture est vraiment dans la difficulté", confirme Philippe Hébrard. Il dirige la coopérative "Les caves de Rouzan" et n'observe pas forcément de grosses baisses de prix, mais plutôt une baisse d'activité avec moins de ventes. Malgré la situation, il reste cependant optimiste, notamment grâce au millésime 2022, qui s'annonce "très porteur".
Si vous livrez de la bonne qualité, à des prix raisonnables, puisque les prix des vins de Bordeaux n'augmentent pas, vous créez de l'intérêt et de la demande. Dans un an, ça aura un effet.
Philippe Hébrard, coopérative "Les caves de Rouzan"France 3 Aquitaine
D'ici là, il faudra que les vignerons résistent.