Dans cette école, "un enfant sur six vit dehors, dans une voiture ou un squat" : l'alerte des enseignants et parents d'élèves

Plusieurs parents d'élèves et membres du corps enseignant se sont mobilisés, ce jeudi 6 juin, pour dénoncer l'inaction de l'État et de la municipalité dans l'hébergement de familles précarisées.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Le jour à l'école, la nuit à la rue." Sur les façades du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, le slogan affiché par les enseignants se veut percutant. Ce jeudi 6 juin, ils étaient une trentaine à se rassembler sur la place Reynal, face à la mairie, pour "visibiliser" une problématique contre laquelle ils se battent depuis plusieurs années. "Un enfant sur six vit dehors, dans une voiture ou un squat, ce qui représente 25 familles de la maternelle au primaire", déplore Céline Avcu, parent d'élève à l'école des Menuts, et membre du réseau d'éducation sans frontières.

Des familles "en grande difficulté"

En avril déjà, plusieurs enseignants de l'école des Menuts se mobilisaient pour dénoncer cette "situation intolérable". "On a des enfants qui arrivent à l'école le matin et qui viennent de passer la nuit dans la voiture, sur des parkings, qui ne sont pas lavés, sont fatigués et qui rejoignent la rue le soir en quittant l'école", pointe Gérard Clabé, du réseau Éducation sans frontières.
Selon le décompte opéré lors de la Nuit de la Solidarité,  1 000 personnes vivraient à Bordeaux, sans domicile fixe. 50 % d'entre elles dormiraient dans la rue, et parmi elles, des familles avec des enfants scolarisés.

"On parle d'au moins 300 enfants à la rue", indique Gérard Clabé.

On a plusieurs familles qui sont revenues vers nous pour nous dire qu'à la fin de l'année scolaire, ils n'ont plus d'hébergement et se retrouvent dehors juillet et août. Et en septembre, ils vont devoir refaire des demandes d'hébergements, c'est sans fin.

Céline Avcu

parent d'élève à l'école des Menuts

Camille* est papa de deux petites filles scolarisées dans des écoles du centre-ville de Bordeaux. Lui aussi a déjà a été témoin de l'incapacité des municipalités à réagir face aux familles précarisées, un phénomène amplifié par la fin de la trêve hivernale. "On a deux familles qui sont de nouveau en grandes difficultés, l'une qui est hébergée par des amis et l'autre dans un squat dont elle sera très prochainement expulsée", regrette-t-il.

Logements vacants

"C'est une situation qui se reproduit et se généralise, tance Gérard Clabé. Je doute qu'il y ait une école aujourd'hui à Bordeaux qui ne soit pas touchée pas ce phénomène." En réaction, de nombreuses personnes du corps enseignants ont alerté les institutions et la municipalité de Bordeaux. "Chaque fois, on leur demande ce qu'ils peuvent faire pour ces enfants qui suivent une scolarité et sont souvent des élèves très assidus qui se raccrochent à ça, relève Céline Avcu. À chaque fois, on a les mêmes réponses : 'appelez le 115.' "

Aujourd'hui, à Bordeaux, plus de 10 000 logements sont déclarés vacants dans le centre-ville. Le triple dans l'agglomération. "Nous, on a sollicité la mairie de Bordeaux pour réfléchir à la mise à disposition de ces logements, détaille Camille, membre d'un collectif de parents et d'enseignants. Après plusieurs interpellations, on a reçu un courrier qui ne proposait pas de rencontre ou d'échange et qui listait les différentes initiatives de la ville de Bordeaux, mais aucune solution."

"On fait ce que l'on peut"

"Nous soutenons ce mouvement des associations et des parents, et nous comprenons leur émotion : nous ressentons la même", répond Harmonie Le Cerf, adjointe au maire de Bordeaux chargée de l'accès aux droits et de la solidarité.   "On fait ce que l'on peut, on multiplie les mises à l'abri", assure l'élue. 

Quand l'équipe municipale est arrivée à Bordeaux, 18 personnes étaient hébergées. Aujourd'hui, elles sont au nombre de 140.

Harmonie Le Cerf

Adjointe au maire de Bordeaux chargée de l'accès aux droits et des solidarités

L'élue espère pouvoir augmenter les capacités d'hébergement, et mettre à disposition cinq nouveaux logements par an sur les prochaines années. "Nous ne pourrons pas tout faire en interne", reconnaît l'adjointe au maire, qui rappelle les questions d'hébergement sont de la compétence de l'Etat.  La mairie de Bordeaux déposé deux recours, un gracieux à l'automne, et un contentieux en début d'année, pour lui rappeler ses obligations. À ce jour, la municipalité reste toujours en attente d'un retour.

Une situation aggravée par les Jeux olympiques

Le Réseau éducation sans frontières souhaite désormais demander une audience collective auprès de la préfecture de Gironde. En novembre dernier, ses membres s'étaient déjà rassemblés devant l'institution pour éclairer sur la situation de ces familles.

On va leur demander de mettre à l'abri les familles avec des enfants scolarisés, il faut mettre des moyens. 

Gérard Clabé

membre du Réseau éducatif sans frontières

En marge des Jeux olympiques, de nombreuses associations alertent sur le déplacement en province de personnes sans-abri venues de Paris. Une situation qui débouche depuis sur une saturation dans les centres d'hébergement. "Il y a des familles qui viennent de Paris et ici sur Bordeaux, tout est plein et archi plein, c'est un système qui implose", alerte Gérard Clabé.
"On attend que les institutions réalisent que les cas s'aggravent, surtout qu'avec les JO ça n'arrange rien, abonde Céline Avcu. On demande, comme d'habitude, la réquisition des logements vacants."

Contactée, la préfecture de Gironde indique ne pas vouloir communiquer à ce sujet en raison du devoir de réserve liée à la période électorale.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité