Ces supérettes noires ou fantômes liées au développement du commerce en ligne et à l'explosion des livraisons des courses ou des repas à domicile à vélo, s'installent de manière anarchique dans le centre-ville de Bordeaux. La municipalité s'inquiète du phénomène et les riverains dénoncent de véritables nuisances au quotidien.
Le "tout livraison" atteint-il des limites ? Les "dark stores" et les "dark kitchen" fleurissent depuis le confinement. La municipalité de Bordeaux est préoccupée par la multiplication anarchique des entrepôts alimentant la livraison de repas et de courses à vélo. Selon l’adjointe au commerce, le phénomène bouleverse la vie des quartiers.
Nuisances pour le voisinage
Ce sont des locaux aux fenêtres opacifiées ou installés au fond d'une cours d'immeuble, d’où sortent des livreurs à vélos ou à scooter à toute heure du jour et de la nuit, et sans clients.
Les riverains se plaignent des nuisances générées, notamment par le va-et-vient des livreurs qui garent leur vélo devant les habitations et les garages. Depuis un an et demi, certains riverains vivent un enfer dans leur quartier.
"A sept heures du matin, on a les livraison qui arrivent et le camion bloque notre garage, on ne peut plus sortir notre voiture. Et puis après toute la journée, ce sont les livreurs avec un pic vers 11h30 et puis le soir. Ces livreurs squattent devant notre maison , ce sont des discussions, des sonneries de téléphone; ils écoutent de la musique", raconte Charles Deville, un riverain.
Le dialogue est visiblement compliqué, voire impossible avec les start-up qui ouvrent ces entrepôts pour leur commerce. La mairie de Bordeaux voit d'un mauvais œil ces "dark stores" qui livrent aussi en plein centre-ville en dix minutes chrono.
Définition ►Les dark stores, magasins noirs en français, désignent les entrepôts logistiques ou les cuisines utilisées par les entreprises de livraison. On y prépare des plats chauds pour les applications (apps) de livraisons comme Deliveroo ou Uber Eats, mais également des commandes de courses classiques. Les clients ne sont souvent pas au courant de l'existence de ces lieux.
Réguler les dark stores
L'adjointe au maire de Bordeaux en charge du commerce, Sandrine Jacotot, a essayé de discuter avec l'une de ces entreprises mais en vain. "Nous sommes inquiets car on a une concurrence supplémentaire qui s'installe à Bordeaux ( une ville qui compte 70 % des commerces indépendants), et qui génère nous semble-t-il une concurrence déloyale".
Nous sommes très inquiets de voir leur implantation se multiplier car cela se fait sans aucune demande d'autorisation préalable auprès de la mairie.
Sandrine Jacotot, Adjointe au maire de Bordeaux en charge du commerceFrance 3 Aquitaine
A Bordeaux, mais aussi à Nantes, Besançon ou à Paris, le phénomène est national, et les maires des grandes villes s'en inquiètent.
Le modèle économique de ces commerces virtuels n'est pas encore rentable, mais ce secteur attire les investisseurs. Laurent Putz, responsable du commerce et des études à la Chambre de Commerce et d'Industries de Bordeaux explique que les "dark stores" se sont beaucoup développées pendant le confinement avec des levées de fonds importantes.
Ces sociétés virtuelles font du commerce tout en se développant en entrepôt donc elles n'ont pas besoin d'autorisation comme pour un commerce classique.
Laurent Putz, responsable du commerce à la CCI de BordeauxFrance 3 Aquitaine
Le gouvernement prépare un décret pour réguler ces boutiques et "cuisine" fantômes qui surfent sur un flou juridique. La polémique sur les "dark stores" a pris de l'importance cet été, car les grandes villes, Paris en tête, mènent une offensive contre ces entrepôts alors que le gouvernement souhaite les réguler ce qui revient à les autoriser selon certains élus socialistes, à l'instar d'Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la Ville de Paris qui a posté un message d'inquiétude et d'incompréhension le 13 août 2022 sur Twitter.
Voir le reportage de Guillaume Decaix et de Nicolas Préssigout sur la multiplication des "dark stores" à Bordeaux ►