Trois jeunes, trois points de rupture, trois chemins pour s’en sortir. "Nos Futurs" dresse un état des lieux de la santé mentale des jeunes à travers les portraits intimistes de trois jeunes que tout oppose, mais qui ont pour point commun des troubles psychiques envahissants qui les ont fait sombrer.
Alors que le suicide est la deuxième cause de décès des 15-24 ans, les réalisatrices Eva Carrette et Lorraine Reinsberger ont souhaité illustrer comment le mal-être se traduit aujourd'hui à travers les histoires de Lou, Kaeena et Tinaël à qui elles donnent la parole librement dans "Nos futurs".
Face caméra, les protagonistes livrent leur témoignage sur leurs souffrances, mais aussi sur leur façon de rebondir et de reprendre espoir, quelles que soient les situations.
Trois récits pour un mal-être
- Lou est du Cap-Ferret. Depuis son adolescence, elle souffrait d'une grande anxiété et vivait en échec scolaire et familial avec des envies suicidaires.
Si je tombe, ce n'est pas grave car rien ne me retient.
Lou
Quand le diagnostic de "borderline" tombe enfin après trois ans de recherches sur ce mal-être, elle et sa famille comprennent alors qu'il s'agit bien d'une véritable maladie et non d'une crise d'adolescence ou d'une dépression.
Et même si elle confesse qu'il faut beaucoup de force mentale, après plusieurs années, Lou a vu son horizon s'éclaircir en ayant trouvé sa voie puisqu'elle démarre sa nouvelle vie à Paris pour étudier le design, ce qui lui a sauvé la vie, dit-elle.
- Kaeena, quant à elle, habite à Tarnos dans les Landes, près de l’océan. Elle souffre d'une phobie scolaire qui la handicape depuis sa petite enfance et l’enferme chez elle depuis son adolescence. Grâce à la communication avec ses parents et leur écoute, elle sera finalement déscolarisée.
Il faut toujours être en contact avec eux et ne jamais les laisser tomber.
Le père de Kaeena
C'est la pratique de la boxe qui lui a permis de mieux se comprendre et "d'évacuer sa haine contre un sac", et son amour pour les animaux qui lui ont permis de reprendre goût à la vie.
Les animaux, c'est une révélation de ma vie, c'est ce qui m'a fait rester ici.
Kaeena
- Enfin, Tinaël, qui vit près de Pau, a souffert d'une profonde dépression nerveuse depuis son adolescence. Elle lui a valu des passages aux urgences et des séjours en hôpital psychiatrique à plusieurs reprises. Ce sont les événements du Bataclan en novembre 2015 qui ont été l'élément déclencheur avec cette prise de conscience que l'humanité pouvait être cruelle.
Le monde autour était une vraie problématique pour moi. Je n'en comprenais pas l'intérêt.
Tinaël
Il a finalement trouvé un espace d’expression à travers le théâtre et l’écriture et c'est cela qui lui a ouvert les portes de la guérison. Il aime la montagne, les grands espaces et rêve de cinéma. Le soutien de ses parents fut, pour lui aussi, crucial.
Si je n'avais pas rencontré le théâtre, je serais mort aujourd'hui.
Tinaël
Ce sont ces confidences qui constituent le fil rouge du film.
La parole est également donnée aux parents, souvent démunis par le mal-être de leurs enfants.
Des professionnels s'expriment aussi au fil du documentaire : psychiatres, éducatrices... pour apporter des éléments complémentaires aux témoignages des trois jeunes. Ils font le constat que, bien que le mal-être des adolescents soit un vrai problème de société, il n'est pas traité de la sorte par les autorités et reste encore un sujet tabou.
Quant aux causes, elles sont multiples même si l'augmentation drastique des troubles psychiques chez les jeunes, tout milieu confondu, depuis 2020, période du Covid, n'est pas anodine.
Troubles anxieux, signes de dépression, pensées suicidaires… Depuis la pandémie du Covid, les pathologies psychiques sont en plein essor, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes ⤵️ Un édito d'@eric_cholhttps://t.co/HCcL7aAp6r
— L'Express (@LEXPRESS) January 26, 2024
Les professionnels, pédopsychiatres, journalistes, évoquent aussi le manque de lien social, la démission des parents, la perte de repères et les réseaux sociaux notamment, bien qu'ils puissent être à la fois bénéfiques ou toxiques.
Témoigner pour sensibiliser
La réalisation de ce documentaire s'est effectuée à quatre mains par Eva et Lorraine. Ce duo s’est construit depuis plusieurs années autour d’une sensibilité commune : les sujets de société ou de la santé en général.
Les deux jeunes femmes avaient aussi en commun leur volonté de donner la parole à ceux qui ne la prennent pas facilement, à ceux qui semblent «en marge», à ceux qui doutent... A ceux qui les portent à travers leurs projets et les motivent dans leurs parcours de réalisatrices.
En suivant ces trois jeunes dans leur intimité, les réalisatrices ont également voulu faire un état des lieux des maux de cette génération. En peignant un portrait brut de leurs troubles et en créant un espace de parole, de compréhension mutuelle, leur motivation première était de sensibiliser une large audience.
Tout en récoltant les confidences des protagonistes avec bienveillance et douceur, elles ont veillé à traduire avec justesse leurs émotions et réflexions.
L'idée à travers ce film est de porter à l'écran les épreuves rencontrées avec authenticité, mais aussi les pulsions de vie qui en découlent, en embarquant notre audience dans une aventure collective.
Eva Carretteréalisatrice
L'espoir avant tout
En entrant dans leur univers et en interrogeant les acteurs de leur quotidien, Eva et Lorraine ont retranscrit les parcours personnels de ces trois jeunes, du point de rupture à l’apaisement. En témoignant de leur souffrance et de leurs espoirs, les réalisatrices tiennent à défendre une jeunesse qui se démène pour nager à contre-courant. Sans se revendiquer représentatifs de toute une génération, Lou, Kaeena et Tinaël se livrent sans filtre et proposent des pistes vers les futurs possibles.
Parce que Eva et Lorraine souhaitent aux enfants d'aujourd'hui un futur possible d’adultes épanouis, leur film a permis de délier les langues autour du tabou de la santé mentale et de trouver des pistes pour avancer. Ensemble. En tant que société.
Car ce film est avant tout une ode au rétablissement, avec le témoignage du chemin parcouru et l’espoir de pouvoir inspirer leur génération à retrouver son souffle.
Avec ce film, c’est aussi la lumière au bout du tunnel que je veux montrer, les professionnels autour qui se démènent, les parents qui font « au mieux », qui souffrent aussi et puis, le chemin vers la guérison, les belles idées, la vie qui prend le dessus.
Lorraine Reinsbergerréalisatrice
Le mal-être en débat
A l'issue de la diffusion du documentaire (sur France 3 Nouvelle-Aquitaine le jeudi 1ᵉʳ février à 22.50*), un débat sur la thématique du mal-être chez les adolescents est proposé dans la programmation Débadoc en présence notamment de Tinaël, l'un des protagonistes de "Nos futurs", venu témoigner.
Parmi les thèmes abordés, la dépression, vraie maladie et non "juste" crise d'adolescence, les différentes maladies psychiatriques : dépression, troubles borderline, bipolarité, hypersensibilité. Bien sûr aussi l'importance du soutien familial des jeunes en souffrance. L'éco-anxiété, thème récurrent chez les jeunes souffrant de troubles psychiques qui angoissent face au dérèglement climatique. Enfin, les réseaux sociaux dans le quotidien des adolescents et des jeunes adultes.
- Plusieurs invités présents en plateau pour apporter un éclairage sur la thématique :
- Eloïse Nguyen-Van Bajou : journaliste santé, consultante média, représentante du programme Papageno (prévention suicide).
- Professeur Ludovic Gicquel : chef du Pôle Universitaire de Psychiatrie de l'Enfant et de l’Adolescent du Centre Hospitalier Henri Laborit à Poitiers et Président de la Maison des Adolescents et des Jeunes Adultes de la Vienne.
- Docteur Elsa Claverie : pédopsychiatre au Pôle Universitaire de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et cheffe de l'unité Upsilon à l'hôpital Charles Perrens de Bordeaux.
- Tinaël Parat : témoin et protagoniste du documentaire «Nos futurs».
Présentation : Sandrine Valéro
Documentaire "Nos futurs", Un film d'Eva Carrette et Lorraine Reinsberger
Coproduction Real Factory - France 3 Nouvelle-Aquitaine
Diffusion jeudi 1ᵉʳ février à 22.50 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
*Et aussi à voir ou revoir en replay sur france.tv 30 jours après la diffusion
NB : Ce documentaire a fait l'objet d'une projection en avant-première le 25 janvier aux Chantiers de la Garonne à Bordeaux.