Soixante-douze lits ont été installés dans les chambres de la caserne désaffectée de la Benauge, à Bordeaux, afin d'accueillir des personnes à la rue. Une solution temporaire avant les travaux de réhabilitation du bâtiment. En Gironde, les capacités d'accueil des sans-abris pour cet hiver sont de 2 152 places. 150 de plus que l'hiver dernier.
"C'est bien d'être là. J'ai un lit, je vais pouvoir manger, me doucher pendant quinze jours et puis repartir pour autre chose". Joël est l'un des premiers hôtes accueillis dans l'enceinte de l'ancienne caserne de la Benauge, sur la rive droite de Bordeaux. Cet imposant bâtiment, classé aux monuments historiques, va servir d'accueil d'urgence durant cinq mois, avant d'être transformé en hôtel d'un côté et logements sociaux de l'autre.
Après dix jours de travaux, trente-six chambres équipées de deux lits ont été aménagées, ainsi qu'un espace repas, une cuisine et des salles de repos.
Joël a pu poser sa valise dans l'une de ces chambres. Il avoue être à la limite de l'épuisement. "Ça fait quinze jours que j'appelle le 115, tous les matins.
Il faut les harceler pour avoir une place. Sinon, on est à la rue, dans le froid. Là, j'en peux plus, c'est dur
Joël, sans-abri à Bordeaux
L'homme est à la rue depuis treize mois. Il a perdu son logement après un accident de trottinette et un long arrêt maladie. "J'étais plongeur, c'est mon employeur qui me logeait. Depuis, je me suis débrouillé, j'ai fait du woofing cet été, mais là... Il s'arrête, accablé. Je suis un peu perdu en ce moment, il faut que je remonte, je suis au plus bas, je ne peux pas aller plus bas".
Là, ici, ça va me faire beaucoup de bien. Je vais bien manger, bien dormir, avoir la tête reposée
Joël, sans-abri à Bordeaux
Un abri et un soutien
Ici, il va aussi bénéficier d'un soutien. Olivia Coleou est l'une des agentes d'accueil du Diaconat de Bordeaux, association chargée du fonctionnement du site par la préfecture.
À chaque nouvel arrivant, elle remplit une fiche. "Ça sert à mieux connaître la personne. On ne sait pas d'où ils viennent, on ne les connaît pas du tout. On aime bien savoir ce qu'ils font dans la vie. Beaucoup travaillent et sont à la rue, note-t-elle. Ici, on peut les aider, les accompagner s'ils n'ont pas de domiciliation, pas de Sécurité sociale. On a des référents sociaux, des infirmières qui peuvent les rediriger s'ils sont malades. Mais d'abord, il faut qu'on les connaisse".
L'objectif est d'aider chacun à trouver un hébergement un peu plus pérenne, une formation. "On les aide comme on peut. Avec un sourire déjà", dit-elle, les larmes aux yeux. Trop d'émotion, trop de souffrance.
On a des personnes âgées, des jeunes qui arrivent de tous les horizons, ce n'est pas possible de laisser les gens dehors, on fait tout ce qu'on peut pour les aider
Olivia ColéouAgente d'accueil, Diaconat de Bordeaux
Elle vient d'enregistrer Souleymane, 19 ans, arrivé en France l'an dernier. Le jeune homme a enchaîné les petits boulots puis a trouvé une formation pour devenir plombier-chauffagiste. Mais il n'a pas les moyens de se payer une chambre. Il s'est retrouvé à devoir dormir dehors. Depuis deux semaines.
"Dehors, c'est pas facile, surtout en ce moment. Il fait froid, il y a la pluie, je n'ai pas d'abri, je dors dans la rue. Mais voilà, je suis là, je me sens bien, il fait chaud ici. Je veux plus, mais je n'ai pas le choix, c'est ce que j'ai pour le moment. Franchement dehors, c'est autre chose". Souleymane pourra rester quinze jours, et peut-être quinze de plus en fonction des disponibilités.
Pas de place pour tout le monde
En Gironde, 2 152 places d'accueil d'urgence sont disponibles cette saison, dans le cadre du dispositif hivernal. "C'est 150 places de plus que l'an dernier" assure la secrétaire générale de la préfecture, Aurore Le Bonnec. "Et on peut mobiliser des dizaines de places supplémentaires dans des hôtels ou des gymnases si nécessaire, en fonction des besoins, des températures, de la météo".
Mais la fonctionnaire reconnaît que toutes les demandes ne pourront pas être satisfaites. "L'orientation est faite par le 115 en fonction des critères de vulnérabilité et des places disponibles. Et l'objectif, c'est d'assurer un accompagnement depuis la mise à l'abri vers un logement durable, on travaille pour cela avec les collectivités". Elle affirme que le budget dédié à l'hébergement d'urgence s'élève à trente-huit millions d'euros en Gironde, soit un million de plus que l'an dernier, et dix millions de plus qu'il y a cinq ans. "C'est du pérenne" assure-t-elle.
Reste que l'ancienne caserne de la Benauge n'est qu'une solution provisoire. L'hiver dernier, c'est un bateau de croisière qui avait été transformé en accueil d'urgence. L'an prochain, il faudra encore trouver d'autres solutions...