Arrivé d'Afghanistan il y a un an, Abdul Walik Malik a trouvé un travail dans un restaurant à Bordeaux. Il prend des cours de français, et emménagera bientôt dans un T2 près du marché des Capucins. Mais les talibans viennent hanter le jeune homme jusqu'à Bordeaux. Témoignage.
"Le matin, la première chose à laquelle je pense, c'est ma famille", raconte Abdul Walik Malik, visage fin, barbe et moustache taillées nettes. Pas une phrase sans que le jeune homme ne mentionne ses parents et ses frères et sœurs, restés en Afghanistan. "Je les appelle tous les jours en me levant", confie-t-il.
Nous avions rencontré Abdul Walik Malik il y a un an. Journaliste, il faisait partie des Afghans évacués de Kaboul par les forces de sécurité françaises. Il avait été pris en charge à Bordeaux par l'antenne girondine de l'association France Horizon, elle-même missionnée par l'État. À l'époque, il souhaitait rester anonyme et avait choisi le pseudonyme Jahanger. Aujourd'hui, il témoigne à visage découvert.
Entre cours de français et travail dans un restaurant
Un an plus tard, beaucoup de choses ont changé pour le jeune homme. Du centre d'hébergement, il a pu emménager dans un studio grâce à l'association Revivre. En arrivant, il ne parlait pas un mot de français et n'avait jamais pensé à quitter son pays.
Aujourd'hui, il a obtenu le statut de réfugié. Grâce à ses cours de français deux fois par semaine, et aux vidéos Youtube qu'il regarde pendant son temps libre, il réussit à parler, lire et écrire. "Maintenant, je peux discuter avec mes collègues, avec ma patronne, c'est beaucoup mieux", se réjouit-il.
Pour trouver un travail, il a demandé l'aide de son professeur de français pour écrire un CV, qu'il a ensuite distribué dans différents commerces. Il a été embauché dans un restaurant de la place de la Bourse, où il alterne entre la cuisine et le service. Le jeune homme quittera bientôt son studio pour un appartement de deux pièces, près du marché des Capucins.
Angoissé pour sa famille
Malgré ces bonnes nouvelles, impossible pour Abdul Walik Malik de se réjouir. "Je ne peux pas vivre sereinement. Jour et nuit, je pense à ma famille qui est en danger, ça m'obsède." Il explique que son père et son frère travaillent pour une ONG française en Afghanistan en tant que gardien et chauffeur.
"Ils ont collaboré avec le gouvernement français, donc ils sont en danger à cause des talibans", alerte-t-il. Depuis qu'il est en France, il a tout fait pour les rapatrier. Mais ses demandes sont restées sans réponse.
En arrivant en sur le territoire français, il avait choisi Bordeaux "parce que ça avait l'air très beau sur Internet". Il a voulu y rester et s'installer.
Mais même dans la ville la plus belle du monde, tant que ma famille est en insécurité, je ne pourrai pas me sentir bien.
Abdul Walik Malik, réfugié afghanà France 3 Aquitaine
3000 à 4000 familles concernées
L'association France Horizon, qui a accompagné Abdul Walik Malik à son arrivée, confirme que les procédures sont extrêmement compliquées pour les familles restées en Afghanistan. Les premières évacuations, dont le jeune Afghan faisait partie, se sont faites dans le chaos. Et maintenant qu'il n'y a plus d'ambassade de France à Kaboul, il est encore plus difficile de fuir le pays.
Selon l'association, il leur reste deux possibilités : soit arriver en France par leurs propres moyens, et faire une demande d'asile une fois sur le territoire français, soit faire une demande de regroupement familial depuis un pays voisin, à l'ambassade de France en Iran, au Paskistan ou en Inde.
A la prise du pouvoir des Talibans, toutes les autorités françaises ont dû quitter le territoire. Toute action de la France sur le sol afghan est donc rendue pour le moins compliquée.
association France Horizonà France 3 Aquitaine rédaction web
Abdul Walik Malik n'est pas le seul Afghan à attendre sa famille. Selon France Horizon, fin 2021, il y avait entre 3000 et 4000 dossiers en cours d'analyse pour des demandes de réunification familiale d'Afghans ayant obtenu l'asile en France.