Avec leur association "Toutes à l'abri" , Cathy Médar et Berthille Moreau Printemps offrent un temps de répit aux femmes sans abri. En plus de proposer des produits de première necessité, elles leur permettent de partager des repas et des moments de complicité. L'entraide et l'engagement au féminin.
C'est une petite maisonnette nichée dans le quartier Alphonse Dupeux, à Bordeaux. A l'étage : des bureaux, une salle de bain et des sanitaires, une salle de cours, et partout, des stocks de vêtements et de produits d'hygiène féminine.
Au rez-de-chaussée, un espace cuisine-salle à manger d'une vingtaine de mètres carrés donne sur un petit coin de jardin. Un appétissant gâteau maison au citron trône au centre de la table.
"Quand on a visité ce lieu, on s'est dit que c'était exactement ce que nous cherchions, se souvient Berthille Moreau-Printemps, co-fondatrice avec Cathy Médar de l'association Toutes à l'abri. Un lieu où l'on se sent comme à la maison, pas trop aseptisé, où chacune peut se sentir à l'aise".
Un crowdfounding prometteur
Les deux jeunes amies, (Berthille a 24 ans, et Cathy 33), s'impliquent depuis un an sur leur projet : créer un lieu d'accueil pour les femmes sans-abri de Bordeaux.Un projet de longue haleine qui a pris forme depuis plusieurs mois, à raison d'un jour d'accueil par semaine. Un crowdfounding leur permet de collecter 4 000 euros pour lancer les bases, puis l'association Le 4 de Bordeaux les contacte et leur propose d'avoir recours à leurs locaux pendant leur disponibilité, à savoir le mercredi.
"Ne pas venir toquer à la salle de bain"
Un projet, inspiré par l'action d'une association bordelaise, et qui répond à un véritable besoin : lorsqu'on vit dans la rue, les agressions sexuelles sont tout sauf anecdotiques.
"Les femmes en situation de grande précarité font face à d'énormes difficultés. Les associations mixtes ne sont pas forcément adaptées, et ces femmes ne s'y sentaient pas bien", renchérit Cathy, qui décrit une sensation "d'être un morceau de viande", rapportée par les premières concernées.
Avec Toutes à l'abri, les femmes peuvent se retrouver, se doucher, laver leurs affaires, en non mixité, et surtout "on les laisse tranquilles, en sécurité, un moment où elles peuvent souffler en sécurité". C'est important de ne pas venir toquer au bout de dix minutes dans la salle de bain. Chacune a droit à son moment", rappelle Berthille.
Le jour de notre visite, seules les bénévoles sont sur place, et patientent au cas ou quelqu'un se présenterait. A l'extérieur, un grand soleil inonde le petit jardin. "Quand il fait beau, et chaud comme aujourd'hui, c'est une journée plus propice que d'autres pour faire la manche, explique Berthille qui qualifie la fréquentation de très aléatoire. "Il y a beaucoup de roulement. Parfois, elles sont nombreuses, d'autres, elles n'ont pas envie de venir, ont d'autres choses de prévues, des gens à voir…"
Elles ont une vie aussi, il faut la respecter !
"Ici personne ne me juge, j'ai l'impression de faire partie du groupe"
"Elles ont également besoin de bienveillance qu'on les regarde différemment, poursuit Cathy qui se souvient des propos d'une de ces bénéficiaires à ses débuts dans les locaux "Ici personne ne me juge, j'ai l'impression de faire partie du groupe".
Les deux amies sourient en évoquant les nouveaux bénévoles qui découvrent l'association, et peinent à distinguer les filles sans abris des autres bénévoles. "C'est un signe de grande réussite, on est hyper fières de ça", sourient-elles.
Précaires parmi les précaires
En 2018, le SAMU social tirait la sonnette d'alarme et alertait sur le nombre grandissant de femmes sans-abri : près de 40% des sans domicile fixe sont de sexe féminin. Des femmes plus exposées à la violence de la rue.Cathy et Berthille décrivent un public hétéroclite. "Certaines personnes sont très visibles et nouent le contact facilement. D'autres se cachent, passent la journée dans les transports en commun, ou à attendre dans un hall de gare".
On rencontre aussi des personnes, plus âgées qui réalisent qu'elles sont en train de "basculer", que les aides sociales sont insuffisantes, et qu'elles vont avoir besoin d'aide.
Recherche de couches pour adultes
Cathy et Berthille aident aussi les bénéficiaires dans leurs démarches administratives, et les redirigent, en cas de besoin identifié, vers des structures plus adaptées. Le lieu permet également aux jeunes femmes en situation précaire de bénéficier de vêtements et de denrées alimentaires, mais aussi de produits d'hygiènes féminine, ( protections périodiques, crèmes, savons) récoltés grâce aux dons de pharmacies bordelaises ou de particuliers.Les produits sont également redistribués lors de maraudes hebdomadaires. Les deux femmes précisent par ailleurs avoir un besoin important en couches pour adultes.
Les deux jeunes femmes projettent désormais l'ouverture d'un autre local, "à elles", qui serait ouvert au moins trois jours par semaine; et rêvent d'un rayonnement plus important dans la région.
"Il faut qu"on mutualise le plus possible avec des associations solidaire de Bordeaux pour réussir à travailler ensemble sur une même ligne. Parce qu'au final on veut tous la même chose, et on a tous les mêmes difficultés, alors autant travailler ensemble", espère Cathy.