Ce dimanche, le Rassemblement National a conforté ses positions dans de nombreuses circonscriptions d’Aquitaine. Une situation qui pourrait bien mener des candidats du parti mariniste à l'Assemblée nationale.
Il faut remonter à 1986 pour voir un candidat du Front National aquitain ( ancêtre du RN ) accéder à l'Assemblée nationale. La scène pourrait bien se reproduire cette année. En effet, le parti de Marine Le Pen sera au second tour dans neuf circonscriptions, sur les 28 que compte l'Aquitaine.
"Aux dernières élections, il était en tête dans plus de 200 circonscriptions en France. Ils n'ont eu que huit élus. Cette fois, ils risquent de faire mieux mais ce ne sera pas non plus une majorité", tempère, d'emblée, Ludovic Renard, politologue à Sciences Po Bordeaux interrogé ce lundi.
Confirmation des élections présidentielles
En Aquitaine, Marine Le Pen avait obtenu 43,60 % des voix au second des élections présidentielles. Un bon résultat pour la candidate du Rassemblement National qui s’est confirmé, ce dimanche. "Ils ont convaincu les électeurs sur le volet social et économique en proposant des solutions qui parle à ces territoires, loin d'une gestion verticale calquée sur le fonctionnement du gouvernement", explique Ludovic Renard.
En Gironde, le parti arrive en tête dans les circonscriptions du Médoc et du Blayais. Dans la cinquième circonscription, Grégoire de Fournas obtient 28,55 % des suffrages, soit 1 500 voix de plus que le second candidat, Olivier Maneiro (Nupes). "C'est une première victoire car en 2017, on ratait la marche du second tour et, surtout en tête, c'est un signe fort que le Médoc souffre de l'abandon des politiques publiques, en matière de transports justement", affirmait hier soir, Grégoire de Fournas, candidat RN déjà implanté localement depuis plusieurs années grâce à des mandats locaux.
► Retrouvez le reportage, dans le Médoc de J-P. Stahl et I.Carpentier
Dans le Nord-Gironde, c’est la porte-parole du parti, Edwige Diaz qui arrive en tête avec 39,42 % des voix, avec 7 400 voix de plus que la députée sortante, Véronique Hammerer (Ensemble!). Deux circonscriptions qui avaient largement voté pour Marine Le Pen, en avril dernier. Mais, dans tout le département, les candidats du Rassemblement s’imposent. Ils disputeront également le second tour dans la huitième et la dixième circonscriptions.
C'est en Lot-et-Garonne que le Rassemblement National enregistre ses meilleurs scores, en obtenant le leadership dans deux des trois circonscriptions du département.
"C'est l'aboutissement de la crise des Gilets jaunes, des réponses insatisfaisantes par rapport à ces revendications d’aménagement du territoire. C'est clairement un rendez-vous pris pour sanctionner les représentants de LREM, et donc une opportunité pour le Rassemblement national", précise Ludovic Renard.
Annick Cousin, déléguée départementale du Rassemblement National arrive au second tour, face à Alexis Czapla (Nupes), avec à peine plus de 1 000 voix d’avance. "C'est un vote d'adhésion, mais c'est sur la lignée de la campagne de Marine Le Pen. Les thèmes que nous avons abordés, le pouvoir d'achat ou l'insécurité parlent aux ruraux", affirmaient hier soir, la candidate du Rassemblement National.
► Retrouvez le reportage en Lot-et-Garonne de H. Lauzy et D. Roussel-Sax
Dans les deux autres circonscriptions, les candidats du Rassemblement National devront convaincre les électeurs face aux deux autres groupes de ces élections : Hélène Laporte (30,55 %), en tête, sera face à la Nupes et Ensemble ! dans la deuxième circonscription tandis que Sébastien Delbosq, arrivé deuxième, disputera une triangulaire très serrée dans la première circonscription.
Si les Landes et les Pyrénées-Atlantiques n’ont pas permis au Rassemblement National de se hisser au-delà de la troisième place, la Dordogne affiche des candidats au second tour, dans la deuxième et la troisième circonscription.
Nouveau statut de challenger régional
Dans la région, la poussée du Rassemblement National est indéniable. Si dans certaines circonscriptions, le parti grappille quelques places, leurs résultats doublent dans la quasi-totalité des circonscriptions qui les ont placés au second tour.
En Gironde, Edwige Diaz est ainsi plébiscitée à presque 40 % des suffrages.
Je représente l'espoir car quand on double son score, c'est un vote d'adhésion.
Edwige Diaz, candidate RN dans la onzième circonscription
Même progression dans le Médoc, un autre bastion du Rassemblement National, avec Grégoire de Fournas qui double son score de 2017, en passant de 15 % à 28,55 %.
Dans le Lot-et-Garonne, Sébastien Delbosq sera au second tour, contrairement à son prédécesseur dans la première circonscription. Déjà présent en 2017, le Rassemblement National jouera donc leur revanche dans les deux autres circonscriptions du département.
"Le vote du Rassemblement National est celui qui satisfait le plus ses sympathisants. C'est une tendance qui se confirme dans ces territoires en rupture avec le gouvernement, notamment sur le pouvoir d'achat avec la taxation du carburant, l'accès aux services publics qui ont mené à un rejet de ces élites qu'ils considèrent incapables de cerner les problèmes du quotidien", observe Ludovic Renard, politologue à Sciences Po Bordeaux.
Avance fragile
Ces bons résultats seront-ils suffisants pour accéder à l'Assemblée nationale ?
Dès ce matin, la campagne a d’ailleurs repris tambour battant avec un objectif pour les candidats du parti de Marine Le Pen : récupérer un maximum de voix apportées aux candidats déchus.
Dans le Lot-et-Garonne, les deux triangulaires pourraient donc être favorables aux candidats marinistes, qui ne feront pas face à un front républicain en leur défaveur. Dans chaque circonscription, il faut donc cibler l’électorat de droite, environ 5 000 voix dans chaque circonscription.
Une situation que risque de subir Annick Cousin, dans la troisième circonscription du département, face à Alexis Czapla, malgré le refus d’Olivier Damaisin, le candidat Ensemble ! d’appeler à voter pour le candidat de la Nupes.
C'est tout l'enjeu de ces reports de voix. La majorité présidentielle ne veut pas apporter de voix aux candidats Nupes, mais ne veut pas non plus appeler à voter pour le Rassemblement National.
Ludovic Renard, politologue à Sciences Po Bordeaux
La bataille s’annonce aussi serrée dans la deuxième circonscription de Dordogne. Serge Muller, en tête, n’obtient qu’une courte avance de 1000 voix sur le député sortant. Une lutte que devra aussi mener Florence Joubert, dans une triangulaire au coude-à-coude avec les candidats Nupes et Ensemble !, alors que les votes des électeurs de droite pourraient bien ne pas peser grandement dans la balance.
Report des voix
C’est donc en Gironde, et particulièrement dans les deux bastions marinistes que l’option d’un député du Rassemblement National semble la plus probable.
Si Edwige Diaz, dans le Nord-Gironde, peut compter sur son avance, ce sont les 2 000 électeurs qui ont voté à droite qu’elle doit convaincre. Son adversaire, Véronique Hammerer compte, elle, sur un vivier équivalent d’électeurs de gauche.
"Aujourd'hui, on peut considérer qu'Edwige Diaz a obtenu le maximum de son électorat, Reconquête et Les Républicains ayant peu de voix. Mais, compte tenu de sa notoriété et de l'écart de voix, il faudrait un sursaut républicain considérable pour qu'elle ne soit pas élue", analyse Ludovic Renard.
► Retrouvez le reportage d'A. Lopez et N. Pressigout en Nord-Gironde
Malgré un plébiscite dans ses terres, la situation ne semble pas aussi stable pour Grégoire de Fournas. Le candidat du Médoc, à tout juste 1000 voix devant Olivier Maneiro, doit désormais maintenir son avance.
Mais la bataille est loin d’être jouée : 14 000 voix, obtenues par la candidate de la majorité présidentielle sont à récupérer. Des électeurs qui pourraient bien éloigner, une nouvelle fois, le siège de député du candidat mariniste, en cas de front républicain, demandé par l'ensemble des opposants aux candidats du Rassemblement National.