L'association Gihp aide chaque année de nombreuses personnes en situation de handicap à trouver un logement qui corresponde à leurs contraintes de mobilité. Un travail essentiel pour l'inclusion dans la société et la lutte contre l'isolement. Mais face aux baisses de financements, le Gihp Aquitaine craint de ne plus pouvoir continuer son activité et tire la sonnette d'alarme.
"Sans parler de fauteuil roulant, trouver un logement à Bordeaux, c'est très compliqué. Alors imaginez lorsque l'on a un handicap", prévient Martin Petit, tétraplégique qui milite pour l'inclusion des personnes en situation de handicap sur ses réseaux sociaux. En France, près de 10 % de la population active est en situation de handicap, selon l'Insee. Trouver un logement adapté est un vrai défi que relève le Groupement pour l’Insertion des personnes Handicapées Physiques (Gihp) depuis une trentaine d'années. Mais depuis peu, l'association voit ses financements diminuer. Si bien que la question se pose de pouvoir continuer d'aider les personnes dans leur recherche d'un logement correspondant à leur handicap. Le directeur général du Gihp Aquitaine lance l'alerte.
"Une personne âgée ou handicapée dans un logement qui n'est pas adapté ne sort tout simplement pas"
"Quand on est en situation de handicap et que l'on n'a pas de logement adapté, il faut quelqu'un pour aider en permanence", souligne Hervé Parra, directeur général du Gihp Aquitaine. Une des missions principale du Gihp consiste à faciliter l'accès au logement social adapté aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées. "Selon les situations, ouvrir une porte, prendre un escalier, monter dans une baignoire ou aller aux toilettes sans borne d'appui, est très difficile, voire impossible, constate Hervé Parra. Nous sommes là pour aider les personnes à trouver des logements conformes afin qu'elles puissent vivre en indépendance."
Au moment de son accident, en 2017, Martin Petit venait de finir ses études et était dans une résidence du Crous. "L'ascenseur était en panne et je n'ai pas pu sortir de chez moi pendant 3 semaines", se souvient-il. C'est notamment grâce au Gihp qu'il a pu enfin trouver un logement adapté à son handicap.
C'est d'autant plus difficile de trouver un logement que chaque handicap n'entraîne pas les mêmes contraintes et ne nécessite pas les mêmes adaptations dans le logement.
Martin Petit, influenceur sur les réseaux sociaux qui milite pour l'inclusion des personnes en situation de handicap
Car derrière la question du logement, se trouve la question de l'insertion et de l'isolement. Sans cela, beaucoup sont dépendants d'une aide, ou ne peuvent pas vivre seuls. "Quand on est une personne âgée ou handicapée et que l'on habite dans le centre de Bordeaux, dans un logement qui n'est pas adapté, soit on se met en danger pour sortir, soit on ne sort tout simplement pas", poursuit le directeur du Gihp Aquitaine, Hervé Parra. Et avec l'isolement, le manque de confiance fait de nombreux dégâts pour les personnes vulnérables.
Pour lutter contre cet isolement invisibilisé, l'association tente de trouver la meilleure solution pour chacun. Elle recense la demande de logement adapté sur la Gironde via sa plateforme, mais est également en lien avec les bailleurs sociaux pour connaitre l'offre immobilière disponible et les conseiller sur la création de nouveaux logements. "Parfois les bailleurs sociaux ont de la bonne volonté, mais ils n'ont pas tout le temps conscience des situations, pointe Hervé Parra. Il n'y a pas de personne handicapée ou âgée qui va s'installer dans une zone où il n'y a pas les services de santé pour la prendre en charge, par exemple."
Il manque beaucoup de logements adaptés. Nous ne réussissons à trouver une solution que pour 100 personnes sur les plus de 400 demandes que l'on a par an.
Hervé Parra, directeur général du Gihp Aquitaine
"Selon le handicap, on ne peut pas forcément accepter le logement. Même si mon appartement est fait pour les personnes à mobilité réduite, la porte de l'immeuble est très lourde. Je suis jeune et je peux l'ouvrir, mais ce n'est pas le cas de tout le monde", souligne Martin Petit. Pourtant, selon lui, l'ensemble de la société aurait tout à gagner à rendre accessible le plus de logement et d'espace public aux personnes à mobilité réduite. "Adapter l'accès à un bâtiment pour les personnes en fauteuil roulant, c'est également le faire pour une personne âgée, pour les familles avec des poussettes ou pour quelqu'un qui s'est cassé le pied, par exemple", insiste l'influenceur.
En Gironde, comme ailleurs en France, l'offre de logement adaptée n'est pas suffisante. En l'absence de données exhaustives sur la question, Hervé Parra ne peut que constater : "Nous avons 400 à 450 nouvelles demandes par an sur la Gironde. Nous n'arrivons à trouver une solution que pour une centaine d'entre elles." Du fait du manque de logements, les demandes s'accumulent.
"On risque de ne pas pouvoir continuer l'an prochain"
En plus de cette demande qui ne cesse de croitre, une autre difficulté vient compliquer la tâche du Gihp Aquitaine : la baisse des financements. Sous l'égide du département, la conférence des financeurs pour la prévention de la perte d'autonomie accorde des crédits de financement publics à l'association pour mener à bien son activité. Mais face à une inflation de demandes et une multiplication de projets, les dotations accordées au Gihp baissent. "Au début, nous avions 235 000 euros par an, car il n'y avait presque pas d'autres projets. L'an dernier, nous avons eu 120 000 euros et cette année, on nous dit qu'on ne nous accordera pas plus de 90 000 euros", détaille le directeur générale de l'association en Aquitaine, Hervé Parra.
Si les associations référentes sur le handicap ne sont plus là, qui va faire ce boulot ?
Martin Petit, influenceur sur les réseaux sociaux qui milite pour l'inclusion des personnes en situation de handicap
Dans l'idéal, l'association aurait besoin d'au moins 180 000 euros, soit le double de ce qu'elle obtiendra au maximum cette année par les pouvoirs publics. Une somme cruciale pour payer les 4 équivalents temps-pleins de l'association et le matériel dont elle a besoin. "Si cela continue, le risque qu'on ne puisse pas continuer l'an prochain est fort. Si nous ne sommes plus là, personne n'aidera les gens à trouver un logement adapté", s'inquiète Hervé Parra. Sans l'aide d'associations, trouver un logement qui correspond à son handicap peut relever du parcours du combattant.
Une situation délicate pour l'association qui pourrait avoir des effets sur les personnes en situation de handicap ou âgées pour qui un logement adapté est vital. Pour remédier à cela, l'association est en recherche de tout type de financement. Si une plateforme de don existe sur son site internet, Hervé Parra en appelle aux entreprises sensibles à la cause, mais surtout aux pouvoirs publics, les plus à même de pouvoir contribuer "au niveau des besoins et de manière pérenne". L'enjeu est de taille. Environ 800 personnes sur le département sont toujours dans l'attente d'obtenir un habitat qui correspond à leurs contraintes physiques, selon le Gihp. Un millier de logements adaptés seraient donc nécessaires.