Le 5 juin 2004, Noël Mamère, maire de Bègles, près de Bordeaux, a célébré le premier mariage entre deux personnes de même sexe. Neuf ans avant le vote de la loi, le 23 avril 2013. Un moment d'émotion sur lequel il est revenu, dix ans après l'adoption de la loi du mariage pour tous, pour France 3 Aquitaine.
Il était pionnier, mais il a fallu attendre 9 ans pour que la loi autorise ce que lui avait déjà initié.
Il y a 10 ans, le 23 avril 2013, la loi Taubira était officiellement votée par le Parlement. Elle a ouvert le mariage et l'adoption pour tous. Noël Mamère, ancien maire de Bègles, n'a pas attendu l'entrée en vigueur de cette loi pour célébrer le premier mariage homosexuel.
Déjà en juillet 2002, l'ancien maire avait fait une proposition de loi pour que des parents homosexuels puissent adopter.
"Nous faisons un geste en direction de l'intolérance"
Ce 5 juin 2004, sous les dizaines de caméras et d'appareils photo venus immortaliser le moment, Noël Mamère s'apprête à marier deux hommes, Stéphane et Bertrand. "Je me souviens, j'étais à l'Assemblée Nationale quand quelqu'un de mon cabinet m'appelle pour me dire que deux garçons voulaient se marier", se souvient l'ancien édile, joint par téléphone ce dimanche 23 avril 2023.
Un grand moment d'émotion pour le maire de cette commune située près de Bordeaux ainsi que pour les jeunes époux. "On ne fait pas de politique sans émotion. Je sortais d’un combat compliqué depuis plus d’un mois avec des menaces permanentes", explique celui qui a dormi dans son bureau la nuit avant le mariage par crainte d'être empêché de rentrer dans la mairie.
Devant les caméras, ému, Noël Mamère avait déclaré en juin 2004 : "Je pense qu'aujourd'hui, nous faisons un geste en direction de l'intolérance qu'il y a dans ce pays. Beaucoup d'hommes et de femmes sont eux aujourd'hui discriminé à cause de leur couleur de peau, de leur religion, de leur statut social et aussi à cause de leur orientation sexuelle".
Le couple, qui préparait son mariage depuis Noël 2003 avec leur avocat, est devenu le symbole qui bouscule les mœurs. "On est fier, on est heureux, on ne pensait pas venir jusqu'ici avec tout ce que l'on a eu comme problème, c'est énorme", avaient confié les deux hommes à France 3 Aquitaine.
Le maire suspendu de ses fonctions pour un mois
À l'époque, c'est en réponse à l'agression homophobe de Sébastien Nouchet que le maire de Bègles prend cette décision. "Ça n'avait rien à voir avec une initiative personnelle. À la suite de l'agression à Lille, avec Clémentine Autain et Christophe Girard, on a signé un manifeste qui a été publié, notamment dans le journal Le Monde. C'était une volonté politique", raconte Noël Mamère.
Quelques jours avant l'union, le parquet de Bordeaux interdit ce mariage. Cela n'empêchera pas le maire de le célébrer devant de nombreux photographes, manifestants anti-gay et CRS. "Une heure après le mariage, Dominique de Villepin a envoyé un commissaire de police pour me suspendre de mes fonctions pendant un mois", se souvient-il. Une procédure de sanction est enclenchée contre ce dernier. "J'ai considéré cet acte comme du mépris, comme une faiblesse".
Un an après la cérémonie, le mariage est annulé
Le mariage, qui aura duré un an, est finalement annulé après plusieurs recours juridiques, le Code civil n'autorisant pas encore l'union de personne du même sexe. "Ils sont allés jusqu'à la Cour de cassation. Notre projet, c'était d'aller devant la Cour européenne des Droits de l'Homme pour qu'elle valide ce mariage", précise, ce dimanche 23 avril, Noël Mamère.
"Je pense qu'en dramatisant un tel événement, la droite et l'extrême droite, présente de l'autre côté de cette grille, commet la même erreur que lors du vote sur le PACS. Une grande majorité de Français se déclare favorable à l'ouverture du mariage de personnes du même sexe. C'est bien la preuve que la société est beaucoup plus en avance que les hommes politique", avait souligné le maire, le 5 juin 2004.
Accorder des droits aux gens qui en étaient privés
En 2013, alors qu'une loi est examinée, elle divise la France. Mi-janvier de cette même année, La Manif Pour Tous, qui mène un combat contre le mariage entre deux personnes de même sexe, mobilise des milliers de personnes dans les rues. Le 29 mai 2013, le premier mariage homosexuel est célébré à Montpellier. À Bordeaux, il se fera un mois plus tard, le 29 juin.
Ce que j’ai fait, ce 5 juin 2004, ce n’était rien de plus qu’accorder des droits aux gens qui en étaient privés tout en n’en supprimant pas aux autres
Noël Mamèreancien maire de Bègles
"Aujourd'hui, le débat est clos. Il y a eu 70 000 mariages entre deux personnes de même sexe depuis l'adoption de la loi. C'est devenu banal", souligne l'ancien maire tout en ajoutant : "On n'a pas entendu un seul politique s'excuser des propos tenus à cette période-là. Ils flattaient leur électorat, mais au fonds, est-ce-qu'ils étaient vraiment contre le mariage pour tous ?".
Il conclut : "Ce que j’ai fait, ce 5 juin 2004, ce n’était rien de plus qu’accorder des droits aux gens qui en étaient privés tout en n’en supprimant pas aux autres".