Alicia Faye, 25 ans, a été tuée d'une balle dans la tête en mars 2021 en Guyane. Malgré la mise en examen de dix-sept personnes, l'instruction peine à progresser et plusieurs demandes de remise en liberté ont même été accordées.
Cela fait bientôt deux ans que Bernard et Jacqueline Faye se battent pour obtenir justice. Le 13 mars 2021, leur fille Alicia Faye, âgée 25 ans, a été tuée d'une balle dans la tête à Cayenne, en Guyane. Le scénario du drame s'est précisé au fil des mois : la jeune Alicia a été recrutée, depuis la Gironde, pour transférer 80 000 euros entre Bordeaux et Cayenne. Dans la nuit du 12 au 13 mars 2021, elle se retrouve prise dans un règlement de comptes entre deux bandes de trafiquants de cocaïne. Son corps sera retrouvé le lendemain matin, dans la rue.
Dix-sept mises en examen
Pas moins de dix-sept personnes ont été mises en examen dans ce dossier. Certaines pour meurtre, d'autres dans le cadre d'un trafic international de stupéfiants. Une dizaine d'individus sont placés en détention provisoire.
Aujourd'hui, l'instruction est au point mort. L'unique juge en charge du dossier est en arrêt, et n'a pas été remplacée. "On n'a aucune nouvelle. On demande des investigations supplémentaires, j'ai même appelé le bureau du procureur, et je n'ai aucune réponse. C'est honteux et inadmissible", dénonce Bernard Faye. Son épouse, Jacqueline, confirme se sentir "complètement abandonnée".
On nous demande de faire confiance à la justice. Mais si la justice nous laisse tomber, on fait quoi ?
Bernard Faye, père d'Alicia Fayeà France 3 Aquitaine
Dysfonctionnements
En cause : le manque de moyens et les dysfonctionnements de la justice française, et notamment guyanaise. "Ce n'est pas le travail de la juge d'instruction qui est remis en cause, c'est la chaîne judiciaire", précise Me Michaël Beulque, l'avocat de la famille d'Alicia. Il s'étonne que la juge d'instruction se soit retrouvée seule aux commandes, dans un dossier qui présente de nombreuses ramifications.
A priori, on est sur un dossier concernant une guerre de réseaux. Une collégialité initiale des juges d'instruction aurait pu résoudre ce problème.
Me Michaël Beulque, avocat de la famille d'Alicia Fayeà Rédaction web France 3 Aquitaine
Autre solution évoquée pour faire avancer le dossier : le remplacement de la juge absente. Mais là encore, le manque de moyens ne joue pas en la faveur des parties civiles. "Le président de la juridiction a parfaitement la possibilité de nommer un juge de remplacement. Ce n'est pas fait, sans doute parce qu'il n'y pas de juge", poursuit Me Beulque.
Remises en liberté
Les parents d'Alicia Faye craignent que les suspects, placés en détention provisoire, ne profitent de ces dysfonctionnements pour sortir de prison. A raison : " Ces personnes profitent de l'absence de la juge pour faire des demandes de remise en liberté. Ces demandes arrivent tous les jours. Et plusieurs suspects sont déjà sortis", fulmine Me Michaël Beulque, qui s'inquiète face à ce risque procédural. "Je ne veux pas que personne ne soit reconnu coupable. Les parents ne le supporteraient pas", assure-t-il.
A 8 000 kilomètres du palais de Justice de Cayenne, Bernard et Jacqueline Faye se sentent parfois bien impuissants. Pour autant, leur détermination reste intacte. "Ma petite, elle était honnête, insiste Bernard Faye. Elle a fait une connerie parce qu'elle était dans une période de fragilité, mais elle était honnête. Elle est tombée sur des crapules qui savent y faire", regrette son père, avant d'ajouter "une chose est sûre, on ne va pas lâcher".