Pour répondre à la crise agricole, les contrôles sur l'origine des produits agricoles sont renforcés. En Gironde, une dizaine de contrôleurs de la répression des fraudes se rendent dans les grandes surfaces pour vérifier la conformité des étiquettes à la provenance des produits en rayon.
Au milieu des clients matinaux, le binôme d'inspecteurs analyse minutieusement chacun des fruits et légumes exposés en rayon. Ce jeudi 14 mars, dans l'allée centrale du supermarché Auchan dans le quartier Mériadeck, des mandarines venues d'Israël sont étiquetées comme provenant d'Espagne."Là, par exemple, l'origine indiquée en rayon ne correspond pas à ce qui est écrit sur la cagette des produits", pointe Karim Chaibraou, inspecteur à la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Derrière lui, le directeur du magasin Eddy Greil ne se montre pas particulièrement inquiet. "Avec le volume des produits qu'on reçoit, il peut y avoir quelques oublis", justifie-t-il. L'incident est relevé, mais l'argument de la négligence est entendu.
Intensification des contrôles
En 2024, pour répondre à la mobilisation agricole, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a insisté vouloir renforcer les contrôles sur l'origine des produits alimentaires.10 000 contrôles devraient être ainsi effectués sur tout le territoire. En Gironde, une dizaine d'enquêteurs sont mobilisés pour traquer la conformité des provenances affichées dans les grandes surfaces, essentiellement, mais également chez les primeurs, transformateurs et producteurs.
Surtout, pour lutter contre "la francisation", cette pratique qui vise à délibérément afficher le produit comme d'origine française alors qu'il ne l'est pas. Ce mercredi 13 mars, c'est le supermarché Auchan, dans le quartier Mériadeck, à Bordeaux, qui en fait l'objet, avec une attention particulière concernant les produits frais agricoles (fruits, légumes et viandes).
"On vérifie que les étiquettes sont en conformité avec les bons de commande, précise Karim Chaibraou, bordereau de livraisons dans les mains. On a aussi une gradation selon l'exposition du produit et l'intentionnalité." Car les erreurs peuvent arriver à tout moment de la chaîne de production. "Au moment de la mise en rayon, mais aussi lors de la livraison, les produits peuvent être mélangés", détaille l'inspecteur.
"Ne pas tromper le consommateur"
Les inspecteurs longent les étals du magasin, s'attachent particulièrement aux produits pouvant arriver d'Amérique du Sud, les tomates notamment, ou les fraises. Eddy Greil, directeur de magasin, a l'habitude de ce type de vérifications. "On a toujours été très vigilants, surtout concernant les fruits et légumes, c'est très réglementé." D'autant plus que la demande des consommateurs concernant l'origine des produits s'est véritablement accrue ces dernières années. "On sait qu'il y a de plus en plus d'appétence pour les produits français, les gens en demandent beaucoup et se fient au balisage des produits qu'on leur présente", relève le directeur du supermarché.
Nous, on ne veut pas créer de doute pour le client.
Eddy Greildirecteur du supermarché Auchan Mériadeck
Le binôme d'inspecteurs prend le temps d'observer chaque cagette. Les responsables de rayons suivent collégialement le contrôle et prennent note de toutes les remarques. "En magasin, les salariés sont tous responsabilisés et savent qu'il faut faire attention", sourit Eddy Greil.
Si aujourd'hui, "les faibles anomalies relevées" ne permettent pas d'engager "une suite contentieuse à l'encontre du magasin", ce n'est pas toujours le cas. "Les consommateurs sont très attachés au made in France donc ça peut être tentant d'instaurer le flou dans la façon de disposer les produits en rayon", argue Thomas Lecroart, responsable du service à la DDPP.
Les contrôles peuvent se faire de manière aléatoire ou répondre à des signalements faits par les consommateurs. Les services de la DDPP reçoivent quotidiennement plus d'une centaine de signalements. "La plupart sont infondés, mais la grande majorité concernent une erreur sur les prix affichés en magasin ou sur l'origine des produits", souligne Thomas Lecroart.
1800 contrôles en Gironde en 2023
En février, les services de la DDPP de la Gironde organisaient "une opération coup de poing" visant une trentaine d'établissements. Par la suite, douze procès verbaux et deux avertissements ont été dressés pour des infractions diverses : mention d’une origine France pour des tomates, poivrons, aulx, potimarrons produits en Espagne, aux Pays-Bas ou au Maroc, mention d’une origine « France » pour du filet mignon de porc d’origine espagnole ou encore absence d'indication de la zone de pêche pour des poissons.
La préfecture de Gironde avait, par ailleurs, annoncé la multiplication de ces opérations de contrôle. "La lutte contre la francisation et le contrôle de la véracité de l’origine France étiquetée sur les denrées alimentaires participent à la mission de garantie de la loyauté dans le domaine alimentaire", écrivait-elle dans un communiqué.
"Depuis la crise agricole, on a ordre de ne rien laisser passer, indique l'inspecteur Karim Chaibraou. Ce qui pouvait se solder autrefois par un avertissement alimentaire peut maintenant faire l'objet d'une verbalisation." Ces verbalisations peuvent aller jusqu'à 300 000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement pour une physique morale. Les grandes surfaces peuvent, quant à elles, être pénalisées jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires.