Les distances de sécurité imposées pour protéger les riverains des épandages de pesticides sont-elles insuffisantes ? C'est ce que veut démontrer l'association Générations Futures, qui publie un nouveau rapport basé sur les analyses de l'air. Selon elle, en zone agricole et notamment en Gironde, les riverains sont exposés aux pesticides dès soixante-dix mètres.
Cette nouvelle étude de l'association de défense de l'environnement a été menée entre mi-juin et mi-septembre 2023. Ses résultats indiquent clairement que les distances de sécurité pour protéger les riverains des épandages de pesticides sont insuffisants, et exposent ainsi les habitants voisins des vignobles à des risques de cancers. Explications avec le relais de Générations futures à Bordeaux.
Air pollué à proximité des vignes
Cyril Giraud présente la méthode utilisée lors de cette étude : "On a mis cinq capteurs sur une même parcelle, certains installés au cœur de cette parcelle, et les autres étaient en bordure. Cela permet d'avoir des mesures différenciées en fonction de la distance sur un même lieu".
La Gironde fait partie des trois zones agricoles qui ont été testées. Résultat : certains pesticides ont été retrouvés en quantité importante dans l'air. C'est notamment le cas du folpel, un fongicide utilisé sur le traitement de la vigne pour lutter contre l'oïdium, le mildiou et le botrytis. Or le folpel est classé CMR 2, ce qui signifie qu'il peut avoir des effets cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Son utilisation est réglementée. "On a une problématique de santé pour les gens qui sont exposés aux produits épandus. On a suspicion de provoquer des cancers avec ce genre d'exposition transportée par l'air", explique Cyril Giraud.
19 pesticides différents
"On a retrouvé une dizaine de produits qui sont utilisés en viticulture dont certains sont cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. On voudrait que ces produits soient interdits ou bien autorisés avec des distances", poursuit le représentant de Génération futures.
On pourrait tout à fait faire la même étude avec une maison et on verra que les riverains sont exposés vis-à-vis des vignes avoisinantes sur des distances de plusieurs dizaines de mètres.
Cyril GiraudRelais de Générations futures à Bordeaux
A l'heure actuelle, les chartes de protection des riverains protègent uniquement d'une dizaine de mètres. "Il faudrait étendre ces distances à 150 mètres pour commencer à protéger les personnes", estime Cyril Giraud qui milite pour une augmentation des distances de sécurité, ou le remplacement de ces produits par des produits moins toxiques. "L'idéal serait de passer en agriculture biologique, puisque tous ces produits-là sont interdits en agriculture biologique", avance-t-il.
Tensions avec la chambre d'Agriculture
Génération Futures souhaite désormais échanger avec la chambre de l'Agriculture de la Gironde, "pour proposer une nouvelle charte des riverains plus protectrice, car la charte actuelle n'est pas suffisante." "On a un point de désaccord important avec la chambre d'agriculture de la Gironde, et on pourrait dire avec toutes les chambres d'agriculture de France qui sont tenues par la FNSEA, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles", estime Cyril Giraud.
Générations Futures et d'autres ONG ont porté l'affaire devant les tribunaux ces chartes de riverains. "On a obtenu une annulation de charte dans le Loiret. On n'a pas encore le résultat pour la Gironde, mais on espère un effet boule de neige, car ces chartes sont reconnues, pour certaines d'entre elles, pas assez protectrices par la justice".
Manque de transparence
En Gironde, la charte indique que les distances peuvent être abaissées à condition que les viticulteurs aient ratifié cette charte. "Sauf que l'on n'a aucun moyen de le savoir . Quand on voit un tracteur qui passe à trois mètres, on ne sait pas si c'est parce qu'il est équipé de buses anti dérives ou bien si c'est simplement une infraction au code rural maritime et de la pêche. On a une difficulté pour le savoir, car ces informations ne sont pas publiques...", note Cyril Giraud.
Selon les produits, la distance de non-traitement va de cinq à vingt mètres. Insuffisant pour l'association qui rappelle que les traitements sont très volatils et peuvent dériver sur plusieurs kilomètres en fonction des molécules. A Bordeaux, un capteur installé au jardin publica montré la présence de pesticides alors que les premières vignes sont plantées à plus de cinq kilomètres.