Le meneur du NPA et ancien ouvrier chez Ford réussit à faire entrer l'extrême gauche au Palais Rohan, bastion déchu de la droite. Fort de 9,39% des voix avec sa liste Bordeaux en Luttes, Philippe Poutou siègera au conseil municipal avec deux co-listiers dont un issu du mouvement des gilets jaunes.
"On est là...on est là...même si les bourgeois ne veulent pas de nous, on est là...pour l'honneur des travailleurs et pour un monde meilleur même si les bourgeois ne veulent pas de nous, on est là...!"Ce chant des travailleurs a été repris en choeur et avec vigueur par les soutiens tout sourire de Philippe de Poutou et de sa liste Bordeaux en Luttes dimanche soir 28 juin, comblés à l'annonce des résultats.
9,39% pour ces représentants du NPA, de LFI et des membres de la société civile, le score est historique. Jamais l'extrême gauche n'avait obtenu un tel plébiscite à Bordeaux.
Trois sièges pour l'extrême gauche
"Trois camarades d'une liste de gauche anticapistaliste, radicale, de militants du mouvement social, gilets jaunes, syndicalistes se retrouvent au Palais Rohan, le parlement bordelais, un endroit où on n'avait jamais pensé qu'on pourrait..." Philippe Poutou ne peut terminer sa phrase acclamé par la foule devant son local de campagne."On est fier de ce qu'on a fait" reprend-il. "On a voulu regrouper les forces militantes, celles et ceux qui sont dans la rue, qui manifestent, qui en ont ras-le-bol de ce système capitaliste".
Un discours relayé sur les réseaux sociaux via cette vidéo mise en ligne par Bordeaux en Lutte.
L'ancien syndicaliste de chez Ford Blanquefort, licencié comme tous ses collègues l'an dernier lors de la fermeture de l'usine, voulait faire entrer la voix des classes populaires au sein du conseil municipal. Le pari, qui semblait quelque peu utopique au départ dans une ville dite conservatrice et ancrée à droite, est réussi.
Les trois nouveaux élus ont bien l'intention de faire "entendre la colère sociale" dans cette assemblée bordelaise renouvelée, désormais dirigée par l'écologiste Pierre Hurmic. "Rendre visible les quartiers populaires, les inégalités sociales" est leur objectif principal.
"Bordeaux n'est pas qu'une ville bourgeoise !"
"On a fait la démonstration que Bordeaux n'est pas qu'une ville bourgeoise" se réjouit le porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste.Il compte faire "le lien entre les élus et les manifestants, les gens qui se battent, qui résistent au quotidien, le milieu associatif et syndicaliste".
Mais avec trois élus sur 61 conseillers municipaux au total, Philippe Poutou sait qu'il ne pèsera pas bien lourd. D'autant qu'il était hors de question pour lui d'envisager un quelconque rapprochement avec la liste Hurmic, ni avant ni après le premier tour. "Nos programmes sont incompatibles : nous représentons une gauche anti-capitaliste et anti-libérale, Hurmic c’est la gauche libérale" expliquait-il.
Alors pour porter la contestation sociale il compte sur la population. "Nous on veut une opposition radicale, de gauche, populaire, anti-capistaliste mais qui ait le poids de la population derrière". Il appelle à "la mobilisation" et "à la lutte" parce que, dit-il "c'est comme ça qu'on changera le rapport de force".
Le militant d'extrême gauche va ainsi entamer son tout premier mandat d'élu politique, "le début d'une nouvelle période" veut-il croire avec l'envie de faire changer le système au niveau de l'emploi, du logement et des services publics pour défendre "une écologie sociale anticapitaliste".
Qui sont les deux autres élus de Bordeaux en Lutte?
Aux côtés du charismatique Philippe Poutou, sur les bancs de l'assemblée municipale, siègera une femme. Evelyne Cervantes-Descubes est employée à TBM et syndicaliste CGT.Membre de La France Insoumise elle s'était présentée aux législatives de 2017 dans la première circonscription de Bordeaux. Elle était arrivée en troisième position totalisant 10,83% des suffrages.
Le troisième élu est un jeune trentenaire. Antoine Boudinet est devenu, sans le vouloir, une figure emblématique des gilets jaunes après avoir été victime d'une grenade de désencerclement qui lui arrache la main droite en explosant.
Un manifestant présent place Pey Berland évacué avec une main arrachée #Bordeaux #GiletsJaunes (images @gdecaix ) pic.twitter.com/1JbN26qlan
— France3 Aquitaine (@F3Aquitaine) December 8, 2018
Antoine Boudinet est aujourd'hui engagé dans le combat pour l'interdiction des grenades et des LBD au sein du collectif des mutilés.
"Le 8 décembre quand j'ai perdu ma main, les gilets jaunes essayaient de rentrer dans la mairie. Aujourd'hui, j'y rentre par la grande porte, le gilet jaune avec moi et ce sera pas pour faire de la co-gestion" prévient le jeune homme de 27 ans qui réalise tout juste ce qu'il lui arrive.
"Si on m'avait dit que j'allais être au conseil municipal avec Philippe Poutou y a deux ans j'y aurais pas cru !" dit-il tout en assurant qu'il ne compte pas y faire la figuration.
"On sera là pour rappeler à Pierre Hurmic ce que c'est la gauche. Dès qu'il y aura une décision qu'on considèrera anti-capitaliste et libérale on mobilisera les militants le plus vite possible. Ca servira de contre-pouvoir. On sera là comme garde-fou".
Philippe Poutou, Evelyne Cervantes-Descubes et Antoine Boudinet feront leur toute première entrée au conseil municipal ce vendredi pour un mandat de six ans.