Depuis septembre 2023, les lycéens de seconde ont l'obligation de réaliser un stage en entreprise de deux semaines, entre le 17 et le 28 juin, pour valider leur année. En Nouvelle-Aquitaine, à quelques semaines de l'échéance finale, une grande majorité d'entre eux se retrouvent désemparés.
"J'ai fait toutes les boutiques du centre-ville, lâche Annaëlle dans un soupir. Soit, elles sont au complet, soit elles ne prennent pas de stagiaire." Cette étudiante de seconde au lycée Bernard Palissy, à Agen, baisse petit à petit les bras. Suite à un désistement, elle se retrouve sans stage,à seulement deux semaines de la date butoir. D'ici au 17 juin, elle devra avoir trouvé une entreprise qui veuille bien l'accueillir en observation, une condition obligatoire pour valider son année scolaire. "Je me sens nulle", peste-t-elle. Annaëlle a l'impression d'être la seule de son entourage à rencontrer des difficultés dans sa recherche. Pourtant, de nombreux lycéens se retrouvent démunis.
Peu de places dans les entreprises
Élève de seconde au lycée Montesquieu, à Bordeaux, Elia se trouve, elle aussi, dans l'attente d'une réponse positive. Malgré des démarches entamées au mois de mars et avec un périmètre de recherche élargi jusqu'à Paris, elle essuie refus après refus. Les réponses, quand elle en obtient, se ressemblent inlassablement. "Où ils ont déjà des stagiaires, où ils ne prennent que des lycées en filière professionnelle", regrette la lycéenne.
Depuis le départ, on avait dit qu'on n'était pas contre, mais le mode opératoire n'est pas tenable.
Guillaume Légliseprofesseur d'histoire géographie au lycée Brémontier à Bordeaux
Ce stage d'observation de deux semaines en entreprise, dans une association ou un service public, a été instauré en septembre 2023. À l'origine, Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation nationale, souhaitait "reconquérir le mois de juin", jugé trop peu considéré par les élèves. "Dans l'absolu, pourquoi pas, juge Guillaume Léglise, professeur d'histoire géographie au lycée Brémontier, à Bordeaux. Mais ça n'a pas été suffisamment préparé."
Dans son établissement, seuls 20 % des élèves ont décroché le précieux sésame. "80 % des gamins restent sur le carreau", déplore-t-il. La faute selon lui à un calendrier déjà chargé. "Les BTS et les bacs professionnels sont déjà à la recherche de stage sur cette période, donc forcément, il y a une inéquation entre le nombre d'élèves qui demandent un stage et le nombre de places disponibles."
Une charge de travail pour l'administration
D'autant plus que cette décision, "faite dans la précipitation" n'a pas suffisamment été accompagnée dans les établissements. "Le mot-clé, c'est l'impréparation, pointe le professeur Guillaume Léglise. On n'a aucune visibilité sur ce qu'ils doivent faire, ça rajoute beaucoup de travail à l'administration, le proviseur passe ses journées à signer des conventions de stage et les équipes pédagogiques sont mobilisées aux côtés des élèves."
Pour aider les élèves en difficulté, le gouvernement mise sur la plateforme "1 jeune, 1 solution", censée mettre en relation lycéens et entreprises. "Une belle initiative, mais qui ne répond pas toujours aux attentes", note Laurent Caillaud, vice-président de la FCPE 33. "C'est très bien, mais il faut être hyper réactif, abonde Guillaume Léglise. Pour les parents structurés et organisés, ça ne pose pas de problème, mais je comprends que ça les stress."
✅ Lancé en juillet 2020 par le @gouvernementfr , pour aider les jeunes en pleine crise, le plan « 1 jeune 1 solution » permet à chaque jeune de trouver une solution adaptée à son besoin et à son parcours.
— Ministère du Travail (@Travail_Gouv) October 11, 2023
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Inégalités
Dans l'urgence, une grande partie des élèves n'hésitent pas à mobiliser leur réseau personnel. "Certains parents signent des conventions dans leur entreprise, car ils n'arrivent pas à trouver de stage", indique une lycéenne. "Ça accroît forcément les inégalités sociologiques, réagit l'enseignant. Quand les parents sont derrière, ils font les démarches avec les enfants, il y a une structure familiale, amicale et un réseau, c'est plus simple. Tous les autres vont rester sur le côté."
Ça peut malheureusement créer une stigmatisation entre ceux qui arriveront à trouver un stage et les autres.
Laurent Caillaudvice-président de la FCPE 33
Pour l'heure, le ministère de l'Éducation nationale a écarté la possibilité de sanctionner les élèves qui ne parviendraient pas à trouver de stage. Sur la période concernée, ils pourraient être accueillis dans leur établissement, encadrés par l'équipe pédagogique. Les lycéens ont également la possibilité de réaliser une mission d’intérêt général dans le cadre du Service national universel (SNU) ou une « mobilité européenne ou internationale » d’au moins deux semaines.