Les tatoueurs français rattrapés par la règlementation européenne. Cela couvait depuis 2016, mais réglementation oblige, dès le 4 janvier 2022, une nouvelle restriction vise les encres de tatoueurs.
Visibles ou invisibles tatouages. En tous cas, c'est une problématique qui touche une grande partie de la population. Car selon les derniers chiffres publiés par l'IFOP en 2018, 18% des Français majeurs seraient tatoués.
Mise aux normes et mise au ban de certains pigments
Dans le collimateur des législateurs européens cette année, il y a 25 pigments, des encres colorées du jaune au rouge. Le but de cette règlementation, au nom du principe de précaution, est d’uniformiser l’interdiction de l’utilisation de certaines substances cancérigènes déjà proscrites dans la cosmétique et désormais réduites à des seuils extrêmement faibles dans les encres des tatoueurs.
A l'heure actuelle, une pétition rassemblant plus de 175 000 signatures, s'insurge contre cette nouvelle règlementation.
L’incompréhension pour les professionnels
Ricky Badwolf est tatoueur à Bordeaux et référant en matière de formation aux gestes d’hygiène.
« Je m’étais déjà intéressé à ça il y a 2/3 ans. On est déjà le pays qui a le plus de normes de sécurité et d’hygiène en Europe. On avait déjà eu des problèmes avec les encres américaines autorisées là bas et pas en Europe. On a fait sans, car on est censé travailler avec des encres labellisées CE ».
Il déplore le manque d'étude réelle faite sur les encres de tatouages et le fait qu’on les retire du marché par simple principe de précaution. Une mesure qui lui semble disproportionnée.
« Ce qui est problématique est qu’on soit dans le flou total, il faudrait une réelle étude et pas une application des mesures sur les cosmétiques. Ça fait déjà plus de 15 ans que je me suis fait tatouer et que je suis dans ce métier, je n’ai jamais entendu parlé d’un cancer. »
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Des mesures contre-productives ?
La difficulté de compréhension d’une telle règlementation vient également du fait que de très nombreuses normes existent déjà pour les salons de tatouages, et notamment cette obligation d’utiliser des encres certifiées CE. Déjà les tatoueurs craignaient des dérives, avec notamment des encres non homologuées (venant souvent de Chine) dans des officines de tatouages non contrôlées et la crainte est d’autant plus grande aujourd'hui. En clair, les salons de tatouages doivent se déclarer auprès de l’ARS ( Agence régionale de santé ) pour ouvrir et sont sous le coup de contrôles inopinés par les même services.
Mais, pour Ricky Badwolf, « Le problème, c’est que du coup les gens vont se mettre en atelier privés qui ne sont pas contrôlés par l’ARS. Ça ouvre la voie à des tatouages illégaux. » Et avec cette pratique, il craint le manque de formation et d'hygiène de ceux qui pencheraient pour cette option, pouvant ainsi jeter l'opprobre sur toute une profession.
Le retour au noir et blanc ?
Pour ce spécialiste des tatouages "old school" et colorés, l’année commence avec beaucoup d’interrogations.
« Ben là, on me demande beaucoup de petits tatouages en noir en ce début d’année mais sinon je m’adapterai. Je comptais regarder les sites et prévenir les gens. Je ferai tout ce qu’on me demande mais dans la légalité. »
Très vite, il tempère ses inquiétudes, « Après je suis pas pessimiste, les fournisseurs ont réagi assez rapidement. On voit sur les sites, ils parlent déjà de nouvelles formules. »
Dès l’année prochaine, ces restrictions toucheront également leur palette en s’attaquant à d’autres pigments, un bleu et un vert présents dans de nombreuses nuances de couleurs.