En février 2022, Antoine Mesnier est diagnostiqué de la maladie de Charcot. Depuis, l'ancien médecin bordelais se bat pour que l'euthanasie soit dépénalisée. Le projet de loi portant sur la fin de vie devrait être débattu au début de l'année 2024.
"Ce jour-là, je signe mon arrêt de mort." Le monde d'Antoine Mesnier s'écroule le jour de son anniversaire, le 23 février 2022. Il est 8 heures quand l'homme prend note de son diagnostic. Médecin généraliste, il le pressentait depuis des mois, mais peine à l'entendre. Antoine est atteint d'une sclérose latérale amyotrophique, plus communément appelée maladie de Charcot.
"Je ne veux pas entendre ces mots, je sais que je vais mourir dans les deux, trois ans", confie le sexagénaire. Le bilan tombé, Antoine retourne travailler, garde la face devant ses patients. "J'ai passé ma journée à remonter le moral des gens. Entre deux rendez-vous, je fermais la porte, et je pleurais."
Une condamnation
Cette journée, il la raconte dans son livre, Bon anniversaire Antoine, paru aux éditions Mola. Tous les bénéfices sont reversés à l'association ARSLA, dédiée à la recherche sur la maladie de Charlot. "Pour mon anniversaire, je m'offre un beau présent, car je n'aurai plus de futur", écrit-il en préambule. Son avenir est totalement chamboulé. L'ancien joueur de rugby remarque chacune de ses dégradations physiques.
Quand je prends une tasse de café, c'est comme si je prenais une haltère de 10 kg
Antoine Mesnieratteint de la maladie de Charcot
Son quotidien devient progressivement une véritable épreuve. "Marcher cinq mètres, c'est comme faire 20 kilomètres au Cap-Ferret dans des dunes, image-t-il. Tout ce que je fais c'est dur, ça fait mal." Le moral, lui aussi, s'assombrit. Les pensées négatives s'accumulent, la nuit notamment. "Quand on s'allonge dans son lit, on se dit « t'as la maladie de Charcot, tu vas devenir handicapé, tu vas plus pouvoir te toucher les couilles, te gratter les fesses, tu vas mourir », et on ne dort pas." En guise de somnifère, Antoine se met à écrire, "et ça [lui] fait un bien fou".
Un combat pour dépénaliser l'euthanasie
Sa passion naissante pour l'écriture, Antoine s'en sert aussi à des fins politiques. Dans des lettres, il interpelle des députés, des sénateurs, jusqu'au président de la République. Inlassablement, il y explique la nécessité de faire évoluer la prochaine loi sur la fin de vie. "Je ne peux pas supporter qu'on n'ait pas le droit de choisir."
Quand tu as la maladie de Charcot, tu n'as plus tes mains, tu ne peux plus te suicider. Il faut que ce soit quelqu'un qui le fasse à ta place et il ne faut pas l'envoyer en prison pour autant, alors que c'est ta demande à toi.
Antoine Mesnieratteint de la maladie de Charcot
Depuis 2016, la fin de vie en France est encadrée par la loi Claeys-Léonetti. Celle-ci permet à des malades incurables, dont le pronostic vital est engagé, de bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès. "Je veux que ça se passe quand moi je l'aurai décidé, rétorque Antoine Mesnier. Et je ne veux pas que les médecins soient embêtés et qu'ils culpabilisent en se demandant s'ils avaient le droit de le faire."
Le projet de loi portant sur la fin de vie, impulsé par Emmanuel Macron, devrait être débattu au début de l'année 2024. Une angoisse pour Antoine, qui craint de voir sa maladie en avance, sur le calendrier du gouvernement.
"Une urgence pour la France"
Plus que la mort, Antoine a peur de la dépendance. "Quand est-ce que va arriver ce jour où je ne pourrai plus manger, parler, me laver ?, se questionne-t-il trop souvent. Je ne veux pas que mes enfants me voient comme ça."
Je veux que mes enfants aient le souvenir d'un mec qui fait le con sans arrêt, qui fait des jeux de mots et qui va voir les matchs de rugby.
Antoine Mesnieratteint de la maladie de Charcot
Aujourd'hui, "ma vie, elle est belle". C'est d'ailleurs cette image que l'ancien médecin généraliste souhaite garder, pour lui, comme pour sa famille. Après l'annonce du diagnostic, Antoine Mesnier a décidé de quitter Bordeaux pour s'installer à Baigorry, un village paisible du Pays Basque. Ici, il profite du calme, de la quiétude loin de la ville. "Ce vert, ça m'adoucit ma vie. Pas de bruit, pas d'embouteillage, tout est bien ici, tout est calme, je suis bien, je suis serein, je ne suis pas malade." L'endroit idéal pour mener son dernier combat.