Ces transports et exportations illégales de 46 tonnes de civelles au total représentent un trafic très lucratif s'élevant à 18,5 millions d'euros, à ce jour. A l'origine de ce démantèlement, une saisie des douanes d'Arcachon.
Ce trafic international passait par la France, l'Espagne avant de partir pour l'Asie via les pays de l'Est.
Saisie des douaniers d'Arcachon
L'enquête menée par les officiers de douane judiciaire du SEJF ( service d'enquêtes judiciaires et des finances) de Bordeaux et les gendarmes de l'OCLAESP ( office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique) renforcés par la brigade des recherches de Saintes (Charente- Maritime), sous la direction de la JIRS de Bordeaux (juridiction inter-régionale spécialisée), débute à la suite de deux constatations douanières, selon un communiqué du ministère de l'économie et des finances ce vendredi 11 juin.
En 2017, lors de contrôles routiers, les douaniers d'Arcachon et de Roissy saisissent respectivement 792 kg bruts de civelles destinées à être exportées illégalement vers la Chine et 200 kg de civelles de contrebande en partance pour la Thaïlande. Un même réseau semble alors lier ces deux saisies d'après les premières conclusions des enquêteurs de Bordeaux (SEJF).
Parallèlement, les gendarmes de l'OCLAESP appuyés par la brigade nautique de Saintes, investiguant sur cette thématique, étaient amenés à croiser les éléments de leur enquête avec celles du SEJF.
Dès lors, la JIRS de Bordeaux a confié à ces deux services à compétence nationale la poursuite des investigations, la lutte contre la criminalité liée à l'environnement faisant notamment partie de leurs attributions. Les enquêteurs des douanes de Bordeaux ne seront pas plus précis sur les lieux des prises illégales lors des contrôles car l'enquête est toujours en cours.
3 000 à 4 000 euros le kilogramme de civelles
Depuis plusieurs années, la France est confrontée à la pêche et au commerce illégal de l'anguille européenne "Anguilla Anguilla". En 30 ans, la population d'anguilles européennes a chuté de 75%. Ce déclin a des causes multiples dont ces activités illégales.
La demande pour la civelle européenne a explosé dans le Sud-Est asiatique, après la quasi-disparition de l'anguille asiatique liée à sa surpêche. Les contrebandiers ne cessent d'alimenter cette clientèle prête à payer 3 000 à 4 000 euros le kilogramme de civelles. La marge des contrebandiers peut alors être multipliée par 10.
Depuis les années 2000, l'anguille européenne est considérée comme une espèce menacée. L'Union Européenne impose en effet, depuis 2007, à chaque État, un plan de gestion de l'anguille.
Depuis 2009, l'espèce est également protégée de la surexploitation par la Convention de Washington. A ce titre, en 2010, la réglementation européenne fixe des mesures de restriction de son commerce et interdit son importation et son exportation au sein de l'Union Européenne.
Sa circulation intra-communautaire reste autorisée sous couvert d'un justificatif d'origine.
Mareyeurs français interpellés
Dans ce contexte, le SEJF et l'OCLAESP ont mis au jour un schéma de fraude reposant sur des circuits logistique et financier complexes, nécessitant de nombreuses et longues exploitations documentaires, notamment bancaires, ainsi que de données téléphoniques s'appuyant sur une coopération judiciaire internationale importante.
La coopération policière au plan européen, via EUROPOL, a également été déterminante pour appréhender ce trafic d'ampleur internationale.
Ces investigations révèlent que les civelles récoltées par des mareyeurs français étaient transportées en Espagne pour y être rassemblées.
Elles étaient ensuite acheminées vers les pays d'Asie fortement demandeurs de ce produit, via, notamment, des plateformes logistiques installées dans des pays de l'Est (Roumanie, Bulgarie, Pologne).
Ces transports et exportations illégales, de 46 tonnes de civelles au total, étaient masqués par l'utilisation de faux documents supposant l'envoi d'autres espèces (crevettes, congres, carpes).
Par ailleurs, plusieurs investigations à l'international, en Bulgarie et en Espagne, ont permis d'appréhender le mécanisme de blanchiment du produit de ce trafic très lucratif, s'élevant à 18,5 millions d'euros, à ce jour.
Des sociétés écrans en Europe et en Asie
Les investigations ont démontré l'utilisation de sociétés écrans créées en Europe et dans des paradis fiscaux (Irlande, Panama), la complicité de sociétés implantées en Chine et en Thaïlande et le recours à des rétro-commissions par des contrats sur opérations entre l'Afrique et l'Asie.
Une première phase d'interpellations en septembre 2019 a permis de confirmer ces schémas frauduleux et d'aboutir à la mise en examen de neuf mareyeurs et intermédiaires français tandis que des perquisitions simultanées ont été effectuées en Espagne et en Bulgarie.
La deuxième phase est intervenue début 2021 permettant de mettre en examen les gérants espagnols d'une société de transport ainsi que l'un des principaux instigateurs de ce trafic, également de nationalité espagnole.
Dans un communiqué du ministère de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics, félicitent les douaniers du SEJF de Bordeaux et les gendarmes de l’OCLAESP pour le démantèlement d'un trafic international de civelles.