La coopérative ferroviaire envisage un "début frugal" à l'été 2024 sur la ligne Bordeaux-Lyon, avec un aller un jour et un retour le lendemain. Une version "plus modeste" qui "ne vient pas percuter la stratégie globale", selon sa directrice générale déléguée. Réaction et retour sur un projet plusieurs fois repoussé qui prévoit notamment un passage à Limoges et Guéret.
C'est une convocation envoyée aux sociétaires ce jeudi 2 février qui a fuité dans la presse. Dans le communiqué d'assemblée générale, est évoquée la stratégie de Railcoop pour 2023 / 2024, stratégie qui doit être validée par ces derniers le 22 février prochain lors d'une assemblée générale extraordinaire.
Contactée par téléphone ce samedi, Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée, nous confirme cette nouvelle option "à affiner" : un aller-retour sur deux jours à l'été 2024, qui exigerait un investissement limité à "4,1 millions d'euros cette année et 2 millions en 2024".
Pour cette dernière, cette "option provisoire" ne remet pas en cause la stratégie à terme de Railcoop, à savoir deux allers-retours par jour Bordeaux-Lyon, deux allers-retours Limoges-Lyon et un aller simple Montluçon-Lyon. "On y travaille dans le cadre des levée de fonds." La coopérative, basée à Figeac dans le Lot, s'est donnée pour but de proposer cette liaison par Bordeaux, Périgueux, Limoges, Guéret, Montluçon, Roanne et Lyon, en 7 heures 30 environ, en ressuscitant une liaison transversale abandonnée par la SNCF en 2014.
Pour l'aider, la coopérative s'est tournée vers des collectivités locales pour soutenir son projet. Ainsi la Métropole et la Ville de Lyon ont-elles annoncé leur entrée à son capital le 26 janvier dernier. "Lors du conseil du 23 janvier, les élus métropolitains ont délibéré en faveur d’une entrée au capital de la société coopérative Railcoop, à hauteur de 80 000€. Le 15 décembre dernier, le conseil municipal de Lyon avait fait de même, pour une participation de 20 000 €."
Railcoop fait déjà circuler, depuis novembre 2021, des trains de fret entre Capdenac (Lot) et Saint-Jory (Haute-Garonne). Fin 2022, elle nous précise avoir obtenu "l'extension du périmètre de sécurité qui permettrait de couvrir le sud de la Nouvelle-Aquitaine et une bonne partie de l'Occitanie en fret". "
Retour sur un projet plusieurs fois repoussé
Créée en 2019, c'est en septembre 2021 que la jeune société coopérative Railcoop, basée à Figeac, dans le Lot, obtient sa licence ferroviaire, après avoir levé 1,5 million d'euros, une étape jugée alors importante dans son lancement. Voyage dans les coulisses de cette aventure : avec un magazine complet en ligne.
Sa première ligne de fret, entre Capdenac et Saint-Jory près de Toulouse, via l'Aveyron, a ouvert en novembre 2021.
Initialement, l'ouverture de la ligne voyageurs Bordeaux-Lyon était programmée le 22 juin 2022, puis la date avait été repoussée de 6 mois, pour décembre 2022.
Dans notre article du 11 mai 2022, le seul horizon évoqué était l'année 2023 : mais la directrice générale déléguée, Alexandra Debaisieux se disait alors "très confiante" et mettait en avant le soutien des collectivités, notamment en Creuse, et plus largement celui des plus de 12 000 sociétaires Railcoop.
La coopérative ferroviaire avait présenté, le 19 mai 2022 à Clermont-Ferrand, deux des rames qui devraient circuler sur sa future ligne de train entre Bordeaux et Lyon.
En raison des modalités d’aménagement des trains et de la rénovation des 8 rames que compte acquérir la coopérative, le lancement de la ligne en décembre 2022 est alors annoncé comme "compromis". Car Railcoop explique alors vouloir emprunter 43 millions d'euros. Aucune date n'est alors évoquée jusqu'à ce mois de février 2023.
Un projet rentable ?
Dans le reportage de Cécile Descubes et Matthieu Dégremont (France 3 Limousin), diffusé en décembre 2022, Dominique Guerrée, alors président fondateur de Railcoop (aujourd'hui, le président est Philippe Bourguignon, NDLR), explique ce retard par "des raisons réglementaires, et pour des raisons aussi financières. On sait que le ferroviaire, c'est du financement lourd."
La Région voit d’un bon œil ce projet coopératif, qui remplit un grand vide : depuis des années, le Bordeaux-Lyon n’existe plus. Mais elle qui finance et gère les TER depuis deux décennies, se demande comment Railcoop va y arriver. Ainsi Renaud Lagrave, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge des transports, s'interrogeait fin 2022 : "Je ne connais pas une ligne de train en Nouvelle-Aquitaine qui soit, aujourd'hui, rentable. Un usager TER de Nouvelle-Aquitaine ne paie que 24 % du prix réel. Ont-ils un modèle économique qui m'a échappé, et qui leur permet d'avoir des péages moins chers auprès de SNCF réseau ? Je ne crois pas. (...) Peut-être qu'il y a un modèle économique, en tout cas, je ne le connais pas."
Réponse d'Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée : "L'objectif, ce n'est pas de gagner de l'argent, mais c'est de ne pas en perdre. Et c'est intéressant, quand on regarde la mise en concurrence de la SNCF, en PACA par exemple, l'exemple de Transdev... De notre côté, on a regardé où on pouvait optimiser les choses à travers, par exemple, du matériel roulant qu'on réutilise ou la polyvalence des agents aussi, et on parvient à un nouveau modèle économique. Aujourd'hui, en tout cas, on arrive à produire un "train-kilomètre" moins cher que celui à la SNCF. On obtient un modèle économique qui nous permet d'arriver à l'équilibre."
Une opposition sur le parcours
Sur le trajet, une commune de Haute-Vienne est l’une des rares à refuser de devenir sociétaire de cette coopérative : Saint-Sulpice-Laurière en Haute-Vienne. Son maire, Jean-Michel Peyrot, nous explique ses interrogations : "la complexité du monde ferroviaire fait que nous nous trouvons, après Saint-Sulpice-Laurière, sur une ligne d'une seule voie... et pour faire passer des trains Railcoop, des choix devront être opérés entre les circulations Railcoop ou les lignes TER financées par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, et nous craignons que l'offre qui sera offerte à nos usagers se détériore après l'arrivée de cette entreprise."
Réponse d'Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop : "l'objectif, c'est de venir renforcer l'offre globale de train, il n'y a pas de raison que l'offre se détériore... On a déjà travaillé avec nos sillons de circulation. On discute avec les deux régions, et avec SNCF réseau pour compléter l'offre en complémentarité de ce qui existe déjà. La ligne n'est pas saturée. Et en plus, on veut créer un nouveau service pour aller à Lyon... Aujourd'hui, c'est quasiment mission impossible, alors cet argument, on a un peu de mal à l'entendre."
En ce début d'année 2023, la coopérative revendique ce 4 février bientôt 14 000 sociétaires.