Tristesse, solitude, anxiété... sur ce campus, plus d'un étudiant sur trois présente des symptômes dépressifs

Quatre ans après le premier confinement qui a eu un effet néfaste sur leur santé mentale, les jeunes ne vont pas mieux. D'après une nouvelle étude menée par l’université de Bordeaux, les étudiants sont encore nombreux à souffrir de symptômes dépressifs.

Plus d'un étudiant sur trois présentait des symptômes dépressifs en 2023 selon une étude à paraître menée par l'université de Bordeaux. C'est ce que révèlent, ce 14 mars, France Inter et Marianne. La proportion, déjà élevée, était de 26 % avant la crise sanitaire, soit un étudiant sur quatre présentant ce mal-être. 

Alors qu'on sait et qu'il était imaginable que le confinement ait eu un impact sur chacun de nous, force est de constater que, quatre ans après, la santé mentale des jeunes ne s'améliore pas. Elle s'est même encore aggravée.

Mal-être et pensées morbides

L'étude a été réalisée auprès d'étudiants via des questionnaires en ligne en 2023. Les résultats ont ensuite pu être comparés avec une étude précédente, effectuée avant la crise sanitaire du Covid-19. 

L'épidémiologiste Mélissa Macalli, chercheuse à l'université de Bordeaux, qui a mené cette étude, constate que cette classe d'âge a du mal à retrouver l'état psychique d'avant l'épidémie. “On observe une dégradation de la santé mentale des étudiants dans ces derniers chiffres. À titre de comparaison, on observe dans la période post-Covid environ 40 % de symptômes dépressifs chez les étudiants, contre 26 % avant le début de la crise".

Un mal-être dont l'ampleur n'est pas négligeable, pouvant aller jusqu'aux pensées morbides. En 2023, les jeunes de 18-24 ans témoignant avoir eu des idées suicidaires représentent 29 % contre 21 avant le Covid.

"On pense que ça n'arrive qu'aux autres"

Aujourd'hui, le tabou sur le malaise des jeunes semble se lever quelque peu. Sur le campus de Bordeaux, même ceux qui disent ne pas être touchés par le phénomène, ne s'estiment pas pour autant à l'abri. C'est toute une génération qui semble devoir faire avec.

 "Il faut savoir jongler entre les cours, la charge de travail et puis aussi nous... Savoir prendre du temps pour soi. C'est un petit peu compliqué de trouver l'équilibre", estime une jeune fille d'une vingtaine d'années. Son amie ajoute savoir que la dépression, "ça n'arrive pas qu'aux autres. Ça peut très facilement nous arriver. Ça peut aller très vite !"

Rythme des cours, précarité économique, dérèglement climatique, harcèlement, problèmes de santé, difficulté à se projeter professionnellement, les raisons du malaise sont multiples. Quels qu'ils soient, les répercussions sur la santé mentale doivent être prises en charge pour que le jeune en détresse ne se replie pas dans une spirale infernale de solitude et d'autodénigrement.

Consultations et ateliers

D’où l’importance de prévenir ces troubles psychologiques. À cet âge, le patient pris en charge tôt, est facilement en capacité de rebondir. Pour pallier le manque de psychologues, l’espace santé étudiants de Pessac accompagne leurs maux.

Florence Touchard est infirmière à l'Espace santé étudiants. Elle observe cette difficulté à se livrer. "Ils viennent essentiellement parce qu'ils sont très anxieux. Ils ont du mal gérer leurs émotions. Ils ne savent pas à qui parler de ça, se replient beaucoup sur eux-mêmes".

L'infirmière explique que pour certains, ces symptômes dépressifs sont associés à "une grande tristesse, une perte d'envie de faire les choses". Et pour beaucoup, depuis le Covid, ils éprouvent des "difficultés à aller vers les autres".

Associé à l'éloignement de la famille ou de la zone géographique d'origine, l'étudiant peut vivre un nouvel isolement qui, avec ce repli dû au mal-être, le fait entrer dans un cercle vicieux oppressant. Florence Touchard confirme qu'elle constate "une grande solitude qui est un facteur aggravant pour ces personnes vulnérables".

Explosion de l'écoute infirmières

La prévention et les campagnes de sensibilisation sur la santé ont toujours existé, rappelle Anne Moreau, directrice opérationnelle de l'Espace Santé Etudiants. "Il y en avait sur la santé mentale, mais elles étaient moins intenses ou plus centrées sur la question du bien-être étudiant". Avant le Covid, entre 15 à 20 % des 2 400 consultations mensuelles dérivaient vers une consultation dédiée à la santé mentale. La proportion a doublé en 2023 et 2024.

Au moment du Covid, Anne Moreau rapporte une véritable "explosion" des appels sur l'écoute infirmière en distanciel. L'équipe a dû s'adapter pour pouvoir recueillir cette parole pour accompagner ces jeunes en détresse en pleine épidémie. "Un premier effet d'une détresse, liée à l'isolement social,  à la perte de sens, car ils étaient là pour faire des études, mais il n'y avait pas d'études, et à la précarité économique parce qu'ils n'avaient plus la possibilité de travailler". Cette phase d'un an et demi a été particulièrement rude pour des jeunes qui commençaient à vivre leurs vies d'adultes.

Une progression constante

"Même, nos psychologues expérimentés n'ont jamais eu autant d'étudiants confrontés à des situations aussi graves", assure la directrice opérationnelle de l'Espace Santé Etudiants. Elle confie également l'ampleur de la tâche face à ce phénomène et rapporte les propos d'un médecin en sortant de réunion :  "C'est incroyable, ils ont tous en dépression profonde".

Si la parole s'est libérée, permettant à tous un accès aux soins, dès les premiers symptômes, les cas sont aussi plus nombreux et plus graves. C'est pourquoi, le centre met l'accent sur la prévention. L'idée étant d'être présent auprès des jeunes, avant que ça n'aille mal et de pouvoir dépister également les premiers signes.

Des petits spots ont été tournés pour être diffusés sur les réseaux sociaux, engageant à "faire le premier pas" et créer du lien.

Formation aux secours en santé mentale

Depuis 2019 déjà, une formation aux premiers secours en santé mentale (PSESM) sur deux jours a aussi été mise en place sur le modèle de formation aux premiers secours (PSE1 et 2), et est enseignée gratuitement sur le campus.  "On a formé 2 500 étudiants depuis 2019 et, aujourd'hui, on a plus ou moins deux sessions par semaine".

Malgré l'ampleur de la tâche, les soignants ne baissent pas les bras. "On essaie toujours de renouveler nos modalités d'interventions pour que les étudiants aient envie de vouloir nous parler. On est dans la promotion de la santé. Pas seulement dans un discours grave, au contraire ! Sans être naïf, on ne le vit pas comme une fatalité". 

Anne Moreau insiste également sur la capacité de résilience de cette classe d'âge qui a l'avenir devant elle. "Un syndrome dépressif, ce n'est pas forcément une dépression. En prévention, ce public est flexible intellectuellement. Pour une partie d'entre eux, ils ont des ressources, des solutions. On peut avoir des changements spectaculaires pour rebondir".

A savoir

Le fil santé jeune est un dispositif d'aide à distance (anonyme et gratuit) dédié aux jeunes de 12 à 25 ans qui propose une ligne d’écoute 0 800 235 236, accessible 7 jours sur 7 de 9h à 23h, et un site internet mettant à disposition de l’information, un forum, un tchat, et une orientation vers des structures d’aide (lieux d’accueil et d’écoute, maisons des adolescents, structures associatives, professionnels et structures de soins). Ces services sont dispensés par des professionnels (médecins, psychologues, éducateurs et conseillers). 

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