Procès d'un ancien radiologue pour viols et agressions sexuelles : "Il faut une remise en question du système"

Accusé de viols et d'agressions sexuelles par sept patientes et une employée, Bassam El Absi, ancien radiologue de Langon dans le sud Gironde, a été radié de l'Ordre des médecins en 2019. À l'occasion de ce procès, des manifestants pointent le silence de l'Ordre des médecins pendant des années, à l'image d'une société gangrénée par une domination patriarcale.

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Sur la grille du palais de justice, une banderole : "Affaire El Absi : Ordre des médecins complice".  

À l’appel du Planning familial, de la Santé un Droit pour tous et de l’Assemblée générale Féministe, une manifestation a donné le ton de ce procès aux Assises de la Gironde ce lundi 20 février.

Bassam El Absi, un radiologue de Langon dans le sud du département, doit répondre de viols et d’agressions sexuelles, sur huit plaignantes, des anciennes patientes - dont une mineure, à l’époque des faits - mais également une ex-secrétaire du médecin. Les faits se seraient produits entre 2006 et 2019. Elles évoquent toutes des massages et des attouchements durant leurs consultations.

Le radiologue nie en bloc

"C’était lui le sachant, le docteur, elles avaient confiance dans sa pratique et son diagnostic. Mais sous couvert de blouse blanche, il a eu des gestes à caractère sexuel qui ne relèvent pas de l’imagerie médicale", pointe auprès de Sud Ouest Sylvie Reulet, avocate d’une partie civile. Sa cliente "a tout de suite senti que ça n'allait pas" le jour de l'échographie, durant laquelle elle aurait subi une pénétration anale digitale, précise l’AFP.

Le radiologue de 71 ans, retraité, lui, nie catégoriquement les faits. Il évoque des actes non réalisés ou sinon par nécessité médicale, ou encore des problèmes d'érection l'empêchant d'avoir pu commettre certains actes qui lui sont reprochés. Des accusations qu’il verrait comme un "complot" organisé au sein de son cabinet et sur les réseaux sociaux. Au micro de France Bleu, son avocat, Pierre Sirgue, dénonce lui un dossier "artificiellement regroupé". "S'il y a eu des gestes inappropriés, ça ne regarde pas la cour d'assises", lance-t-il.

Des signalements à l'Ordre des médecins remontant à 2002

Juste avant le début du procès, devant la cour d’assise de Bordeaux, les manifestants viennent tout d’abord soutenir les victimes. "On veut leur adresser un message, à celles de ce procès comme celles non déclarées. Pour dire qu’on les croit et qu’elles ne sont pas seules", assure Annie Carraretto, la présidente du planning familial de gironde.

Dans le viseur des associations mobilisées, également : l’Ordre des médecins. "Ils ont été interpellés de nombreuses fois depuis 2002. L’Ordre des médecins l’a laissé dans l’impunité puis ils ont décidé de se remuer une fois qu’il y a eu des plaintes et que la justice s’en est emparé", pointe Bernard Coadou, président de La Santé un Droit pour tous et ancien médecin. 

J'appelle ça de l'omerta confraternelle !

Bernard Coadou, ancien médecin et président de l'association La Santé un Droit pour tous

Il aura fallu que deux patientes portent plainte à la gendarmerie contre le radiologue, en 2016, pour que le conseil de l’Ordre des médecins commence à réagir. Après l’ouverture d’une information judiciaire, deux ans plus tard, le conseil de l’Ordre des médecins de Gironde saisit la chambre disciplinaire de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine. Cette dernière radie Bassam El Absi, alors à la retraite, en 2019. "Si l’Ordre des médecins avait agi dès 2002, on aurait pu protéger d’autres femmes qui ont été victimes par la suite", déplore Annie Carraretto. Des plaintes avaient même été déposées avant 2016, en 2003, d’après les informations du Républicain Sud-Gironde.

Pour l’ancien médecin Bernard Coadou, il s’agit d’une "omerta confraternelle". "Il y a des failles dans le système et l’Ordre des médecins ne veut pas nous répondre là-dessus", insiste le président de La Santé un Droit pour tous. France 3 n’a pas eu plus de chance pour réussir à joindre l’Ordre des médecins de Gironde. "Ils condamnent pourtant bien quand ils le veulent", relève Bernard Coadou. Il en veut pour preuve les sanctions reçues par Eugénie Izard, pédopsychiatre à Toulouse, alors qu’elle avait signalé des suspicions de maltraitances sur une enfant. "On est pour la dissolution de cette juridiction parallèle qui s’avère nocive, milite Bernard Coadou. Les médecins doivent répondre à la justice comme tout citoyen." Il appelle la classe politique à s’emparer du sujet.

Changer les mentalités et remettre en question le système 

Pour Annie Carraretto, l’ouverture de ce procès est aussi l’occasion d’interpeller la Justice. "En 2020, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, il y a eu 94 000 déclarations de viol par des femmes et seul 1 % des agresseurs sont condamnés. Il faut une remise en question du système", accuse-t-elle. C’est même encore moins, selon les vérifications de TF1. "Loin de ce qu’essaierait de nous faire croire l’extrême-droite, dans 91 % des cas, l’agresseur est connu de la victime, continue Annie Carraretto. Il se trouve dans le cercle familial, amical ou dans les cercles de pouvoir. Ici, le médecin, en tant que savant, a une influence de pouvoir."

Pour la présidente du Planning familial de Gironde, la médecine reste dans un schéma de domination patriarcale. "On le voit encore dans les études de médecine avec les dérives des soirées étudiantes, cela perpétue cette mentalité. À Bordeaux, le doyen de la faculté s’en est saisi cette année en organisant des réunions de prévention avec associations féministes étudiantes, mais ce n’est que le début", prévient Annie Carraretto.

Il est temps qu'il y ait un changement de mentalité qui doit infuser dans la société. Ensuite, il faut travailler sur la prévention et l’éducation pour que les relations ne soient plus basées sur la violence.

Annie Carraretto, présidente du Planning familial de Gironde

La présidente du Planning familial relève bien quelques améliorations depuis quelques années du fait de la sensibilisation dans les commissariats notamment, se traduisant par la libération de la parole des femmes. Mais la situation est encore loin d’être idéale, rappelle Annie Carraretto qui se fait régulièrement signaler des dysfonctionnements dans des commissariats. "Si la parole se libère et que derrière, il n’y a rien, c’est pire, dénonce-t-elle. Il faut un changement de mentalité qui doit infuser dans la société et ensuite, il faut travailler sur la prévention et l’éducation pour que les relations ne soient plus basées sur la violence."

À l’image de ce qu’a mis en place l’Espagne avec une filière judiciaire dédiée aux violences sexistes et sexuelles, de nombreuses choses pourraient être faites en France, selon Annie Carraretto. "Mais il faut mettre les moyens et les résultats ne viennent pas tout de suite, donc il faudrait s’y mettre", alerte-t-elle. En septembre 2022, la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, se déclarait en faveur d’une justice "spécifique" dédiée aux violences faites aux femmes. Une mission parlementaire a été lancée sur le sujet. En attendant, le procès de Bassam El Absi se tient jusqu’au 27 février 2023.

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