Devant la hausse du prix de l’énergie, les bouchers-charcutiers ont manifesté ce mardi à la mi-journée. Un rassemblement était organisé à Paris. En région, symboliquement, certains artisans ont éteint les lumières de leurs établissements. Comment se porte le secteur en Limousin ? Éléments de réponse.
Ils manifestent leur colère et leurs inquiétudes. Devant l'Assemblée nationale à Paris, les bouchers-charcutiers étaient plusieurs dizaines à se rassembler ce mardi à la mi-journée pour montrer leur mécontentement face à la hausse des coûts de l'énergie. La Confédération Française de la boucherie appelait également, partout en France, les artisans à éteindre symboliquement les lumières de leurs boutiques en signe de protestation contre cette hausse.
"C'est le coup de massue qui va tous nous assommer, nous asphyxier".
Anne-Sophie Conjat-Bach, présidente du syndicat de la boucherie de Corrèze.
Car les chiffres sont alarmants : les petites boucheries verront les tarifs énergie augmenter de 30% entre janvier et mars 2023. Les plus grands commerces, eux, voient déjà leurs charges grimper : les prix ont été multipliés par 8. "C'est le coup de massue qui va tous nous assommer, nous asphyxier", s'inquiète Anne-Sophie Conjat-Bach, présidente du syndicat de la boucherie de Corrèze.
Ce qui inquiète, c'est que la consommation d'énergie est impossible à réduire, puisque les boutiques fonctionnent seulement à l'électricité : chambres froides, rôtisserie, vitrines frigorifiées... Le prix du gaz a également augmenté. Nicolas Dubois, président du syndicat des bouchers en Creuse, a vu sa facture s'envoler cette année pour sa boutique : "nous avons payé 2700 euros l'année dernière. Et pour cette année, nous devrons payer 6500 euros. La situation n'est pas rose du tout".
Un rassemblement historique face à la flambée des prix
Et pour cause : cela faisait vingt ans que la profession n'était pas descendue dans la rue : "On ne sort jamais de nos boutiques, seulement pour les situations graves", s'indigne Anne-Sophie Conjat-Bach. Et pour cause : comme pour de nombreux autres secteurs, les coûts de l'énergie ne sont pas les seules augmentations auxquelles les artisans doivent faire face.
D'abord, les matières premières. Les éleveurs ont augmenté leurs prix, tout comme les fournisseurs. "Le prix du bœuf a augmenté de 10%, le kilo d'agneau a pris 1,50 euros, le porc 20 centimes".
S'ajoutent à cela les autres intrants, comme les emballages, +17% d'augmentation, et les poches sous vide, +20%.
Si les bouchers tentent de ne pas répercuter les hausses qui leur sont imposées à leurs clients, cela reste difficile, selon Anne-Sophie Conjat-Bach : "On a augmenté les prix de la volaille, qui nous coûte 15% de plus. Mais si on veut garder nos clients, on ne peut pas perpétuellement augmenter nos tarifs, sinon ils ne pourront plus manger ! Et de notre côté, les marges s'amenuisent".
"Les aides allouées par l'Etat pendant la crise sanitaire nous ont "protégés" jusque-là, mais cela n'a fait que repousser les difficultés auxquelles nous devons faire face aujourd'hui".
Christian Heurtier, président du syndicat des bouchers de la Haute-Vienne
Des difficultés qui pourraient être fatales pour certains. Selon Christian Heurtier, président du Syndicat des bouchers de la Haute-Vienne : "Si l'Etat ne nous aide pas, de nombreuses entreprises risquent de devoir licencier des salariés ou pire, de mettre la clé sous la porte. Les aides lors de la crise sanitaire nous ont "protégées" jusque-là, mais cela n'a fait que repousser les difficultés auxquelles nous devons faire face aujourd'hui."
"Mais on va faire bouger les choses", clame Anne-Sophie Conjat-Bach. "Nous sommes inquiets, mais il y a du positif : nous allons être reçus par le député de Haute-Corrèze, et par le Préfet de la Creuse Étienne Desplanques. Cela veut dire qu'on nous écoute, et que ça devrait se décanter dans les 15 prochains jours".
En région, les entreprises en trop grande difficulté ont également la possibilité de contacter les Chambres des métiers et de l'artisanat. Dans les trois départements limousins, des agents sont à l'écoute pour tenter de leur trouver des solutions, notamment pour leur transition écologique.
Un métier en tension
Certains ont déjà dû fermer boutique face à l'envolée des prix et à la baisse de la consommation de viande ces dernières années. En Haute-Vienne, sur 95 artisans, 8 ont mis la clé sous la porte ces douze derniers mois, dont 2 rien qu'à Limoges. En Creuse et en Corrèze, pas de fermeture ces derniers temps. Cependant, le président du syndicat des bouchers creusois, Nicolas Dubois, indique que "les seules fermetures dans le département ces dernières années sont dues à des départs en retraite... Des boutiques, qui n'ont pas été reprises".
De plus, les chefs d'entreprises peinent à recruter, comme le déplore Nicolas Dubois : "On les forme en apprentissage, et certains préfèrent s'installer sur la côte ou dans les grandes villes, où le salaire est plus attractif".
Des difficultés de recrutement dues aussi à la baisse du nombre d'apprentis. Par exemple, au CFA Le Moulin Rabaud de Limoges, ils étaient 95 apprentis en 2018. Ils ne sont plus que 76 cette année. Selon la Chambre des métiers et de l'artisanat de la Haute-Vienne, il reste encore plus de vingt places à pourvoir en apprentissage ou en reconversion.