Brasseries et distilleries du Limousin, le retour aux sources

Le Limousin était réputé pour ses brasseries et distilleries. Au XXe siècle, l'industrialisation a sonné le glas de la plupart de ces fabricants. Depuis quelques décennies, brasseurs et créateurs de spiritueux essaiment à nouveau sur ce territoire. Un magazine "Enquêtes de région" à consommer sans modération.

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La consommation d'alcool change en France : moins de vin rouge au profit du vin blanc, beaucoup plus de bières artisanales locales et un marché des spiritueux en pleine effervescence. Le magazine "Enquêtes de Région" analyse ces nouvelles habitudes. 

Parmi ces modes de consommation, le renouveau des brasseries et des distilleries. Dans l'Hexagone, 70% des bières consommées sont françaises. La Nouvelle-Aquitaine compte 260 brasseurs, dont 53 rien qu'en Limousin.

En Creuse, à quelques encablures de Guéret, Adeline et Toni brassent depuis trois ans leur propre bière biologique avec leur houblon, qu'ils cultivent eux-mêmes.

On n'est pas super nombreux à le faire. C'est notre taille, on a de petits volumes, qui permet de subvenir à nos besoins en houblon.

Toni Da Silva, brasseur "La Kreuze" (23)

L'or bleu qui fait la bière

L'eau pure, limpide, qui affleure le granit, fit le lit des premiers brasseurs du Limousin. Tradition remontant au XVIIIe siècle, l'intendant Turgot vit dans l'or bleu une opportunité économique pour les paysans pauvres.

Pour Adeline et Toni, l'aventure débute en 2020 dans un garage. L'eau de leur puits, du houblon, des céréales, de la levure... In fine, de la bière pour toute la famille, les amis, les voisins. L'affaire s'agrandit : 25 000 bouteilles par an aujourd'hui, mais ils restent une microbrasserie.

En fait, on a tout un écosystème autour de cette brasserie, qui fait qu'on ne peut pas évoluer davantage au niveau des quantités, par rapport au houblon et à l'écosystème brassicole qu'il y a autour de notre microbrasserie.

Adeline Beaujoin, brasseuse "La Kreuze" (23)

Limousin, une tradition brassicole

Au début du XXe, le Limousin compte une cinquantaine de brasseries. Un homme bedonnant, chope levée, emblème d'une bière qui marqua pour longtemps les esprits. La brasserie Mapataud, installée à Limoges, compta jusqu'à 200 ouvriers, irrigua tout le centre du pays jusqu'à Bordeaux et Toulouse. Mais avec l'industrialisation, le secteur périclite. Ce n'est qu'en 1987 qu'un certain Jean Michard renoue avec la tradition brassicole.

"Les bières françaises, il n'y en avait pas quand j'ai commencé à faire de la microbrasserie, se souvient Jean Michard, fondateur des bières Michard à Limoges. C'était surtout des groupes [industriels, NDLR] et le fait de commencer, cela a donné de l'intuition aux autres. Nous, si vous voulez, on a voulu essayer de faire des bières très digestes pour les gens."

Une qualité qui s'améliore

Le Limousin compte 53 brasseries artisanales et quelques bars proposent leurs produits. Des bières locales dont la qualité s'améliore, mais ce ne fut pas toujours le cas.

"Moi, j'ai connu les bières artisanales il y a six ans et demi, raconte Jeremy Fouré, gérant du bar Orge et Houblon à Limoges. On avait souvent des bières avec beaucoup de levures, qui étaient très troubles. On peut dire qu'il y avait presque à boire et à manger. Mais le niveau s'est nettement amélioré, il s'est élevé. Maintenant, on en vend sans problème."

Dans un rayon de 25 kilomètres autour d'Anzême, Adeline et Toni écoulent la production creusoise de leur microbrasserie. En vente directe ou dans des magasins spécialisés bio.

"En Creuse, il y a quand même une grande demande de consommer local et bio de surcroît, précise Paul-Loup Carré, du magasin Bio Creuse à Guéret. On est dans un berceau qui prône le local. Si on a du bio qui vient de l'autre bout du monde, cela ne sert plus à grand-chose."

Depuis quelques années, Julie a pris la succession de son père, Jean, à la tête de la brasserie Michard. Blonde, ambrée, blanche, bière saisonnière... Sa préoccupation principale : maintenir une qualité constante avec des levures maison.

"La plus grosse difficulté pour un brasseur, c'est la bactériologie. Parce que qui dit bactério, dit levure, dit production de CO2, production d'alcool... C'est vraiment la partie la plus complexe, souligne Julie Michard, dirigeante de la brasserie éponyme à Limoges. Pour tous les brasseurs, c'est la question première : la régularité du produit. On a toujours mis un point d'honneur à faire un produit extrêmement régulier. On a toujours privilégié la qualité à la quantité."

Des cuves de la brasserie, sortent chaque année 250 000 bouteilles de bière. Mais peut-on encore parler d'artisanat ?

On ne se reconnaît ni dans l'artisanat, ni dans l'industriel. On est tout simplement brasseur et je crois qu'il n'y a pas d'adjectif à rajouter à côté de brasseur.

Julie Michard

dirigeante de la brasserie Michard à Limoges

Des brasseurs qui, depuis longtemps, ont choisi un mode de distribution complémentaire, dans certaines grandes surfaces de Haute-Vienne.

"Il y a de plus en plus de gens qui demandent de la bière limousine, constate Marcel Rei, responsable du rayon des liquides au Centre Leclerc de Limoges. Ils veulent acheter local, faire découvrir chez eux à des personnes de passage ce que l'on sait faire en Limousin. Il n'y a pas que la viande rouge !"

Dans sa microbrasserie creusoise, après une formation de biérologue, Toni anime depuis deux ans des ateliers dégustation pour une approche plus sensorielle de la bière.

"On est dans une nation viticole, c'est notre tradition. La bière est aussi en train de glisser progressivement vers une forme de culture qui se développe en France. On découvre des associations incroyables avec des mets, s'enthousiasme Toni Da Silva, brasseur de La Kreuze. Si vous associez par exemple une rouge des Flandres, comme une duchesse de Bourgogne, à de la fourme d'Ambert, c'est incroyable."

Le Limousin, terre de distillation

Éric Vergne est un maître de l'alambic.

D'octobre au printemps, il va de communes en communes. Ce matin-là, à Sauviat-sur-Vige, en Haute-Vienne, un particulier lui a apporté 100 kilos de prunes ramassées dans son verger. Dix litres d'eau-de-vie seront fabriqués par ce bouilleur ambulant. Aujourd'hui, en Haute-Vienne, ils ne sont plus qu'une poignée à pratiquer ce métier en voie de disparition.

"J'ai une clientèle âgée quand même, qui garde la tradition de ramasser les fruits et d'en faire de l'eau-de-vie. Les jeunes en font de moins en moins, se désole Éric Vergne. Ils sont passés à autre chose. Ils n'ont plus le temps, ils courent et n'ont plus cette mentalité. Après, il faut avoir la démarche de venir ici, d'amener du bois. Ensuite, le résultat est bien. C'est excellent. C'est meilleur que les produits que l'on peut acheter dans le commerce." 

Voici un alchimiste des temps modernes. Après un tour du monde, depuis 2020, Laurent Mandon distille. Dans ses cuves de fermentation, des gins, des rhums, multirécompensés par des prix internationaux. Une reconnaissance de sa créativité.

"Dans ma démarche de créativité, le fait de transmettre à d'autres personnes qui le transmettent à leur tour à d'autres personnes, c'est satisfaisant, se réjouit Laurent Mandon, distillateur de French Booze Project en Haute-Vienne. C'est le but de la création, de l'art. Quelque part, s'il n'est pas partagé, s'il reste secret, il ne sert pas à grand-chose."

Création, fabrication, transmission, des alcools à consommer avec modération, mais la relève est assurée pour que la tradition perdure. Un retour aux sources...

durée de la vidéo : 00h10mn27s
Le Limousin était réputé pour ses brasseries et distilleries. Au XXe siècle, l'industrialisation a sonné le glas de la plupart de ces fabricants. Depuis quelques décennies, brasseurs et créateurs de spiritueux essaiment à nouveau sur ce territoire. Équipe : Martial Codet-Boisse, André Abalo, Jean-Claude Dyvrande, Lucas Poulain, Xavier Beaudlet. ©FTV

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