La hausse du prix des matières premières agricoles n'a pas fini de faire des ravages. Certains agriculteurs sont plus exposés. Les éleveurs de poules pondeuses prennent de plein fouet la hausse des céréales.
C'est une hausse jamais vue. 80 euros de plus par tonne. Sébastien Desaulières est éleveur de poules pondeuses bio à Saint-Martin-de-Jussac. Il payait 520 euros le mélange de céréales pour ses poules à la même période l'an passé. Un tarif passé à 600 euros la tonne et qui ne cesse de grimper.
"Au début je pensais que ça ne durerait pas. Il n'y a pas vraiment de pénurie. C'est simplement la spéculation sur les céréales qui fait bondir le prix. Mais je me suis trompé, le prix ne redescend pas".
Depuis le début de l'année, le blé a augmenté de 70%. Comme l'or ou l'immobilier c'est, en temps de crise, une valeur refuge. Sébastien se fournit chez Alicoop, une coopérative spécialisée dans l'aliment pour le bétail basée dans les Deux Sèvres. Elle s'approvisionne essentiellement dans le centre ouest de la France. Il n'y a donc pas de pénurie. C'est uniquement l'emballement des marchés et l'explosion du coût de l'énergie qui explique la flambée des prix.
"L'augmentation des cours se traduit par une hausse moyenne de 30 à 50 €/tonne sur les aliments soit 30% à 40% de la hausse des prix sur les marchés. Mais à moyen terme, une hausse plus importante est inévitable si les marchés restent à ce niveau de prix sachant qu’il faudra nous assurer en même temps des garanties d’approvisionnement" explique Laurent Stéfanini.
Pensant donc que la flambée des cours serait éphémère, Sébastien n'a pas complètement répercuté l'ampleur de la hausse sur ses clients.
Je n'ai augmenté le prix que de 2€ par œuf quand il aurait fallu que j'augmente de 5€ pour compenser la hausse. Et déjà, deux clients ont cessé de travailler avec moi.
Sébastien Desaulières, éleveur
Sébastien fournit restaurants, boulangeries, pâtisseries, grande distribution et épiceries. La hausse est plutôt bien tolérée par ceux qui revendent directement les œufs et qui la répercutent sur leurs clients. Par contre, ceux qui les transforment font un peu plus la grimace. Sébastien est donc dans l'incertitude. Comment tenir le rythme et continuer à se dégager un revenu décent si sa marge fond comme neige au soleil ?
"Si j'augmente mes prix, je vais encore perdre des clients. Actuellement je joue le rôle du fusible, j'absorbe 3 euros à ma charge. Je vais donc faire des sacrifices. J'avais prévu l'achat d'une machine qui ramasse des œufs. Cela ne se fera pas, d'autant plus que son prix a lui aussi explosé passant de 69 à 109 000 euros. Je voulais embaucher quelqu'un a mi-temps. Je ne vais pas pouvoir le faire" se désole l'éleveur.
Un désarroi perceptible et amplifié par le constat amer d'une régression. Les clients qui avaient fait l'effort ces dernières années de s'approvisionner en local et en bio se tournent à nouveau vers l'élevage conventionnel. Les poules pondeuses élevées en batteries et les ovo-produits prêts à l'emploi.
"Ceux qui me commandaient 200 œufs par semaines et qui n'en prennent plus que 90 tous les 15 jours, je sais très bien ce que ça veut dire..."
Nous sommes en bout de chaîne, derrière nous il y a le consommateur et si nous répercutons toutes les hausses, il ira acheter sa baguette et ses gâteaux chez Leclerc
Stéphane Colignon, président du syndicat des boulangers et pâtissiers de Haute-Vienne
Sébastien guette donc un peu fébrile l'indice Itavi qui fixe le prix des aliments. En croisant les doigts pour qu'il ne bondisse pas encore. "Si je dois augmenter le prix de l’œuf de 5 à 10 centimes, ça va devenir très compliqué."