Assises de la Haute-Vienne : réclusion criminelle à perpétuité pour Éric Talavéra

Éric Talavéra, 62 ans, était accusé d'avoir tenté d'assassiner son ex-compagne. Elle reste aujourd'hui lourdement handicapée. La Cour d'assises de la Haute-Vienne l'a condamné ce 13 octobre à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de 18 ans. Cette cinquième et dernière journée de procès a été marquée par le réquisitoire de l'avocat général et les plaidoiries des avocats de l'accusé et de la victime.

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Éric Talavéra, 62 ans, a été reconnu coupable de tentative d'assassinat à l'encontre de son ex-compagne, Marie-Hélène Michaud.

La victime avait été enlevée de nuit, frappée à plusieurs reprises, acculée à fuir pieds nus avant d'être rattrapée et exécutée d'une balle dans la tête. Puis, la croyant morte, Éric Talavéra l'avait abandonnée sur un chemin de terre. 

Pour ces faits, la Cour l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de 18 ans et 15 ans d'interdiction de port d'arme et de permis de chasse. L'état de récidive de l'accusé a bien évidemment agravé la sévérité du jury, ayant déjà été condamné à 15 ans de réclusion pour meurtre en 1991.

Après quatre ans d'instruction et cinq jours de procès, la condamnation d'Éric Talavera, qui a reconnu être l'auteur du tir qui a provoqué la lourde et irréversible infirmité de Marie-Hélène Michaud, était attendue.

Quatre questions pour les jurés

La Cour s'est retirée à 14h40. Les jurés ont dû se prononcer sur les questions suivantes :

Les faits commis peuvent-ils être qualifiés d'une tentative d'assassinat ? (meurtre avec préméditation)

Les faits peuvent-ils être qualifiés de meurtre ? (sans préméditation)

Les faits peuvent-ils être qualifiés de violences aggravées ayant entraîné des mutilation ou une infirmité ?

Ces violences ont-elles été faites avec une arme ou sous la menace d'une arme ?

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Eric Talavéra, accusé de tentative d'assassinat sur son ex-compagne, a été condamnée à la réclusion à perpétuité. ©Julien Boscq et Samuel Chassaigne

La réclusion criminelle à perpétuité requise par l'avocat général

Dans un implacable réquisitoire, l'avocat général a tenté de convaincre le jury que l'assassinat était caractérisé, qu'Éric Talavera avait volontairement donné la mort avec l'intention de la donner, et ce, avec détermination avant, au cours de la nuit, et après les tirs.

Je ne vous demande pas de rentrer dans la tête d'Eric Talavera, parce que j'ai des éléments objectifs et incontestables qui démontrent qu'il avait tout préparé.

Thomas Martine, avocat général

Thomas Martine précise que le crime est intervenu à un moment charnière de la relation, lorsque la victime mettait un terme à celle-ci. Une situation que n'a pas acceptée Éric Talavera.

La main courante déposée par Marie-Hélène Michaud au commissariat avant son départ en vacances en famille rapporte déjà les violences physiques reçues, les coups violents portés, la tentative d'étranglement avec un coussin sur la tête pour l'empêcher de crier et la menace d'un coup de casque de moto.

Pour l'avocat général, un cap avait été franchi. Éric Talavera avait installé la peur, ce que confirme le flot de SMS et de mails adressés ensuite à la victime pendant sa semaine de vacances.

Pour l'avocat général, les faits étaient prémédités

La préméditation a commencé lorsqu'il a quitté précipitamment Béziers, où il allait déjeuner avec une nouvelle rencontre, pour remonter vers Limoges, avec deux crochets très rapides. Le premier pour déposer une remorque chez un ami, le second chez son ex-compagne pour prendre le revolver à 22 long rifle.

La préméditation se poursuit quand Éric Talavéra attend au domicile de la victime le soir de cette journée du 30 juin quand elle revient de sa semaine de vacances.

La caméra de la résidence le filme aux abords, puis se présentant une première fois à la porte, ressortant, y revenant une seconde fois, puis attendant que Madame Michaud soit rentrée dans son appartement pour s'y présenter une troisième fois. Pour l'avocat général, Eric Talavéra voulait créer un effet de surprise, il ne l'avait pas avertie de sa venue.

Préméditation aussi, quand l'accusé transporte la victime dans le coffre de sa voiture, alors qu'elle est déjà blessée par les coups violents qu'elle a déjà reçus, puisque des traces de sang ont été retrouvées dans le coffre.

Préméditation encore par le fait de conduire la victime au bout d'un chemin de terre, sans issue, de nuit, comme une destination finale.

Préméditation toujours lorsqu'Éric Talavéra prend le téléphone de Marie-Hélène Michaud et envoie un texto à sa fille pour lui dire qu'elle ne doit pas s'inquiéter, qu'ils sont tous deux partis et que sa mère ne peut pas lui parler car elle conduit.

Préméditation enfin, quand l'accusé utilise la carte bancaire de sa victime dans la journée du 1er juillet 2019, comme pour s'assurer qu'il aura les moyens de partir en cavale. Éric Talavéra revient aussi chez lui "pour mettre ses affaires en ordre", dira-t-il aux policiers, avant de promettre de se rendre, ce qu'il ne fera pas, puisqu'il sera interpellé à nouveau près du domicile de Marie-Hélène Michaud.

Un tir intentionnel de la part d'un "dominant manipulateur"

Quant au tir ayant frappé Marie-Hélène Michaud en pleine tête, pour l'avocat général on ne peut nullement parler d'un tir accidentel. Pour lui, même si les experts en balistique déclarent que la situation du tir accidentel était compatible avec les constatations, il rappelle que d'autres options le sont aussi.

Thomas Martine confirme également ce qu'avait plaidé l'avocat de la victime : Éric Talavéra choisissait des femmes fortes, belles, indépendantes. Il se greffait à leur vie jusqu'à les envahir, avant de rentrer dans un processus d'emprise psychologique, puis physique, et de vouloir les tuer.

« Éric Talavera est un dominant, manipulateur avec ses proches, comme avec la justice. Ce qui est arrivé à Marie-Hélène Michaud aurait pu arriver à n'importe quelle autre femme à laquelle il se serait attaché », a-t-il affirmé.

Pour l'avocat général, seule la réclusion criminelle à perpétuité peut mettre la société à l'abri de la dangerosité d'Éric Talavéra.

L'accusé représentera un danger, tant qu'il aura la force de tenir une arme dans les mains.

Thomas Martine, avocat général

L'avocate de la victime a rappelé que 122 femmes ont été tuées par leur compagnon ou leur ex-compagnon en 2021. Cette année, le décompte en est à 102 féminicides, un fléau pour la société.

Passer du surnom "mon diamant" à une balle dans la tête

Maître Marie Golfier-Rouy a voulu démontrer que l'accusé cochait toutes les cases de l'homme violent dans une relation conjugale quand on passe de "mon soleil"  ou "mon diamant" à une balle dans la tête. On retrouve toujours le même processus graduel, par petites touches :  les premières remarques, puis l'emprise psychologique qui s'installe, puis les insultes, puis les coups avec la vérité qu'on retourne "je ne t'ai pas poussée, tu es tombée"  jusqu'à la rupture qui n'est pas acceptée. 

Alors vient le meurtre d'anéantissement, la volonté de détruire la vie de la personne, puis la volonté de la tuer.

Marie Golfier-Rouy, avocate de la victime

 "Marie-Hélène Michaud était épanouie, indépendante, elle était cadre et dirigeait une équipe de 20 personnes, était propriétaire de sa maison, elle avait une famille, partait en voyage", ajoute l'avocate, tout ce que n'avait pas Eric Talavéra, lui le repris de justice aux maintes condamnations. Elle reprend les dépositions des témoins : "pour lui, c'était trop beau pour être vrai."

La rupture, c'est le moment le plus dangereux dans la vie d'une femme.

Marie Golfier-Rouy, avocate de la victime

Pas de volonté de tuer selon l'avocat de l'accusé

Maître Jean-Christophe Romand, l'avocat de l'accusé, a quant à lui demandé aux jurés de revenir à la mission qu'il leur était impartie : juger d'abord des faits avant de juger l'homme.

Pour lui, son client est certes coupable d'avoir tiré, mais son intention n'était que de faire croire à sa victime qu'elle pouvait mourir. Certes, il avait fait déjà fait la même chose à trois autres reprises : sur sa première compagne il y a 30 ans, sur un homme dans une boite de nuit, et sur Marie-Hélène Michaud,  en retenant son geste de la frapper avec son casque de moto une semaine avant le drame. Chaque fois, bien que visant sa victime, il tirait finalement à côté.

Pour Maître Jean-Christophe Romand, ni l'avocat général, ni la Cour n'ont la preuve que Éric Talavera voulait tuer Marie-Hélène Michaud.

Il a plaidé, en vain, que seule la qualification de violences aggravées avec arme ayant conduit à des mutilations ou une infirmité pouvait être retenue dans ce procès.

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