CBD : consommation légale... mais pas au volant !

Les citoyens ne le savent pas forcément et ils peuvent en faire la triste expérience lors d'un contrôle routier : leur consommation de CBD peut leur être reprochée au volant et les conduire devant le tribunal correctionnel. C'était le cas pour deux automobilistes ce jeudi matin, ils comparaissaient pour usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants.

Le 8 novembre 2021 à 15H00, l'escadron départemental de la sécurité routière de Feytiat installe un contrôle routier, avec dépistage d'imprégnation alcoolique et d'usage de stupéfiants.

Parmi les automobilistes arrêtés, l'un d'eux présente un test salivaire positif à un usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. L'usage de cannabis entre dans cette catégorie. Or, ce conducteur n'a pas fumé de cannabis. D'ailleurs, à la question du gendarme avant le test salivaire "avez-vous consommé des stupéfiants ?" il avait répondu spontanément et sereinement "non, je ne consomme aucun stupéfiant, la seule chose que je prends, c'est du CBD".

Sauf qu'à sa stupéfaction, la gendarmerie procède à l'immobilisation de son véhicule, ce qui ne manque pas de lui créer un premier préjudice puisqu'il l'utilisait alors à des fins professionnelles. Il a ensuite fait l’objet d’une rétention puis d’une suspension administrative de son permis de conduire pour une durée de 6 mois. 


Puis, en dépit du fait qu’il contestait l’infraction qui lui était reprochée et s’en était largement expliqué dans son audition le 26 novembre, une ordonnance pénale lui est notifiée le 18 janvier 2022, par laquelle le Juge délégué du Tribunal Judiciaire le déclare coupable et le condamne à suivre dans les six mois, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Il est également condamné à une peine de suspension de son permis de conduire pour six mois, couvrant ainsi la suspension administrative.

Contestant cette culpabilité et la sanction prononcée, le conducteur a fait opposition et se retrouve ainsi à s'expliquer devant le juge correctionnel ce jeudi 6 octobre.

Je suis consterné de me retrouver pour la première fois de ma vie devant le tribunal, à avoir une inscription à mon casier judiciaire, alors que je suis chef d'entreprise, que je sensibilise mes jeunes salariés et apprentis aux dégâts de la consommation de cannabis et de me retrouver moi-même considéré comme tel alors que le CBD est légal

Un conducteur consommateur de CBD

C'est la seconde affaire de cette audience correctionnelle du 6 octobre à la cité judiciaire de Limoges. Une jeune conductrice comparait également pour des faits identiques.

Lors des débats de ces deux affaires, le Parquet rappelle que même si les produits consommés peuvent en effet l'être en toute légalité, le code pénal et le code de la route n'ont pas prévu, contrairement au taux d'alcoolémie, de taux entrainant ou pas la constatation d'une infraction.  Il y a donc infraction dès lors qu'un consommateur de CBD prend le volant.

Je suis reconnue coupable et je trouve ça totalement injuste alors que jamais je n'ai reçu cette information comme quoi le code pénal assimilait le CBD à un stupéfiant ! Au contraire, on dit partout que justement, ce n'est pas la même chose que le cannabis !

Une conductrice consommatrice de CBD

L'évolution de la législation 

Depuis 2019, le gouvernement interdisait la vente de CBD sous forme de fleurs ou de feuilles. Cette même règlementation autorisait pourtant l’utilisation d’une variété de la plante de chanvre (cannabis sativa L) à des fins industrielles.

L’État est néanmoins revenu sur cet arrêté après une décision dite KANAPAVE (du nom de la marque française commercialisant des cartouches de vapotage au CBD) de la Cour de Justice de l’Union européenne du 19 novembre 2020.


Dans cette décision, la CJUE statue en faveur d'un établissement de vente de solutions de vapotage CBD, à l'occasion d'un contentieux qui oppose la boutique à l’État français. Elle considère alors que seuls les produits pouvant créer un risque pour la santé publique sont susceptibles d’être classés comme stupéfiants, estimant que ce n'est pas le cas du cannabidiol extrait de la plante de cannabis.

La Cour de cassation s’aligne sur cette interprétation en 2021 et l’applique aux fleurs de cannabis issues de variétés faiblement dosées en THC.

Des travaux interministériels sont alors engagés pour modifier la règlementation française, afin de la rendre conforme au droit de l’Union européenne (UE).

Le 30 décembre 2021, un nouveau cadre légal est mis en place sur le CBD, par arrêté ministériel, interdisant purement et simplement “la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes [de chanvre] sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation.

Après quelques semaines, ce cadre connait des modifications suite à une décision du 24 janvier 2022 du Conseil d’Etat  qui suspend cette interdiction. Celle-ci apparait disproportionnée et créant de fait un doute quant à la légalité des produits CBD.

La décision au fond du Conseil d’Etat n’est pas intervenue à ce jour.

Une consommation de CBD légale... mais pas au volant

S’agissant plus spécifiquement de l’infraction de conduite après avoir fait usage de stupéfiants, il résulte des dispositions de l’article L 235-1 alinéa 1 du Code de la route que « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende..(…) »

La présence de stupéfiants dans l’organisme est, notamment, révélée par la présence de THC, principale molécule active du cannabis. Il est ainsi interdit de conduire après avoir consommé du cannabis car, selon les scientifiques, le THC peut avoir des conséquences néfastes sur la santé à long terme et a un effet psychotrope. 

S’agissant de la consommation du cannabidiol, communément appelé CBD, celle-ci est légale en France dès lors que la plante utilisée présente un taux de THC inférieur à 0.3%.

Or, de nombreux conducteurs sont poursuivis en justice pour conduite en ayant fait usage de stupéfiant, alors même qu’ils n’avaient consommé que du CBD par le biais d’un produit comportant un taux de THC inférieur à 0,3 %, ce taux relevé depuis le 30 décembre 2021, il était jusque là de 0,2%.

Ces consommateurs de CBD ont en effet vu le test salivaire qui leur était présenté réagir positivement alors même que le produit qu’ils avaient consommé contenait un taux de THC inférieur à la limite légale soit 0,3 %.

Cela est lié au fait que le Code de la route ne distingue aucun taux en matière de conduite après usage de stupéfiants contrairement à la consommation d’alcool au volant, de sorte que les tests salivaires réagissent à n’importe quel taux de THC, même inférieur à 0,3%.

Les citoyens se retrouvent donc face à un flou juridique, où la vente d’un produit à base de CBD est légale si le produit contient un taux de THC inférieur à 0,3% mais où le consommateur de ce même produit est passible de poursuites s’il est contrôlé au volant après avoir consommé ledit produit

Compte-tenu du cadre légal de cette vente et cette consommation, les consommateurs se retrouvent dans une incompréhension totale, sans information préalable, et il y a en réalité une certaine hypocrisie des pouvoirs publics

Juliette Magne-Gandois, avocate au barreau de Limoges

L'avocate du conducteur poursuivi a plaidé sa bonne foi et sa relaxe, en produisant la facture d’achat du produit à base de CBD qu’il a consommé le jour des faits ainsi que la fiche technique du produit qui lui a été remise par la buraliste le jour de l’achat, justifiant ainsi de la présence infinitésimale de THC dans le produit acquis. Elle a également produit une analyse sanguine de son client effectuée très peu de temps après les faits, qui s'est révélée négative aux molécules cannabinoïdes, ainsi qu'un constat d’huissier qu’il a fait pratiquer sur le produit consommé et qui révélait en effet un test salivaire positif,  des pièces qui n'ont cependant pas été regardées par la magistrate à l'audience correctionnelle de ce jeudi 6 octobre 2022.

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