Un collectif de journalistes publie une charte pour "améliorer la médiatisation" des sujets en lien avec le climat. 500 journalistes ont déjà signé la charte. En Limousin, territoire où le réchauffement climatique s’est invité dans l’actualité tout au long de l’été, qu’elle résonnance prend cette charte ?
Sécheresse, incendies, canicule… l’été 2022 a été marqué par des évènements météorologiques intenses. Presse écrite, radio, télévision, web, tous les médias se sont emparés de ces sujets, mais en leur accordant quel traitement ? C’est ce que questionne aujourd’hui un collectif de journalistes en publiant une charte pour "un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique".
"Dans son sixième rapport, le Giec insiste sur le rôle crucial des médias pour cadrer et transmettre les informations sur le changement climatique. Il appartient à l’ensemble des journalistes d’être à la hauteur du défi que représente l’emballement du climat pour les générations actuelles et à venir", précise la charte.
Informer "mieux et davantage" sur l'environnement
Rendue publique ce mercredi 14 septembre, cette charte apporte en 13 points une "ligne directrice" aux médias.
Les questions de sécheresse, de conséquences de la sécheresse, pour un territoire comme le nôtre, notamment pour l’agriculture, ça a toujours été là. Maintenant il faut les penser si ce n’est différemment, de manière plus présente, plus concernante.
Jérôme Edant, Rédacteur en chef de France Bleu Limousin
"Faire preuve de pédagogie", "s’interroger sur le lexique et les images utilisées" ou encore "élargir le traitement des enjeux", l’objectif de la charte, "modifier notre façon de travailler pour intégrer pleinement cet enjeu dans le traitement de l’information".
"Les enjeux climatiques s’imposent bien évidemment dans notre ligne éditoriale. Notre rôle c’est d’expliquer à nos téléspectateurs ce qu’il se passe, pourquoi ça se produit et qu'elles sont les conséquences. Nous ne sommes pas là pour culpabiliser les gens, les moraliser, mais pour leur donner des éléments qui vont nourrir une réflexion. Charge ensuite à eux de se faire leur propre opinion et de se forger une conviction de citoyen", réagit Henri Mariani, rédacteur en chef de France 3 Limousin.
Avant d'ajouter, "il faut rester objectif, mesurer et garder de la distance et du sang-froid. On ne peut pas consacrer l'intégralité de nos journaux à ces sujets et mettre de côté le reste de l'actualité".
"Apporter des solutions"
L'une des préconisations de la charte, "informer sur les réponses à la crise" en questionnant les solutions présentées. "Bien sûr qu’on a vocation à amener et écouter des solutions, c’est un axe dans lequel est beaucoup France Bleu. Je pense que c’est un axe parmi d’autres, ça fait partie de ce qu’on doit pouvoir amener sur la table et proposer dans un débat public qui désormais s’impose sur ces questions-là", commente Jérôme Edant.
Au sein de France Télévisions les évolutions sur le traitement de ces sujets se traduisent également localement. "France 3 en Nouvelle-Aquitaine a été novateur sur ce domaine. Nous avons une émission qui s’appelle "Se Réinventer en Nouvelle-Aquitaine", qui est une émission de constats et de solutions. Les équipes vont à la rencontre de chefs d’entreprises, particuliers qui tentent de mettre en œuvre des solutions. Ce qu'il faut bien comprendre en revanche, c'est que l'objet de l'émission ça n’est pas servir une solution au téléspectateur, c’est lui montrer par l’exemple que les solutions existent. Je dirais plutôt que c’est un journalisme qui montre les solutions", détaille Henri Mariani.
Un engagement environnemental au sein des rédactions
Amener des solutions sans apporter un regard "moralisateur et anxiogène" c'est tout l'enjeu qui anime les médias actuellement.
Une étude "Viavoice", réalisée en octobre 2021 pour les Assises internationale du journalisme - en partenariat avec France Télévisions, France Médias Monde, Le Journal du Dimanche et Radio France – révèle en effet que les Français qualifient en majorité le traitement médiatique du changement climatique "d'anxiogène", "catastrophique" et "moralisant".
"Il y a beaucoup de sujets dans les médias qui sont démoralisants, ça interpelle les gens dans leur habitude, dans leur quotidien. C’est certain que si on prend par exemple les évènements qu’on a eu cet été, les incendies, l’eau qui ne coule plus au robinet de certains habitants de la Corrèze, c’est anxiogène.
Maintenant c’est une réalité, à nous d’expliquer pourquoi, comment on peut y remédier, ouvrir peut être en effet sur des sujets qui aillent au-delà du simple constat, et voir comment on peut s’adapter à cela où comment on peut faire varier les choses sans donner de leçon mais en donnant des éventuelles pistes et solutions à tout cela", répond le rédacteur en chef de France Bleu Limousin.
Un engagement que Radio France a adopté le 30 août dernier, en prenant un "tournant environnemental".
Axé sur la crise climatique, cet engagement apporte une nouvelle ligne directrice aux radios du groupe Radio France. "Dans ce tournant il y a à la fois des engagements d’entreprise, qui concernent notamment la consommation énergétique, mais il y a aussi un engagement éditorial qui est justement de faire transpirer ces questions de climat. C’est extrêmement important pour coller à cette réalité qui va rythmer nos vies si rien n’est fait et pour coller aux centres d’intérêts de nos auditeurs", exprime Jérôme Edant.
Des engagement pris également au sein de France Télévision : "Lors des réunions et des séminaires, il y a régulièrement des scientifiques qui viennent expliquer les enjeux et dans quel ère nous basculons. On est sur la même ligne que Radio France", précise Henri Mariani.
Je me souviens encore de la canicule de 2002. A l'époque les médias ne traitaient que le factuel, peu traitaient la cause, alors qu’on était déjà aux portes de ce que l’on a connu. On sent qu’aujourd’hui on a tout de même beaucoup progressé sur le sujet.
Henri Mariani, rédacteur en chef de France 3 Limousin
En cette période de rentrée plusieurs de nos émission s'emparent de ce sujet comme notre prochain numéro d'Enquête de région qui s'intéressera à la crise énergétique ou encore notre émission Dimanche en Politique qui s'est intéressé dimanche 11 septembre à la sécheresse et la préservation des ressources en eau.
Le Populaire du centre, de son côté, ne prend pas position sur le sujet, mais il évoque une réflexion en cours pour adopter une charte en interne.