Colère des agriculteurs et Mercosur : peut-on se passer d'échanges commerciaux avec les pays d'Amérique du Sud ?

L’accord entre l'Union européenne et le Mercosur est au cœur de la colère des agriculteurs. Ces derniers dénoncent, entre autres, une concurrence déloyale sur leurs produits. Pourtant, il existe déjà des échanges commerciaux entre la France et l’Amérique latine. Est-il possible de se passer du commerce entre ces états ? Tour d'horizon des points de vue.

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Le Mercosur est aujourd’hui au cœur des crispations. Les agriculteurs, toutes organisations professionnelles confondues, s’y opposent et pointent du doigt une concurrence déloyale sur leurs produits alimentaires.

Le monde politique s’accorde également sur l'opposition à ce traité. Le président Emmanuel Macron a même publié, ce mardi 19 novembre, au lendemain du début de la contestation paysanne, un message sur le réseau social X pour exprimer, lui aussi, son désaccord : "J’ai toujours protégé nos agriculteurs. Sur l’accord UE-Mercosur, nous sommes fermes et clairs : nous avons une agriculture de qualité qui a fait beaucoup d’efforts. Comme beaucoup d’autres Européens, nous souhaitons la préserver."

En parallèle, le gouvernement a proposé un débat suivi d’un vote à l’Assemblée nationale sur l’accord de libre-échange. Il se tiendra le 26 novembre. De leur côté, les départements de France ont fait savoir, par un communiqué ce mardi, qu’ils s’opposent au Mercosur.

Pourtant, il existe déjà des échanges avec les pays concernés en Amérique du Sud, ce qui explique que chaque partie n’a pas le même regard sur les solutions à apporter.

Le commerce France-Amérique latine existe déjà

En moyenne, 2 354 000 tonnes de soja sont exportées vers la France chaque année sur la période 2012-2021, relève le site du ministère de l'Écologie. 65% des importations françaises de soja sont réalisées avec le Brésil, selon les données du ministère.

Nos importations en provenance d’Amérique latine se composent, pour l’essentiel, de produits agricoles et agroalimentaires, de métaux et de produits minéraux, indique le ministère des Affaires étrangères.

Du côté des exportations, la France figure parmi les premiers investisseurs étrangers dans de nombreux pays de la région : toutes ses grandes entreprises sont présentes en Amérique latine, dans les domaines de l’infrastructure, de l’énergie ou de la défense. La France occupe, au Brésil, la quatrième place des pays investisseurs.

"Repartir de zéro", pour Jean-Baptiste Moreau

"Il faut repartir de zéro", estime Jean-Baptiste Moreau. Selon l’ancien député de la République en Marche, il n’est pas question de refuser les échanges avec les pays du Mercosur mais il faut réécrire entièrement un traité qui date de 2006 : "Le contexte mondial est différent. C’est illusoire de penser qu’on peut l’ajuster. Il faut reprendre les négociations à zéro. (…) On ne résout rien avec un traité déséquilibré."

Continuer à commercer avec les pays d’Amérique latine est indispensable pour le lobbyiste qui est également ancien agriculteur creusois.

On importe du Brésil des tourteaux de soja pour les vaches laitières et allaitantes. L’agriculture a besoin d’échanger avec d’autres continents, mais à la condition de ne pas faire de dumping. Il faut un peu de cohérence dans les discours. Qu’on n’impose pas à notre agriculture des normes et pas aux autres.

Jean-Bapstiste Moreau

Agriculteur et lobbyiste creusois

Pour la FNSEA, commercer oui, mais "de manière loyale"

Du côté de la FNSEA, syndicat majoritaire dans la profession agricole, même son de cloche. L’organisation professionnelle est à l’initiative de la mobilisation des agriculteurs démarrée le 18 novembre contre le Mercosur. Son président, Arnaud Rousseau, expliquait, sur le plateau de C à Vous que ce n’est pas le commerce qui est remis en cause avec les pays du Mercosur, mais il faut "le faire de manière loyale."  

"La France agricole a besoin de continuer à commercer.  (…) On a déjà, indépendamment du Mercosur, du commerce qui se fait dans ces territoires-là. L’Europe nous impose des conditions de productions qui figurent parmi les plus élevées des standards internationaux. (...) Ces standards doivent s’imposer aux importations. Or, aujourd’hui, le doute sérieux existe. Le sujet de fond pour nous est la qualité et la réciprocité."

En Haute-Vienne, "si on veut produire des tourteaux, qu’on en fasse nous-même"

Une position pas si évidente sur le terrain, même dans les rangs de la FDSEA. Interrogé sur les échanges commerciaux qui existent déjà avec les pays du Mercosur et sur le risque d’un blocage total du traité, Boris Bulan, le président du syndicat en Haute-Vienne, estime que "si on veut produire des tourteaux, qu’on en fasse nous-même. Ça a toujours été comme ça dans nos fermes."

Pour le président de la Chambre d’agriculture de la Haute-Vienne, Bertrand Venteau, membre de la Coordination rurale, il est possible de poursuivre les échanges tout en s’opposant à l’entrée de la viande bovine en provenance des pays du Mercosur dans l’UE.

C’est une volonté politique. La viande bovine de là-bas on n’en veux pas. Quand on a du courage politique on dit : "la viande bovine on n’en veut pas."

Bertrand Venteau

Président (CR) de la Chambre d'agriculture de la Haute-Vienne

La Confédération paysanne "n’en veut pas du tout"

Pour ce qui est de la Confédération paysanne, le syndicat s’oppose, lui aussi, au Mercosur, mais pas seulement. L’organisation professionnelle rejette l’ensemble des traités de libre-échange. "À la différence de nos collègues, on ne découvre pas le problème. On ne focalise pas que sur le Mercosur. Ces traités, on n’en veut pas du tout. On défend la souveraineté alimentaire, la capacité du pays à produire sa propre alimentation", précise Philippe Babaudou, un des deux porte-parole de la Confédération paysanne de la Haute-Vienne.

On ne veut pas interdire le commerce, mais faire en sorte que le commerce des produits agricoles ne serve pas de monnaie d’échanges.

Philippe Babaudou

Porte-parole de la Confédération paysanne

"Les groupes du centre et de la droite souhaitent ces accords avec certaines conditions. Nous, à gauche, on rejette cet accord, peu importe les conditions", explique Manon Meunier.

La députée de la Haute-Vienne siège, à l'Assemblée, à la commission des affaires économiques. "L’agriculture a très gros à perdre dans cet accord. Aujourd'uhi, on s’en sort très bien sans ! L’agriculture n’a pas besoin de ça. Nous, on propose au contraire d’entrer dans une logique où l’on créé des débouchés dans notre agriculture en France."

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