Le docteur Dominique Cailloce est responsable du SAMU 87 depuis une quinzaine d'années à Limoges. Pendant cette crise du Coronavirus, il nous livre régulièrement son ressenti, et nous raconte comment son équipe et le personnel du CHU gèrent cette situation d’urgence inédite.
Le Dr Dominique Cailloce nous avait livré son premier témoignage le samedi 21 mars, six jours après le début du confinement, et alors que les urgentistes et tout le personnel soignant du CHU se préparaient à « affronter la vague ».
Pas une vague, mais une marée montante
Dix jours plus tard, qu’en est-il ? La fameuse vague annoncée est-elle arrivée ? Dominique Cailloce joue de la métaphore :
Les équipes du Samu sont prêtes. Elles se sont réorganisées de façon à intégrer les étudiants en médecine faisant partie de la réserve sanitaire. Ils prennent désormais en charge tous les appels liés au Covid 19. Un renfort bienvenu pour les équipes de régulation.Je dirais que ce n’est pas une vague mais une marée montante dont on ne connaît pas le coefficient. Une vague peut déborder, pour l’instant ce n’est pas le cas. Mais la situation peut évoluer dans deux jours…
Le Covid s’installe en routine dans notre quotidien. Le rythme est pris. Ce qui était exceptionnel devient naturel. Mais on reste malgré tout vigilants, il ne faut surtout pas baisser la garde sur les mesures d’hygiène. Le personnel de santé doit à tout prix éviter d’être infecté, on a besoin de tout le monde.
Des urgences presque désertées
En pleine crise sanitaire, un constat laisse perplexe notre urgentiste : le nombre de patients admis aux urgences est deux fois moins important qu’en temps normal.
A ce jour, selon le Dr Cailloce, « la plupart » des patients qui sont pris en charge aux urgences de Limoges sont des cas de Covid 19.Il y a deux explications possibles : soit ce sont les gens qui venaient habituellement aux urgences sans en avoir réellement besoin qui ne viennent plus, soit ce sont des personnes qui sont vraiment malades et qui ont peur de se rendre en milieu hospitalier et être infectés. J’espère que c’est la première explication… Car, certes il y a moins de traumatologie, d’accidents de la route… Mais les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus du myocarde, il y en a toujours…
Notre part dans la solidarité nationale
Ces derniers jours, le CHU de Limoges et les équipes du Samu ont été mobilisées autour d’une opération particulièrement délicate : le transfert par hélicoptère de six patients de Colmar à Limoges. Le Dr Cailloce s’est rendu sur place pour coordonner les opérations.
Quant à la question de savoir s’il faut accueillir des patients venus de l’extérieur, au risque de mobiliser des places pour de futurs malades limousins, le Dr Cailloce est très clair :Il y avait une forte tension. C’est une opération très compliquée, qui a mobilisé une vingtaine de personnes au SMUR, du médecin transporteur à l’infirmier anesthésiste, en passant par les personnels chargés de l’accueil à l’aéroport. Il faut être très vigilants, car on arrive dans une structure complètement débordée et il faut organiser un transfert, une opération particulièrement délicate.
L’urgentiste souligne toutefois que « nos structures hospitalières sont dimensionnées pour la population du Limousin ». Sous-entendu : nos capacités pour participer à la solidarité nationale seront limitées.Il n’y a aucune discussion à avoir. Nous avons participé à la solidarité nationale parce que nous pouvons le faire. Si demain nous en avons besoin, nous serons bien contents que d’autres régions accueillent nos malades.
Attention aux dommages collatéraux
Le Dr Cailloce le dit lui-même : il vit et dort aujourd’hui avec le Covid. Et pourtant, ses préoccupations ne sont pas exclusivement d’ordre sanitaire. Spontanément, le médecin nous a fait part de ses inquiétudes liées au confinement :
Malgré tout, l’urgentiste clôt notre entretien sur une note positive :Etrangement, en ce moment, il y a très peu de personnes hospitalisées pour des violences conjugales ou maltraitance d’enfants. Et pourtant on sait que le confinement favorise ces comportements. Mais les vecteurs d’alerte sont aussi beaucoup moins nombreux : les travailleurs sociaux, les médecins de PMI, les enseignants… tous sont confinés. Le silence des appartements ne doit pas couvrir ce qui se passe chez les gens. C’est un sujet d’inquiétude pour moi.
Si j’ai autre chose à dire ? Les fleurs s’ouvrent dans mon jardin ! C’est le signe que la vie continue…