En Limousin, les subventions de la Politique Agricole Commune (PAC) sont vitales pour les agriculteurs mais aussi pour toutes les zones rurales de notre région.
En Limousin, la très grande majorité des agriculteurs sont des éleveurs de bovins pour la viande.
C’est l’une des professions agricoles les moins rémunératrices. C’est aussi l’une des plus dépendantes des aides de la PAC, la politique Agricole Commune de l’Union Européenne.
L’année dernière, l’Union Européenne a versé 332 millions d'€ à 10 400 agriculteurs en Limousin.
Pour beaucoup d’éleveurs de la région, le montant des aides européennes est supérieur au revenu dégagé par la vente de leurs produits.
Autrement dit, sans la PAC, la majorité des exploitations agricoles du Limousin mettraient la clé sous la porte transformant en déserts des pans entiers du territoire régional.
A chaque étape de leur activité, ou presque, les agriculteurs perçoivent une aide spécifique de l’Union Européenne. La liste est longue et les modalités complexes.
Des aides nombreuses, complexes, mais vitales
A Vigeville, en Creuse, Sébastien a le profil typique de l’éleveur Limousin : il élève une centaine de broutards dans son exploitation de 127 hectares :
. En 2006 il a reçu une aide pour l’installation des jeunes agriculteurs assortie d’un prêt à 1% pour pouvoir investir.
. Puis il a reçu une aide pour construire un bâtiment agricole.
. Depuis, il perçoit un paiement de base calculé sur le nombre d’hectares exploités.
. Sébastien s’est engagé à respecter plusieurs « bonnes pratiques » environnementales : il touche une subvention pour cela, le paiement vert, et une autre, l’ICHN (Indemnité Compensatoire de Handicap Naturel) pour compenser la difficulté de maintenir une activité agricole dans notre région semi-montagneuse.
. Pour chaque tête de bétail il touche une aide couplée à la production, et une autre pour chaque parcelle de légumineuses qu’il cultive lui-même pour nourrir son bétail.
. Quand sa mère a ouvert des chambres d’hôtes dans la ferme l’Union Européenne a participé au financement des travaux.
. Enfin, depuis que Sébastien s’est converti au bio, il touche une aide à la conversion, qui sera prolongée par une aide au maintien s’il persiste dans cette voie.
Des retards de paiement qui pénalisent les agriculteurs bio français
Mais cette dépendance des éleveurs limousins aux aides du contribuable européen a une contrepartie : l’engagement de produire une viande de qualité à un prix acceptable pour le consommateur européen.
Une dépendance d’autant plus difficile pour ceux qui ont choisi l’agriculture biologique. Depuis 2016 l’administration française accumule les retards pour payer les aides européennes destinées à encourager le bio.
Mathieu est agriculteur bio à Lussat en Creuse. Il a touché ses aides pour le bio des années 2016, 2017 et 2018 il y a seulement quelques semaines.
Pendant trois ans, les retards de paiement l’ont privé de 28 000 € dans sa trésorerie et il lui manque encore 5 000 € à percevoir. Il n’a pas pu investir dans son exploitation et il a dû rassurer constamment son banquier.
Ces retards de paiement aux agriculteurs qui ont choisi le bio ne sont pas le fait de l’Union Européenne puisque cette pratique agricole est encouragée par la PAC. Ils sont dus en grande partie à une défaillance persistante de la France, en l’occurrence les services de l’Agence de Services et de Paiement dont le siège est à Limoges.
Une future PAC contestée, re-nationalisée et amputée d'une partie de son budget
Pour l’ancien député européen Jean-Paul Denanot cette discrimination est inacceptable et de mauvaise augure.
La future Politique Agricole Commune négociée en ce moment à Bruxelles pour la période 2021-2027 devrait renforcer encore plus la latitude de chaque état membre pour fixer les règles. Une véritable re-nationalisation de la PAC que craint l’ancien spécialiste des affaires agricoles au Parlement Européen.
Autre sujet d’inquiétude : les conséquences des accords commerciaux bilatéraux négociés par la Commission Européenne : ils pourraient ouvrir la porte à des importations massives de viande bovine canadienne, américaine ou sud-américaine en Europe menaçant l’activité et la survie des éleveurs limousins.
L’existence même de la PAC n’est pas gravée dans le marbre. Certains pays du nord de l’Europe ne verraient pas forcément sa disparition d’un mauvais œil. Son prochain budget devrait être diminué de 15%.