Des drones capables d’éteindre des flammes, un robot qui se rend dans les zones trop dangereuses, une lance très haute pression qui consomme quatre à cinq fois moins d’eau qu’une lance classique : ces innovations créées à La Rochelle et testées en Corrèze sont les armes de demain pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique.

Le mardi 2 mai 2023, vers 21 h 30, le centre de commandement des pompiers de la Dordogne reçoit une alerte : une colonne de fumée vient d’être aperçue au-dessus de la forêt de la Double. Non pas par un être humain… mais par une caméra de vidéosurveillance installée en haut d’un pylône à plusieurs kilomètres de là, en Charente-Maritime. La détection précoce de l’incendie a permis d’éviter le pire : seulement dix hectares de forêt brûlés cette nuit-là.

Ainsi pourrait-on résumer tout l’enjeu des nouvelles technologies dans la lutte contre les feux de forêt : aider les pompiers à limiter la propagation des incendies dans les toutes premières minutes, avant qu’ils ne se transforment en mégafeux incontrôlables. 

À une centaine de kilomètres à l’est, des drones survolent le causse corrézien, l’un des endroits les plus arides du Limousin. L’été, la température y excède régulièrement les quarante degrés. Le risque de feu de forêt y est donc très sévère. Des panneaux de signalisation indiquent d’ailleurs aux promeneurs de rester vigilant…

Éteindre les incendies avec des drones

Un terrain d’entraînement idéal pour les Pompiers de l’Urgence Internationale (PUI). Une ONG basée à Limoges, créée en 2004, mettant régulièrement son savoir-faire opérationnel au service des populations confrontées aux catastrophes naturelles et humanitaires dans le monde entier. En février dernier, ils ont porté assistance à la Turquie après le terrible tremblement de terre qui a ravagé le pays à la frontière avec la Syrie, faisant plus de 56 000 morts. 

Les PUI interviennent également sur les feux de forêt, notamment en Grèce en 2021. Par ailleurs, ils viennent d’établir un partenariat avec le Pérou pour former les services de secours péruviens dans la région du Machu Picchu. 

Des missions durant lesquelles ils sont systématiquement accompagnés de leurs drones, équipés d’une caméra thermique et capables de cartographier une zone en temps réel. “En quelques minutes, le commandement des opérations de secours va pouvoir avoir une vue d’ensemble de la situation et déterminer tout de suite les points chauds les plus importants à traiter et savoir où envoyer ses troupes au sol”, explique Antoine Terrible, pompier au SDIS de la Corrèze et membre des PUI.

Un soutien tactique pour les soldats du feu, mais peut-être bientôt davantage : des chercheurs bordelais travaillent actuellement sur des drones capables d’éteindre des flammes à l’aide d’un produit extincteur. Pour Philippe Besson, le président des Pompiers de l’Urgence Internationale, “l’objectif, c'est d’anticiper les départs de feu, et avant qu’il ne soit trop développé, envoyer un drone, utiliser un produit écologique pour préserver l’eau et limiter l’incendie dès les premières minutes.”

Qu'est-ce que le projet Silvanus ? 

De la science-fiction ? Peut-être plus pour longtemps grâce à un projet européen baptisé SILVANUS. Lancé en 2020, il regroupe 49 partenaires sur plusieurs continents, dont les Pompiers de l’Urgence Internationale. Son but : innover dans la lutte contre les feux de forêt grâce à une collaboration inédite entre chercheurs et services de secours du monde entier.

Nous avons suivi François Réthoret, membre des PUI et spécialiste des feux de forêt, en Slovaquie. Fin avril, un exercice grandeur nature s’y déroulait dans le cadre du projet Silvanus. La Slovaquie n’est pas encore concernée par les mégafeux, mais cela pourrait changer dans les années à venir… “Les Français sont partis en renfort en Suède ou dans les pays nordiques, donc on voit qu’avec le réchauffement climatique, les feux de forêt deviennent un problème d’ordre mondial”, analyse François Réthoret.

Les pompiers slovaques ont mis au point un scénario bien ficelé : un feu est détecté dans la réserve naturelle de Polana, dans le centre du pays, grâce à des caméras longue portée. Sur place, les équipes de secours envoient des drones en reconnaissance. Des drones de toute dernière génération : plus besoin de pilote aux manettes, ils peuvent survoler la zone de façon autonome. 

L’autre innovation apparaît quelques instants plus tard. Ses chenilles lui donnent de faux airs du robot Wall-E. Son nom : Colossus, un robot d’une demi-tonne conçu à La Rochelle, en Charente-Maritime. Utilisé en 2019 lors de l’incendie de Notre-Dame-de-Paris, les chercheurs tentent de le modéliser pour les feux de forêt… pouvant se rendre là où il est trop dangereux d’aller pour les pompiers. 

Toutes ces techniques sont encore au stade d’expérimentation. Ces machines, aussi impressionnantes soient-elles, ne sont pas encore prêtes à remplacer l’humain, comme nous l’explique Simona Kalinovska, coorganisatrice de l’événement.

Elles sont là pour aider. Le robot, par exemple, peut éteindre les flammes, faire des images, transporter des charges très lourdes… Les pompiers en sont tout aussi capables, mais si nous utilisons ces technologies, c’est pour sauver des vies, à commencer par celles des pompiers. Et puis ça permet aussi d’économiser des forces afin de réaliser d’autres tâches sur le terrain.

Simona Kalinovska, consultante en protection contre les incendies

La prochaine démonstration, orchestrée par les Pompiers de l’Urgence Internationale, aura lieu en Haute-Vienne en septembre prochain. Le projet Silvanus doit s’achever en 2025. 

D’ici là, d’autres solutions existent juste à côté de chez nous : dans le Lot, le SDIS a un véhicule un peu particulier : un pick-up.

L’avantage de ce véhicule par rapport aux camions citernes feux de forêt, c'est le gabarit. Les chemins dans la région sont très étroits, ça permet donc d’aller au plus près du feu et d’intervenir plus rapidement sur les départs. Avec ce type de véhicule parfois, on peut faire l’équivalent du travail de deux camions avec huit hommes.

Samuel Fernandez, chef des services techniques du SDIS 46

La vraie nouveauté se trouve à l’arrière du pick-up : une lance très haute pression reliée à une cuve de 400 litres. Elle consomme quatre à cinq fois moins d’eau qu’une lance classique, pour la même efficacité. Avec les sécheresses successives des années précédentes, la gestion de la ressource en eau est, pour les pompiers, une priorité dans les années à venir. Des risques d’incendie qui s’accroissent, une ressource en eau qui diminue, l’équation semble compliquée à résoudre… La solution miracle n’existe pas encore, mais les nouvelles technologies renforcent leurs chances de relever ce défi.

Ces nouvelles technologies sont au cœur du magazine Enquêtes de région à découvrir le 7 juin prochain sur France 3 Nouvelle-Aquitaine et déjà disponible sur France•tv.

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