"Je fais des choses que personne ne fait plus" Le talent exceptionnel de la porcelainière Nadège Mouyssinat récompensé

Lauréate du prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main pour son œuvre Console Pseudosphères, Nadège Bouyssinat fait revivre dans son atelier de Limoges des savoir-faire oubliés. À travers ses sculptures, elle réinvente des techniques anciennes de la porcelaine.

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Silhouettes élancées, fluides, brillantes ou rugueuses, les sculptures de la porcelainière Nadège Mouyssinat ont une allure résolument contemporaine, et font renaître des savoir-faire oubliés. 

Venue par hasard à la porcelaine, par goût de la pratique artistique plutôt que de la théorie enseignée à la fac, "j'avais vraiment envie de fabriquer des choses", Nadège se souvient encore de son émerveillement, à la sortie du four de sa première pièce, il y a quinze ans : "C'était magique ! Et en même temps ce n'était pas magique du tout parce qu'on fantasme sur cet objet pendant des semaines, mais c'est très laborieux. Il faut travailler le dessin, sculpter le plâtre, réaliser le moule, couler la porcelaine dans le moule. Tout ça prend énormément de temps avant de mettre la pièce dans le four. Et là, après plusieurs heures à 1400°C, l'objet réduit de 14%, change de couleur, devient lisse et brillant avec l'émail transparent, il y a quand même quelque chose de magique", raconte-t-elle.

Le goût de l'excellence

Formée pendant deux ans en alternance aux porcelaines Raynaud, Nadège Mouyssinat prend goût à l'excellence : "J'ai vraiment aimé travailler à ce niveau d'exigence là, au plus tendu, au plus lisse, au plus beau" se souvient-elle. "La maison Raynaud travaille avec le monde du luxe, on développait des services de table pour des grands restaurants, on allait vraiment loin pour faire des choses belles".

Elle travaillera ensuite pendant huit ans pour les manufactures Bernardaud et Coquet. Dans ces grandes maisons à la réputation internationale, elle découvre tout un patrimoine, réédite des pièces anciennes. 

Il y a des pièces qu'on ne sait plus fabriquer aujourd'hui.

Nadège Mouyssinat

Porcelainière d'exception

"Je me suis intéressée à l'histoire de la porcelaine à Limoges, et j'ai découvert qu'au-delà des arts de la table, il existait une concurrence entre les manufactures à travers la réalisation de pièces monumentales" se souvient-elle Des pièces exceptionnelles, nécessitant des techniques aujourd'hui disparues avec l'industrialisation et la production en série.

Nadège se dit alors que si elle a quelque chose à apporter à la production de porcelaine, c'est dans ce champ-là, celui de l'expérimentation, de la recherche. Redonner vie à des gestes oubliés dans des créations uniques ou en petite série, nées d'un enchaînement de pensées : "Souvent j'ai une idée directrice au départ. Pour la série que j'ai appelée Nùria, je suis partie de la légende de cette petite vierge noire vénérée au Pays Basque. J'avais l'idée de pièces sculpturales, un peu sacrées, un peu mystiques. Ce sont des pièces dont les courbes, la rondeur évoquent la protection maternelle, elles reposent sur trois pieds pour symboliser la trinité" explique la créatrice.

L'intelligence de la main

C'est pour une des pièces de sa série Pseudosphères que Nadège Mouyssinat vient de recevoir le prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main. "Je dessinais des cônes un peu au hasard, et une copine m'a dit que ça lui faisait penser aux pseudosphères, qui sont une représentation du modèle mathématique de l'infini" raconte-t-elle.

Une matérialisation de l'infini qu'elle duplique, assemble, reporte par symétrie, à l'image de la forme et de la contreforme utilisées dans son processus de fabrication. "Techniquement, j'ai mis au point beaucoup de choses. La richesse repose surtout dans la maîtrise du processus de production" décrit-elle.

Je fais des choses que personne ne fait plus.

Nadège Mouyssinat

Porcelainière d'exception

Des cônes qui peuvent faire penser à des toupies, des stalactites ou des sabliers, autres représentations d'une forme d'infini auxquelles elle donne brillance, matité ou couleur selon les pièces. " Quand je travaillais dans les manufactures pour les arts de la table, je voyais bien qu'on pouvait colorer, faire plein de choses que l'on ne faisait plus, j'étais frustrée" raconte-t-elle encore.

Transmettre

À tout juste 40 ans, Nadège Mouyssinat va profiter des gains et conseils obtenus grâce à ce prix prestigieux pour développer son activité, et transmettre son savoir. "Dans les manufactures, j'ai vu plein de gens partir à la retraite avec un savoir-faire qui n'était pas transmis", se souvient-elle.

Elle vient de recruter une apprentie avec qui elle va partager, et a commencé à faire fabriquer certaines de ses pièces dans une manufacture : "Petit à petit, je vais leur donner des choses de plus en plus complexes. Pour l'instant, ils ne savent pas faire, mais mon objectif est de les faire monter en compétence pour leur déléguer ma production" projette-t-elle.

C'est sans regret qu'elle pourra alors s'éloigner de son atelier : "Physiquement, c'est très dur. C'est beaucoup de gestes très répétitifs", reconnaît-elle. 

Elle se consacrera alors uniquement au dessin, à la conception des pièces que lui commandent des architectes d'intérieur internationaux, ses principaux clients.

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