Alors que la Flamme olympique fait étape à Limoges, ce lundi 26 août, trois athlètes de Haute-Vienne et de Corrèze se préparent au grand défi de leur vie : les Jeux Paralympiques qui débuteront ce 28 août à Paris : Cyril Jonard (judo), Léane Morceau (natation), et Mathieu Bosredon (paracyclisme) nous ont ouvert les portes de leur intense préparation, mais aussi de leurs quotidiens de femmes et d’hommes porteurs de handicap. Première publication le 7 avril 2024.
Tous les trois empruntent un même chemin : contre eux-mêmes, contre le temps et contre leurs corps meurtris. Léane Morceau, Matthieu Bosredon et Cyril Jonard partagent une quête commune qui doit les mener aux Jeux Paralympiques de Paris.
Cyril Jonard, est une force de la nature, elle, qui lui a pourtant joué un mauvais tour à sa naissance : il est atteint du syndrome d’Usher, synonyme de surdité et de cécité dégénérative. Malgré cela, celui qui est originaire d’Eymoutiers, en Haute-Vienne, est aussi dix fois champion du monde de judo – comme un certain Teddy Riner – et champion paralympique en 2004 à Athènes. Alors, il fait l’admiration de sa fille, âgée de dix ans, la bien nommée Athéna. "Il est très fort, très courageux. Il ne voit pas et il n’entend pas, mais il peut faire plein d’autres choses."
Cécilia, sa femme, confirme l’investissement de son mari dans le quotidien, malgré son handicap de plus en plus marqué.
Il a toujours été présent, très proche. Il changeait les couches, donnait le bain. Beaucoup de gens ne le croyaient pas, puisqu’il ne voit pas et n’entend pas. Mais il a trouvé ses manières de faire.
Cécilia JonardEpouse de Cyril
Tous les matins, accompagné de Pims son chien guide, Cyril Jonard prend le chemin de l’école avec ses enfants. Un moment qu’il affectionne pour bavarder avec Athéna et Naoki. À mesure que sa vue décline, le judoka a développé un langage des signes tactile, presque tendre, dans le creux des mains : des gestes indispensables pour partager et communiquer avec son entourage.
Cyril Jonard : la force tranquille qui vise l'or
Après l’école, direction la salle de muscu. Vingt ans se sont écoulés depuis son sacre paralympique en 2004, mais, à 48 ans, Cyril Jonard n’a rien perdu de son envie et de sa détermination. Alors, tous les jours, il soulève de la fonte, accompagné de son entraîneur.
Il ne fait pas les choses à moitié, dans quoi que ce soit. S’il s’engage dans un projet, c’est pour finir en or à la fin. Aux Jeux, il vise l’or.
Jason GuillotEpouse de Cyril
L’exploit serait hors norme. Il affrontera des adversaires qui ne voient pas, mais entendent, les indications de leurs entraîneurs notamment, contrairement à lui. Mais Cyril Jonard en est capable, car le judo, c’est sa vie. Il s’y consacre, s’y investit, s’y épanouit depuis son enfance. Ses parents lui ont fait découvrir ce sport quand il avait cinq ans.
Enfant, j’aimais beaucoup le judo. Parce que j’aime amitié, copains, copines, amis, relations.
Cyril JonardChampion paralympique de judo en 2004
"C’est vrai que le judo lui a permis de créer une famille. C’est grâce au judo qu’il m’a rencontrée, c’est aussi grâce au judo qu’il a trouvé du travail, qu’il a été reconnu par la mairie de Limoges. Et c’est le judo qui l’a fait sortir de ce double handicap" détaille Cécilia, son épouse.
Le judoka se retrouvera sur les tatamis des Jeux Paralympiques le 5, 6 et 7 septembre à l'Arena Champ-de-Mars
Léane Morceau : la résiliente qui fait ses premiers Jeux
Léane Morceau passe le plus clair de son temps dans l’eau. Elle a vingt ans, vit à Limoges, à deux pas du centre aquatique Aquapolis. Une proximité pratique pour elle qui s’entraîne deux fois par jour, et dont la vue ne permet pas de se déplacer facilement. "Je vois comme si on regardait dans une paille, je n’ai pas du tout de vision périphérique. Et j’ai moins d’un dixième à chaque œil, donc je vois tout flou" explique la jeune femme. Elle souffre de la neuropathie optique de Leber, diagnostiquée quand elle avait huit ans. "C’est une maladie génétique qu’il y a dans ma famille."
Vu que c’est arrivé assez jeune, je me suis très vite adaptée. On ne peut pas dire que ça n’a pas d’impact dans ma vie puisqu’il y a des choses que je ne peux pas faire, mais on s’adapte et on fait d’autres choses.
Léane MorceauNageuse handisport
Léane est déterminée à faire passer son handicap au second plan, d’autant que pour ceux qui la côtoient, il est imperceptible. "Je mets au défi quiconque qui vient à l’Aquapolis et qui la voit nager, de détecter chez elle un handicap. Elle s’en accommode très bien, même si c’est une gêne pour elle" remarque son entraîneur au CAPO, Benoît Monpion.
Son handicap lui a forgé un caractère plus résilient que les autres. Elle se dit 'Y’a pas de fatalité, il faut se battre contre et faut faire avec'.
Benoît MonpionEntraîneur de Léane Morceau
Son goût de la compétition l’a conduite au plus haut niveau.
Un rêve que l’étudiante en kiné compte bien atteindre, d’autant que Paris, c’est Paris. Des Jeux à la maison, dans une vie de sportif, c’est une fois, pas deux. Pour les athlètes paralympiques, Paris 2024, c’est une occasion en or d’accélérer la reconnaissance et la médiatisation du handisport.
Le handisport se développe. Il y a toujours des progrès à faire, mais c’est cool de voir que c’est de plus en plus reconnu, et qu’il y a de plus en plus de gens qui s’y intéressent.
Léane Morceaunageuse handisport
Narguer le destin et un corps paralysé
Dès ses premiers tours de roue, Mathieu Bosredon a compris qu’il pouvait narguer le destin et son corps en partie paralysé.
Le principal moteur de ce sport, ça a été pour moi la sensation de liberté. Pouvoir partir de chez moi, me propulser à la force de mes bras, commencer à aller à 20, 30, 40 km/h et me dire wow, je vais à cette vitesse, je produis ça, grâce à mon corps, c’est assez exceptionnel en étant en fauteuil.
Mathieu BosredonParacycliste
Et alors, qu’un hématome médullaire l’a rendu paraplégique à l’âge de quatre ans, il a choisi la voie du sport de haut niveau, comme une évidence.
Le handicap n’a jamais été une excuse pour ne plus profiter de la vie.
Mathieu BosredonParacycliste
Le Briviste de 32 ans raconte. "J’avais déjà une famille dynamique, mais ils ont bien compris que c’était par le mouvement qu’on allait se reconstruire tous ensemble. Ton enfant devient handicapé à quatre ans, c’est grave, c’est difficile. Et le sport, c’était une manière de balayer tout ça."
Quand il a découvert le handbike à l’adolescence, les résultats l’ont rapidement conduit au sommet de sa discipline. Aujourd’hui, à 32 ans, le Corrézien possède un palmarès étoffé : numéro 1 mondial la saison passée, vice-champion du monde, champion d’Europe. Mais Mathieu Bosredon a une revanche à prendre sur les Jeux. En 2016, il termine quatrième de la course en ligne à Rio, alors cette année le podium ne peut pas et ne doit pas lui échapper. "Là, je pense que je suis aujourd’hui au meilleur niveau de ma carrière, et maintenant, il faut encore gratter, les quelques secondes, les centimètres pour arriver à l’objectif ultime" détaille Matthieu Bosredon.
J’espère bien sûr être champion paralympique mais surtout je veux n’avoir aucun regret.
Mathieu BosredonParacycliste
Le paracycliste sera sur la piste du Vélodrome National St-Quentin-en-Yvelines le 4 septembre pour l'épreuve contre-la-montre, le 5 pour la course en ligne et le 7 pour l'épreuve par équipes.
PARIS 2024. "Merde, là, ça y est !" : le Corrézien Mathieu Bosredon officiellement sélectionné aux Jeux Paralympiques
Léane Morceau, Cyril Jonard et Mathieu Bosredon sont aujourd’hui animés par la même flamme : celle des Jeux. Pour eux, le compte à rebours est lancé, les jours défilent, avec leur lot de joies, de peines, de souffrances et de succès. L’aventure n’a rien de commun et cela tombe bien : ils ne le sont pas.