Baptiste Porcher, procureur de la République à Limoges depuis septembre 2020, a comparu ce mardi 6 février devant le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), lors d’une audience disciplinaire. Lui sont reprochés notamment des propos graveleux, sexistes ou encore dévalorisants. Le directeur des services judiciaires a requis à son encontre une sanction "exemplaire". Le CSM rendra sa décision le 12 mars prochain.
Depuis 3 ans et demi qu’il a pris ses fonctions à Limoges, Baptiste Porcher fait figure de procureur de la République au professionnalisme exemplaire et à l’action pénale saluée par le directeur des services judiciaires.
Pourtant, ce même directeur, requérant au nom du Garde des Sceaux lors d’une audience disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature, devant laquelle Baptiste Porcher comparaissait, a parlé à son encontre d’une "perte totale de repères déontologiques", selon nos confrères du Parisien, et réclamant pour cela une "sanction exemplaire" : son retrait de la fonction de procureur, et un déplacement d’office !
Des propos graveleux, sexistes ou dévalorisants
Cela, à cause de propos graveleux, sexistes ou encore dévalorisants, dénoncés par plusieurs femmes ayant côtoyé le procureur dans le cadre de ses fonctions, et dont six d’entre elles ont témoigné lors de l'enquête. Des regards déplacés, ainsi qu’une dépression et une demande de mutation en urgence de la part de la part d’une jeune magistrate ont également été évoqués.
Baptiste Porcher, toujours selon le Parisien, aurait parlé "d’allégations", ou "d’interprétations", et plaidé le second degré, et "la nécessité de l’humour noir, grivois ou potache, pour souder les équipes".
On avait appris fin août 2022, que Baptiste Porcher faisait l’objet d’une enquête administrative, suite à deux plaintes d'une magistrate et d'une jeune auxiliaire de Justice. On évoquait alors au Palais, sous de gênés propos sibyllins, des paroles ou des comportements "de chambrée"...
Malgré la difficulté à obtenir des informations à ce sujet, on apprenait que la Procureure Générale, supérieure hiérarchique des trois procureurs de la République en Limousin, informée de ces propos inappropriés, lui renouvellait sa confiance professionnelle mais lui avait tout de même adressé un avertissement disciplinaire.
Pour son avocat, Olivier Morice, Baptiste Porcher avait regretté ces propos inappropriés et pris acte de cet avertissement "il en a tenu compte, il a changé totalement de registre, il n'y a plus eu après ces faits d'il y a deux ans d'accusation de cette nature portée contre lui. Qu'il soit sanctionné pour ces propos déplacés, soit, mais pas pour plus". Il conteste l'examplarité de la sanction demandée", à savoir une mutation et le retrait de sa fonction de procureur de la République "ou alors, il faut aussi poursuivre le Garde des sceaux, Eric Dupont-Moretti !"
La sévérité de la sanction demandée par le directeur des services judiciaires devant le Conseil Supérieur de la Magistrature se justifie pour ce dernier sur le caractère répétitif des allégations dans son service, créant une ambiance sexiste. Selon nos informations, l'attention de Baptiste Porcher aurait déjà été attirée lors de ses précédentes fonctions à Laons (28) sur le malaise que pouvait créer son humour grivois et autres blagues salaces.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature rendra sa décision le 12 mars prochain. Un avis consultatif soumis au Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, seul à prononcer une sanction, ou pas.
Un climat délétère constaté dans beaucoup de milieux professionnels
Pour Alexandra Nicolay, magistrate et membre de l'USM - Union Syndicale des Magistrats, "l'exemplarité ne vient déjà pas de nos plus hautes instances représentatives, comme l'Assemblée nationale ou le Sénat, où des députées sont régulièrement critiquées par leurs collègues hommes pour leur tenue vestimentaire, le niveau de leur voix ou par d'autre propos autrement plus déplacé".
Pour le vice-président de France victimes 87 "c'est le moment d'en sortir et il est grand temps qu'on en sorte, on ne peut pas demander à des victimes de parler de leur ressenti et de leur malaise et faire comme si cela n'existait pas. Aujourd'hui on attend, même à la machine à café, une certaine retenue ou une certaine pudeur là où il y a encore quelques années on ne se posait pas toutes ces questions "
A celles et ceux qui pourraient penser "qu'on ne peut plus plaisanter, qu'on ne plus rien dire !", la présidente du CIDFF, le Centre d'information des droits des femmes et des familles répond "il faut peut-être réfléchir à qui on les dit, comment on les dit, et que si on retournait les choses, les hommes ne supporteraient sans doute pas et c'est important, il n'y a pas de raison, il faut respecter l'un et l'autre"