Le projet de loi de finances doit être présenté à l'Assemblée nationale ce jeudi 10 octobre avec un objectif : ramener le budget à 5% en 2025. 5 milliards d'euros d'économies sont demandés aux collectivités locales qui ne décolèrent pas. Une piste envisagée pour tailler dans leurs dépenses pourrait s'appuyer sur un rapport de la Cour des comptes qui dénonce une explosion des effectifs d'agents territoriaux et préconise la suppression de 100 000 postes.
Au comptoir d'accueil, un homme s'agace. Il peine visiblement à payer ses factures d'électricité. Les agents tentent de le calmer. Nichée entre les immeubles, la maison du département de la Brégère est flambant neuve. Elle abrite une vingtaine d’agents, travailleurs sociaux et médico-sociaux. Ils assurent la prise en charge sociale du nourrisson (via la protection maternelle et infantile - PMI) à la personne âgée (via l'Allocation personnalisée d'autonomie - APA). La fréquentation du public ne cesse d’augmenter. 5 000 bénéficiaires ont été accueillis l’an dernier.
"On a vraiment conscience de servir à quelque chose"
"On a vraiment conscience de servir à quelque chose. On est utiles en matière de prévention, en matière d'accompagnement. On rencontre tous les publics, mais surtout des gens fragiles qui ont besoin d'être accompagnés au quotidien" explique Caroline Bessaguet, directrice de la Maison du département.
Ces agents sont-ils menacés ? Dans son dernier rapport, la Cour des comptes préconise de supprimer 100 000 emplois dans les collectivités locales qui auraient trop embauché depuis 10 ans.
1000 postes supprimés en Haute-Vienne ?
En Haute-Vienne, il y a 12 600 agents, la coupe envisagée par la Cour des comptes entraînerait donc la suppression de 1000 postes. Le département en compte 1500 à lui seul, un chiffre stable depuis 2013 selon les chiffres fournis par la collectivité. Désabusé, le président Jean-Claude Leblois (PS) dénonce un travail de sape des gouvernements successifs.
"Nous n'avons pas explosé le nombre d'agents ces dernières années. La masse salariale a augmenté. Mais c'est l'État qui décide d'augmenter le point d'indice, ou après le Ségur de la santé, nous impose de revaloriser le salaire des soignants sans compensations. Ces annonces ne sont pas innocentes. La finalité, c'est de confier ces services au privé".
"Pas l'impression d'avoir une masse salariale pléthorique"
Le président de Limoges Métropole, Guillaume Guérin, ne décolère pas. La collectivité emploie 826 agents qui s’occupent entre autres de l’eau, des transports ou des poubelles. Les effectifs ont effectivement augmenté ces dix dernières années. À cause du transfert des compétences des communes vers les métropoles et communautés urbaines, se défend Guillaume Guérin.
"Les personnels que je prends, les communes en question ne les ont plus. Typiquement le crématorium qui bascule cette année sous les compétences de l'intercommunalité, le transfert de personnel est total, il n'y a pas de doublon. Je n'ai pas l'impression d'avoir une masse salariale pléthorique avec des gens qui ne servent à rien. Je ne sais pas comment je fais si demain, je dois avoir 70 à 80 agents en moins".
Et de fustiger l'État qui viendrait faire les poches des collectivités. "Avant de donner des leçons de gestion aux collectivités, que les gouvernements depuis quinze ans balaient déjà devant leur porte. C'est trop facile de tirer maintenant sur les collectivités. Il y a quelque chose d'indécent dans le rapport de la Cour des comptes" s'agace encore Guillaume Guérin.
"La commune est déjà à l'os"
À plus petite échelle, à Bellac, le maire est aussi dubitatif sur les efforts demandés par l'État.
"Notre cas est un peu particulier avec les ennuis financiers dont nous avons hérité. La commune est déjà à l'os. Je cumule les fonctions de maire, directeur général des services et directeur financier. Nous avons déjà perdu 12 emplois. Si on veut nous en supprimer d'autres, on va fermer la boutique. Ce que je crains le plus, ce sont de nouvelles baisses de subventions ou de dotations annoncées avec ce projet de loi de finance. Nous comptons dessus.", se désole Claude Peyronnet.
Si le gouvernement décide d’appliquer les préconisations de la Cour des comptes, il doit s’attendre à une très forte résistance des collectivités locales.
En Limousin, la seule collectivité qui ne devrait pas être affectée, c'est le conseil départemental de Creuse qui fait partie des 20 collectivités considérées comme fragiles et auxquelles le gouvernement ne prévoit pas de demander des efforts supplémentaires (les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de Seine-Saint-Denis, de l'Hérault, du Gard, de la Guadeloupe, de la Réunion, de Mayotte, de l'Aine, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Nièvre, des Ardennes, de l'Aveyron, de l'Ariège et de la Lozère, les collectivités de Corse, de Martinique et de Guyane).