La contraception masculine, une affaire qui chauffe

Pendant deux jours, le Limousin accueille l’association GARCON qui milite depuis plusieurs années pour sensibiliser autour de la contraception masculine. L’occasion de faire un point sur une pratique qui a le vent en poupe : la contraception thermique.

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Dans la petite salle du planning familial 87 du Vigenal à Limoges, une vingtaine de personnes se réunissent autour d’une table sur laquelle trône des sous-vêtement pour le moins originaux. Jockstrap, anneau thermique, slip Mieusset… Des objets méconnus du grand public. Ils servent à une chose : la contraception masculine par réaction thermique.

Le mythe du slip chauffant

Au premier regard, ces bouts de tissus et d’élastique peuvent faire peur. Mais rapidement, Erwan Taverne, co-fondateur de l’association GARCON (Groupe d’Action et de Recherche pour la Contraception), dédramatise. Devant un auditoire essentiellement féminin, il explique que depuis cinq ans, il utilise cette technique qui consiste à faire remonter les testicules près de la verge. "Il faut le porter 15h par jour, tous les jours, pendant les heures d’éveil idéalement."

Pour cela, il porte quotidiennement un anneau en silicone ou un jockstrap, sous-vêtement doté d’une poche avant et d’un anneau pour la verge, rembourré en coton, le tout tenu par des élastiques. Le système est simple, en remontant les testicules, la température augmente de 2°C, ce qui doit stopper la production de spermatozoïdes au bout de trois mois. Le liquide séminal sort toujours lors de l’éjaculation, mais sans vertu reproductrice.

Le slip chauffant, équipé d’une résistance chauffante existe aussi, mais n’est pas recommandé par l’association. Les testicules serraient chauffés à une trop forte température et pendant une période trop courte. En revanche, le docteur Roger Mieusset, pionnier sur la question de la contraception thermique et mentor de l’association GARCON, travaille sur la confection d’un vrai slip avec un anneau de compression. Quelques prototypes sont utilisés par des patients.

Partage de la charge contraceptive

Dans la salle, les prises de paroles s’enchaînent. Pierre utilise un anneau en silicone depuis trois mois. "Je m’étais dit que si un jour je trouvais un moyen contraceptif masculin pour décharger ma copine, je l’utiliserais. Alors là, je voulais essayer et ne pas laisser cette opportunité passer".

Sa copine évoque son scepticisme lorsque Pierre lui en a parlé pour la première fois. "J’ai eu du mal à me dire que je n’aurais plus le contrôle là-dessus, mais la pilule me déréglait beaucoup trop. Aujourd’hui j’ai arrêté de la prendre et je me sens beaucoup mieux."

Pour être sûr d’être "contracepté", Pierre utilise un spermogramme. Il s’agit d’une analyse en laboratoire de l’éjaculat, pour connaître le nombre de spermatozoïdes produits en moyenne par les testicules. Un rendez-vous qui peut être prescrit par les médecins, bien que la méthode ne soit pas encore très répandue pour ce type de pratique. 

Il est conseillé de faire un premier spermogramme avant de commencer l’utilisation de ce mode de contraception, puis au bout de trois mois afin de vérifier que le patient est bien en dessous de la barre des 1 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme, seuil à partir duquel il est considéré comme infertile. À savoir qu’en moyenne un homme éjacule entre 50 et 150 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme.

Erwan de l’association GARCON explique qu’il faut être bien rigoureux dans ce suivi et dans le port du matériel contraceptif. Il suffit d’arrêter un jour pour que l’infertilité devienne incertaine pour les trois prochains mois. "C’est contraignant certes, mais je préfère faire des spermogrammes tous les quelques mois que de me soumettre à certains examens gynécologiques qui sont bien plus invasifs. Il faut se souvenir que la contraception féminine est très prégnante."

Une pratique sans inconvénients ?

Au-delà de cette rigueur, l’impact sur la vie sexuelle et hormonale inquiète. Pour GARCON, le retour des utilisateurs connus ne révèle aucun effet secondaire à ces niveaux. La libido n’est pas affectée et le liquide séminal ne change presque pas d’apparence.

Le confort d’utilisation questionne lui aussi. Une fois de plus Erwan se veut rassurant. "Le jockstrap peut donner l’impression d’un pantalon trop serré pendant les premiers jours, mais désormais je ne le sens plus du tout, peu importe ma position", affirme-t-il en se contorsionnant devant le public.

Les retours d’utilisateurs ne sont pas aussi élogieux avec les autres outils. L’anneau en silicone peut créer des mycoses ou compresser la verge lorsqu’il est mal ajusté, le slip imaginé par le Docteur Mieusset peut aussi créer des irritations du scrotum. Benoit l’a utilisé pendant 6 mois, il a été contraint d’arrêter. "Tous les dix jours, il y avait toujours une soirée ou je ne pouvais plus le porter. C’était trop inconfortable."

Réversibilité et risques

Reste la question de la réversibilité. Ce serait là tout l’avantage de cette méthode. Un juste compromis pour les hommes souhaitant contrôler leur corps sans en venir à la vasectomie, une opération médicale reconnue consistant à couper et bloquer les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes à partir des testicules. Une congélation de sperme et un délai de réflexion de 4 mois sont systématiquement proposés aux patients désireux, car l'infertilité est bien souvent irréversible. 

La contraception thermique est supposée être réversible. Mais Erwan le concède, sur cette question, les données manquent, bien que les quelques résultats soient encourageants. La production de spermatozoïdes par les testicules, la spermatogénèse, est arrêtée par la contraception thermique mais elle reprend dès l’arrêt de cette pratique. Les spécialistes qui se sont intéressés à ces questions, comme le Docteur Mieusset, préconisent d’attendre au moins six mois pour espérer pouvoir procréer après avoir eu recours à la contraception thermique.

En s’y prenant trop tôt, le risque de malformation fœtale est augmenté. Les spermatozoïdes n’ayant pas encore pu retrouver leur forme initiale. On dit qu’ils sont dégradés. C’est pourquoi le spermogramme est à nouveau conseillé avant de procréer.

Une démarche encore expérimentale

Aujourd’hui on estime qu’entre 5 000 et 10 000 hommes ont recours à la contraception thermique en France, selon l’association GARCON. Erwan ne s’en cache pas, la démarche de GARCON est encore à ses balbutiements. Il s’agit avant tout d’accompagner des hommes se trouvant face à une impasse contraceptive. Leurs techniques ne sont pas encore reconnues par le corps médical, mais il espère bien faire changer la pratique peu à peu. "Qu’ils le veuillent ou non, ça se fait. Il n’y aura pas de marche arrière. Maintenant la responsabilité des institutions c’est que tout ça se passe au mieux."

Pour Eddy Valgueblasse, andrologue à la clinique François Chénieux de Limoges,  il manque encore des études cliniques d’ampleur pour que ces pratiques soient prises au sérieux. "Si l’on a 15 000 personnes qui l’utilisent et qui participent à des essais, là on pourra avoir des retours". Il reconnaît également que les professionnels médicaux manquent cruellement de formation sur ces questions. "J’ai fait mes études dans les années 2000. Je n’ai jamais entendu parler de la vasectomie". Une situation qui traduit selon lui un problème de société expliquant le retard de la recherche sur les questions de contraception masculine.

Les alternatives

Aujourd’hui, les principales méthodes de contraception masculine restent le préservatif et le retrait. La vasectomie est également de plus en plus pratiquée. À la clinique des émailleurs à Limoges, le nombre d’opérations aurait presque triplé en une décennie affirme le docteur Pascal Paulhac. "C’est la méthode la plus sûre aujourd’hui. Elle est remboursée par la sécurité sociale. C’est cependant une opération quasi-irréversible".

Restent les pilules et les injections de testostérones. Toutes deux présentent des effets secondaires au niveau hormonal et leur impact n’est pas encore connus sur le long terme.

Rappelons enfin que le seul contraceptif masculin qui permet de se protéger des infections sexuellement transmissibles reste encore le préservatif. 

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