Le 9 décembre 2017, une association de Limoges avec le soutien de la CAF de la Haute-Vienne a été primée au niveau national pour la réalisation d'un clip sur la laïcité. Un clip qui cause quelques remous… Sont-ils justifiés ? Éléments de réponse.
Le 9 décembre, c'est la date anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État. En 2017, dans le cadre de cet anniversaire, l'Observatoire de la laïcité a récompensé des initiatives, parmi lesquelles un clip réalisé par le centre social "Citels", implantée dans le quartier des Portes Ferrées à Limoges. Elle met en scène 4 jeunes filles qui expliquent tour à tour les principes de la laïcité, la séparation des Églises et de l'État, la neutralité de l'État et l'Égalité.
Le clip s'achève sur cette conclusion : "La laïcité n'est pas une opinion mais le cadre qui les permet toutes."
Ce projet a été réalisée en partenariat avec la Caisse d'Allocations Familiales de la Haute-Vienne, le laboratoire Limousin de la laïcité, la Fondation SNCF et la radio associative "Beaub FM".
La CAF explique que "le contenu de cette vidéo a une visée pédagogique : expliquer, avec des éléments juridiques, en quoi consiste la laïcité dans la sphère publique et dans la sphère privée."
Une polémique qui se dévoile
Cette vidéo est en ligne sur Youtube et sur Viméo depuis le début de l'année 2017, mais c'est bien sa récompense qui la propulse en cette mi-décembre sur le devant de l'actualité. Une actualité animée par des personnes se revendiquant essentiellement de l'extrême droite, parmi lesquelles des élus du Front National.
Et sur les réseaux sociaux s'enchaînent depuis les références au communautarisme et même au terrorisme. Des amalgames renforcés par le fait qu'un organisme public a participé au financement de cette vidéo.
la CAF du Limousin (87) soutient le communautarisme et la laïcité dévoyée https://t.co/SLqnBub4R5 via @FN42Loire
— Gabriel de Peyrecave (@GdePeyrecave) December 14, 2017
Il est où le problème ?
L'une des jeunes filles jouant dans le clip porte un voile. C'est bien de cela dont il s'agit. Alors reprenons. Il s'agit d'une vidéo à "vocation pédagogique : expliquer, avec des éléments juridiques, en quoi consiste la laïcité dans la sphère publique et dans la sphère privée." (dixit la CAF).La réaction personnelle est une chose, l'interprétation erronée de la loi en est une autre. Ainsi, affirmer que la CAF de la Haute-vienne "légitimise la non-laïcité", c'est juste… faux.
La laïcité, telle qu'elle est définie dans la loi de 1905, c'est un principe de respect de la liberté d'exercice des cultes en France, à conditionque cela ne trouble pas l'ordre public. Ainsi, il n'est pas interdit par cette loi, de porter un signe religieux, même ostentatoire, dans l'espace public (rues, places...), ou dans des lieux privés recevant du public (magasins, restaurants, bars…). Ainsi, le propriétaire d'un restaurant ne peut refuser de servir, par exemple, une femme portant un hidjab, au motif de sa religion. Il encourerait cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende pour discrimination. (Article 225-2 du code pénal)
Dans les services publics, les usagers peuvent "peuvent porter un signe d’appartenance religieuse", sauf restrictions liées à l'ordre public, la sécurité, la santé ou l'hygiène. Les agents publics, qui travaillent au contact des usagers, eux, sont soumis à une obligation de neutralité.
Parler de laïcité alors que l'on porte le voile n'a donc rien d'entreprenant contre la loi.
C'est toute la nuance qu'il faudrait absolument mettre dans cette "affaire".
Laïcité, un principe clivant
Cette laïcité, mise en avant à juste titre mais bien souvent à tort, est un sujet qui divise en France.Doit-on rappeler que le port du voile intégral n'est interdit en France que dans le cadre de la loi de 2010 sur l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public, pas dans la loi sur la laïcité, ou doit-on s'interroger pour savoir si le burkini est un vêtement de bain ou non ?
Nous pourrions également citer le débat sur l'attitude du président de la République aux obsèques de Johnny Hallyday : devait-il se rendre dans une église ? Devait-il ou non bénir le cercueil ? Ou encore ce sujet d'actualité qu'est la présence de crèches de Noël dans les bâtiments publics...
Enfin, un dernier exemple limousin : pour être en accord avec la loi sur la laïcité, le maire de Saint-Sulpice-le-Guérétois en Creuse, a décidé de supprimer la croix du portail du cimetière...
La frontière est fragile entre l'opinion publique, l'opinion politique et la loi. L'ordre public, c'est la capacité d'encadrer l'expression publique afin de la protéger, de protéger le vivre-ensemble.
Le contraire de la laïcité ? L'intolérance et les préjugés
Nous sommes libres de faire part de nos réactions, de nos émotions. Nous sommes dans un pays dans lequel un autre principe s'applique, celui de la liberté d'expression. Toujours dans le respect des autres. Alors, que cette image d'une adolescente évoquant la laïcité en portant le voile puisse heurter la conscience de certains, à titre personnel, certes, mais cela renvoie à l'opinion de chacun et uniquement à cette opinion, pas à l'application d'une loi.Le débat sur le port du voile est un autre débat, il n'a rien à voir avec la laïcité telle que définie dans la loi de 1905.