Ils ont été mis en service, il y a tout juste quatre-vingt-ans : le 14 juillet 1943. Depuis, beaucoup de choses ont changé, mais ils ont toujours là, dans les rues de Limoges. Et si, autrefois, ils avaient une image un peu ringarde, ils pourraient bien revenir à la mode, car silencieux et non polluants. Première publication le 17 juin 2023.
À Limoges, depuis huit décennies, ils font partie du paysage. Plusieurs générations de Limougeauds ont grandi sous la toile d’araignée électrique guidant leur silhouette grise et silencieuse, hérissée de deux antennes.
Sans bruit et sans pollution, au fil des jours et des années, presque sans histoire, les trolleybus ont transporté des milliers de vies, des millions de passagers.
Le successeur des vieux tramways
Avant, il y avait eu les tramways. Mus aussi, par la force électrique, ils n'avaient qu'une seule perche et ils étaient prisonniers des rails qui guidaient leurs roues dans les rues de Limoges depuis 1897.
Mais les tramways étaient lents, inconfortables et bruyants.
Dans les années 30, les usagers et les dirigeants de la Compagnie des Tramways Électriques de Limoges cherchent une solution plus moderne pour améliorer les transports du quotidien.
En 1935, après un voyage à Liège en Belgique, la municipalité décide de remplacer les tramways par un tout nouveau moyen de transport : les trolleybus.
En 1938, sept lignes sont programmées avec vingt-sept kilomètres de lignes aériennes et un parc de 40 trolleybus. Limoges est alors la première grande ville française à décider d'abandonner les tramways pour se doter d'un réseau de trolleybus.
Des débuts difficiles sous l'Occupation
Mais il faudra attendre un an pour que le Conseil des Ministres approuve le projet le 15 septembre 1939 ... deux semaines après la déclaration de guerre à l'Allemagne.
Initialement prévue pour janvier 1940, la mise en service de la première ligne de trolleybus de Limoges sera retardée de plus de trois ans. Elle aura lieu le 14 juillet 1943. Entre-temps, pour fuir l'occupation allemande, la société Vetra, basée à Clichy en région parisienne, est venue se réfugier à Limoges.
À partir de 1943, les premiers véhicules sont fabriqués à Limoges et la première ligne est créée. C’est la ligne 2 : elle relie le bas de l’avenue Baudin, près du dépôt du Clos Moreau à la place Carnot. D’emblée, cinq véhicules CB 60 sur les onze construits sur place vont assurer une fréquence d’un passage toutes les six minutes aux heures de pointe.
La même année, la ligne 3 est inaugurée. Elle relie la place Carnot au cimetière de Louyat.
La conduite des premiers trolleybus était un exercice pour le moins physique et délicate. Un savoir-faire maîtrisé par quelques valeureux chauffeurs très appréciés des Limougeauds. L’un d’entre eux, qui exerça ses talents pendant la guerre, deviendra même l'un des acteurs comiques les plus populaires auprès des Français. Il s'appelait Jean Lefèvre.
Après la guerre, le trolleybus s'installe dans le quotidien des habitants de Limoges
Au lendemain de la guerre, les pénuries de matériaux et de matières premières vont perdurer. Le principal défi sera d’assurer une alimentation électrique suffisante pour alimenter le réseau de lignes aériennes, mais aussi pour l’étendre.
Deux tronçons prévus avant la guerre ne seront jamais réalisés : gare des Bénédictins-avenue de Locarno et place Jourdan-Faubourg des Casseaux.
Mais jusqu’en 1953, de nouvelles lignes vont dessiner un nouveau réseau urbain de transport par trolleybus qui ne se modifiera plus qu’à la marge jusqu’à aujourd’hui.
Une toile se tisse peu à peu dans le ciel des rues de Limoges
De 1947 à 1953, la ligne 4 est mise en place entre l’avenue Émile Labussière et le pont Saint-Martial.
En 1951, c’est la ligne 5, de la rue François Perrin jusqu’à la gare. Puis la ligne 1 de la place Carnot à la route de Lyon. Enfin, la ligne 9, place d’Aine –porte de Louyat vient achever la construction du réseau.
Pour la majorité des habitants de Limoges, « prendre le trolley » va devenir un geste quotidien.
Pendant presque quatre décennies, ce sont les mêmes trolleybus gris Vetra qui vont sillonner les rues de la ville. En 1966, une vingtaine de vieux engins réformés de la RATP viendront renforcer le parc après une brève rénovation.
En 1973, deux révolutions viennent changer la vie des Limougeauds.
Un coup de peinture rouge et blanche dans les années 70
On garde les vieux trolleybus d’après-guerre, mais pour leur donner une nouvelle jeunesse, on leur donne un petit coup de peinture. Les vieux engins gris sont transformés… en vieux engins rouges et blancs.
Mais surtout, les receveurs qui poinçonnaient les tickets des voyageurs sont supprimés. Le conducteur se retrouve seul avec les voyageurs qui sont priés de poinçonner eux-mêmes leur titre de transport.
Mais le vrai coup de jeune ne surviendra que dans les années 80 avec le remplacement progressif des vieux trolleybus issus de la Guerre par de vrais nouveaux véhicules flambant neufs, les ER 100, fabriqués par Berliet avec un cahier des charges défini par les cinq villes utilisant encore des trolleybus à cette époque : Lyon, Grenoble, Marseille, Saint-Etienne et Limoges.
En 1985, la vieille CTL devient STCL, Société des Transports en Commun de Limoges, qui possède quarante trolleybus et va renouveler totalement le réseau de ses lignes électriques aériennes.
Pas de nouvelles lignes dans les années qui suivront, mais un rallongement de la plupart d’entre elles pour relier le centre-ville aux faubourgs d’une ville qui n’a cessé de s’étendre.
80 ans après ses débuts, un moyen de transport collectif toujours moderne, confortable, silencieux et non polluant
Dans les années quatre-vingt-dix, les trolleybus vont aussi plus souvent renouveler avec des véhicules de plus en plus souples et confortables, qui peuvent continuer à rouler en toute autonomie en quittant le chemin tracé par les lignes aériennes.
Désormais décorés en bleu et jaune, les Cristalis puis les Crealis sont les derniers trolleybus à circuler en France avec ceux de Lyon.
Un temps considérés comme ringards, les trolleybus redeviennent tout à coup très « tendances » avec leurs caractéristiques qui permettent de transporter confortablement, en silence, et surtout sans émettre aucune pollution, des millions de passagers chaque année.
Et contrairement aux tramways, grâce à des batteries et des moteurs d’appoint, ils ne sont prisonniers ni des rails, ni des fils électriques qui courent au-dessus d’eux.
Un atout écologique qui devrait en faire le véhicule privilégié d’une des deux futures « lignes à haut niveau de service » qui seront aménagées à Limoges dans les prochains mois.
Depuis la caserne Marceau où sont conservés d’anciens véhicules, Dimanche en Politique revient, ce dimanche 18 juin 2023, sur l’histoire de ce mode de transport et sur son avenir.