L’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) a eu 20 ans en août 2023. L’occasion de dresser un bilan sur cet établissement public dédié à la transformation des quartiers défavorisés. Exemple à Limoges où l’agglomération compte 9 quartiers prioritaires qui bénéficient ou ont bénéficié des programmes de la rénovation urbaine.
Le Vigen, Beaubreuil, Val de l’Aurence Nord, Val de l’Aurence Sud, la Bastide, les Coutures, Bellevue, le Sablard et les Portes Ferrées. Au total, l’agglomération de Limoges compte neuf quartiers prioritaires, recensés par l’Atlas de l’Agence Nationale de la cohésion des territoires. Plus de 25 000 personnes habitent dans ces quartiers. La moitié d’entre eux vit sous le seuil de pauvreté. Ce qui fait de l’ancienne capitale limousine la ville la plus pauvre de la Nouvelle-Aquitaine. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle est rappelée dans une enquête publiée par l’INSEE le 17 octobre 2023.
C’est la raison pour laquelle, la ville de Limoges a bénéficié, dès 2004, du premier programme de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU).
Ça permet d’avoir des leviers pour accélérer la mutation de la ville. Ce que vous faites en 5-6 ans, vous ne pourriez pas le faire en ce temps-là si vous étiez le seul à payer.
Émile Roger Lombertie, maire (DVD) de Limoges
Ce premier programme a notamment permis de désenclaver le quartier de la Bastide en faisant tomber les tours Gauguin, en novembre 2010. Il a également cofinancé plusieurs aménagements et constructions : le city stade à la Bastide, l’espace Marcel Proust à Beaubreuil, la résidentialisation d’une partie du Val de l’Aurence autour du nouveau gymnase.
Le 2e programme ANRU : "Quartiers en mieux"
Mais avec neuf quartiers construits à partir des années 60, le chantier de rénovation est vaste. C’est la raison pour laquelle l’agglomération limougeaude a redéposé en 2015 une nouvelle demande d’aide auprès de l’ANRU.
Ce nouveau programme, baptisé « Quartiers en Mieux » va s’étaler jusqu’en 2030. D’un montant total de 335 millions d’euros, il est financé principalement par le bailleur social Limoges Habitat (192 M€) et l’Etat, via l’ANRU (85,7 M€) et les prêts de l’Action logement (24,6 M€) et de la banque des territoires (82,6M€). La ville de Limoges est le quatrième financeur avec plus de 62,6 M€. Limoges Métropole (56,4 M€) et Noalis, le second bailleur social limougeaud (21M€), contribuent également au projet.
Quatre quartiers ont été retenus pour ce nouveau programme de renouvellement urbain : Beaubreuil, les Portes Ferrées, le Val de l’Aurence (Sud et Nord).
Projets globaux autour d’un quartier
Comme lors du premier programme, l’objectif de la rénovation urbaine est de désenclaver les quartiers les plus défavorisés afin de les rendre plus attractifs et y attirer une nouvelle population. Dans ce cadre, les projets sont pensés de façon globale : habitat, desserte grâce aux transports en commun, accession à l’emploi, cadre de vie, structures culturelles, etc.
Ça passe par de la démolition, mais ça passe aussi beaucoup par de la réhabilitation. C’est vraiment œuvrer sur le cadre de vie des habitants, ouvrir les quartiers, les désenclaver et les équiper.
Stéphane NUQ, directeur de la DDT - délégué territorial adjoint ANRU
À l’échelle du coût global, les chiffres de ce nouveau programme sont importants : 1422 logements démolis, 895 réhabilités, 1268 résidentialisés et 711 reconstruits.
Deux quartiers sont principalement ciblés par cette opération : le Val de l’Aurence et Beaubreuil. Au Val de l’Aurence sud, le chantier a déjà démarré depuis plusieurs mois avec la destruction des immeubles situés à l’entrée du quartier. Les travaux vont se poursuivre avec la disparition partielle du bâtiment principal baptisé « le grand S ».
À Beaubreuil, où près de la moitié des immeubles vont être détruits, le projet est encore dans la phase des concertations avec les habitants, les commerçants et les autres acteurs du quartier.
Bilan mitigé à la Bastide
C’est dans le quartier prioritaire de La Bastide que le programme de rénovation est le plus abouti. En treize ans, le quartier a radicalement changé de visage : disparition de plusieurs immeubles, modification de la circulation, végétalisation des espaces publics, aménagement du pôle d’échanges multimodal, réfection de l’école, construction du nouvel Ehpad...
L’idée de transformer ce centre commercial complétement abandonné en pôle de santé et de service a été un vrai succès. Aujourd'hui, vous avez au même endroit la pharmacie, des médecins, des infirmières, des kinés et des dentistes.
Catherine Mauguien-Sicard, vice-présidente de Limoges Métropole et présidente de Limoges Habitat
Mais le chantier s’éternise et l’arrivée de nouveaux commerces, pourtant prévus dans le programme, tarde. Le long du boulevard Schuman reste pour l’instant un terrain vague, malgré les recherches actives de porteurs de projets : "Créer une entreprise dans un quartier prioritaire (...). De l’emploi, y’en a, mais pas forcément sur le quartier", reconnait la présidente de Limoges Habitat.
Manque de mixité
Autre bémol, si le quartier abrite désormais une vingtaine de pavillons individuels accessibles à la propriété, la mixité sociale (l’objectif principal de l’ANRU) reste difficile. Selon l’enquête de l’INSEE, plus de la moitié des habitants des quartiers prioritaires de l’agglomération limougeaude vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Mais Limoges Habitat refuse de parler d’échec.
Si on se contente d’étudier la mixité sociale comme « du pauvre avec du riche » à la Bastide, c’est impossible. La mixité sociale, c’est aussi intergénérationnel.
Catherine Mauguien-Sicard, vice-présidente de Limoges Métropole et présidente de Limoges Habitat
Les programmes de l'ANRU ont permis d'améliorer visiblement l'état des logements et le cadre de vie dans les quartiers prioritaires. Mais tous les problèmes n'ont pas été résolus. La délinquance, très souvent liée aux trafics de drogue, perdure, tout comme le mal-être et le sentiment d'exclusion ressentis par une partie des habitants. L’épisode de violence de cet été le confirme. Mais à la Préfécture de la Haute-Vienne, on tempère le bilan.
S’il n’y avait pas eu l’ANRU, je pense que les quartiers auraient été dans un état bien pire qu’actuellement.
Stéphane NUQ, directeur de la DDT - délégué territorial adjoint ANRU
À Limoges, les chantiers du renouvellement urbain se poursuivent. Mais le désenclavement social des quartiers prioritaires reste compliqué et prendra beaucoup de temps.
Sources : Atlas des quartiers prioritaires de la politique de la ville, "Les quartiers prioritaires en Nouvelle-Aquitaine" INSEE, ANRU.