Robert Hébras : avant la parole, les longues années de silence

Avant de devenir l’infatigable passeur de mémoire que l’on connaît, Robert Hébras a traversé plusieurs décennies de silence, seul avec son traumatisme, en essayant de reconstruire sa vie.

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Robert Hébras monte un premier garage à Oradour-sur-Glane au début des années 50, dans la rue principale du village reconstruit. Il se marie une première fois durant la même décennie et Richard, son seul fils, naît en 1961. Toute son énergie, le survivant la met à reconstruire une vie familiale paisible. Après quelques années, il vend le garage d’Oradour pour créer une concession Renault à Saint-Junien. Il passera toute la fin de sa carrière chez la marque au losange.

Richard grandit en ignorant tout du passé de son père. “J’ai mis très longtemps à savoir que j’étais le fils de ce personnage-là. Il n’en parlait pas (...) Il y a eu un traumatisme énorme mais je pense que c’est de la pudeur. Il ne voulait pas nous déranger avec ça, il n’en parlait à personne. C’était son secret.”

Un secret qu’il garde enfoui, jusque dans les années 80. Richard, son fils, a 20 ans, et s’apprête à faire son service militaire.

“Je lui ai demandé de me raconter son histoire et de me faire visiter le village, donc il m’a raconté le massacre d’Oradour, il m’a montré son parcours, comment il est arrivé jusqu’à la grange Laudy, comment il s’en est échappé, par quel chemin… Mais il m’a aussi surtout raconté ses histoires d’enfant. Il m’a montré où il jouait, où il garait son vélo, les bêtises qu’il a faites, le football…” 

Richard Hébras

Fils de Robert Hébras

Après toutes ces années, Robert Hébras semble avoir fait la paix avec son passé. Jeune retraité, il devient alors président de l’Association des familles des martyrs d’Oradour. Son actuel président, Benoît Sadry, analyse ce basculement :  “C’est un moment où l’on se dit qu’on arrive dans une autre partie de sa vie et qu’un jour on partira, donc on commence à parler. C’est quelque chose que l’on retrouve aussi chez les rescapés des camps. Cela passe souvent par les petits-enfants.”

Le véritable déclic a lieu en 1983 lors du procès d’Heinz Barth, sous-lieutenant de la division SS Das Reich, responsable du massacre. Robert Hébras et les autres survivants sont invités à témoigner à l’audience à Berlin-Est. Son témoignage est alors largement relayé dans la presse outre-Rhin.

Willy Brandt, ancien chancelier de la République fédérale d’Allemagne, le contacte ensuite pour participer à une conférence sur la paix. Moment fondateur de son engagement pour la réconciliation. Selon Benoît Sadry, “Robert a noué des amitiés extrêmement fortes avec des Allemands qui ont duré jusqu’à la fin”.

En 1988, l’enterrement de Marguerite Rouffanche, seule survivante du massacre de l’église, est un choc pour les derniers rescapés. 

“Ils se disent : après nous, il restera quoi ? L’idée d’un centre de la mémoire apparaît après cette disparition.” 

Benoît Sadry

Président de l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane

L'ouverture du centre en 1999 marque une nouvelle étape dans la transmission de la mémoire. Avec Jean-Marcel Darthout, il répondra à toutes les sollicitations et témoignera inlassablement, deux à trois fois par jour, jusque dans les dernières années de sa vie.

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