Enola et Emma sont deux étudiantes originaires de Limoges (Haute-Vienne) et de Guéret (Creuse) actuellement aux États-Unis. Pendant la campagne et après l'élection, elles ont été les témoins de joies intenses, de scènes étonnantes, tant chez Les Républicains que chez les Démocrates. Elles racontent les espoirs d'une partie des électeurs et l'inquiétude grandissante de certains Américains.
"Il y avait des centaines d'articles, de messages, de réactions sur les réseaux sociaux." À Flager College, dans l'État de Floride, le fief de Donald Trump, Enola Savel, vingt-deux ans, connaît un réveil mouvementé au lendemain du 5 novembre, son téléphone ne cesse de vibrer : Les gens autour de moi étaient contents. J'en ai un peu parlé avec mon copain qui est américain, il était aussi ravi du résultat", commente-t-elle.
"Les gens se disent que ce n'est peut-être pas un bon gars, mais qu'il est bon pour le job"
La jeune femme originaire de Limoges est partie aux États-Unis en 2021 pour poursuivre ses études. C'est le sport qui lui a permis d'obtenir une bourse à l'université, car elle est inscrite dans un club de cross-country (NDLR : des épreuves d'athlétisme qui consistent en une course nature dont les distances sont plus ou moins longues).
La sportive a donc assisté à toutes les péripéties de la campagne américaine et observe avec intérêt le regard que portent les Américains sur le président élu : "Quand Trump s’est fait tirer dessus, tout le monde en parlait dans mon équipe, les gens étaient vraiment inquiets pour lui."
Les affaires judiciaires du Républicain ne semblent pas embarrasser ses électeurs, tout comme les questions climatiques. "Les gens se disent que ce n'est peut-être pas un bon gars, mais qu'il est bon pour le job. J'ai également l'impression qu'ils ne sentent pas concernés par les problèmes climatiques et d'environnement."
Quand Trump s’est fait tirer dessus, tout le monde en parlait dans mon équipe, les gens étaient vraiment inquiets pour lui.
Enola Savelétudiante originaire du Limousin actuellement aux Etats-Unis
La jeune femme a également été très surprise de voir les habitants afficher de manière décomplexée leur soutien aux candidats :"C'est très libéré. Devant les maisons, les gens n'hésitent pas à mettre des photos de Kamala ou de Trump, des drapeaux, des slogans sur leur pelouse, etc."
Le jour du vote, Enola Savel a accompagné son petit ami aux urnes "Il n'y avait pas grand monde, mais j'ai été surprise de voir qu'on ne votait pas seulement pour le candidat, mais aussi pour des amendements comme l'avortement, des juges, des sénateurs, etc. Donc, ça ne prend pas cinq minutes."
Avec du recul, la victoire du Républicain rassure la jeune femme : "Je pense que j’avais plus peur que Kamala soit élue, parce que, sinon, qu'est-ce qu'il se serait passé ? J'ai vu beaucoup de supporters de Trump avec de gros 4X4 et des gros drapeaux. On ne voit pas trop ça avec les supporters de Kamala." En effet, certaines universités ont supprimé leur cours le lendemain des résultats, par peur des débordements. C'est le cas de l'Oklahoma University, un autre établissement de l'Etat.
Après avoir vécu cette campagne intense, la jeune femme se positionne en tant qu'observatrice pour les mois à venir : "J'ai connu Biden et maintenant, je veux voir s'il y aura des changements sur la vie quotidienne, par exemple sur les prix",
"J'ai vu pas mal de posts de gens qui mettaient des adresses de lieu où les femmes pouvaient avorter"
Dans l'état d'Oklahoma, Emma Loustalet, une jeune femme originaire de Guéret est venue étudier un semestre à East Central University dans la ville d'Ada. Cette dernière nous raconte l'inquiétude qui l'a gagnée après le 5 novembre : "Le lendemain matin, j'ai posté un message sur un groupe que je partage avec des personnes qui font partie des minorités LGBT, pour leur apporter mon soutien", raconte la jeune femme.
Une réponse m'a vraiment brisé le cœur : cette fille de ma classe m'a clairement dit qu'elle avait peur pour sa vie. Je m'inquiète pour les minorités. J'espère que ça ne va pas bouger d'aussi tôt.
Emma Loustaletétudiante originaire de Creuse actuellement dans l'Oklahoma
La veille, elle était restée éveillée jusqu'à quatre heures du matin avec trois amis pro-Trump. "À un moment, le score a été très serré. J'ai senti de la panique dans leur regard, se souvient-elle. Même s'ils feignaient d'être confiant, ils ont quand même redouté que Trump ne passe pas."
Dans cet état acquis au "Grand Old Party", les "pro-Kamala" font profil bas. "J'ai près de 70% de mes amis qui sont démocrates, et ils savent qu'ils sont des minorités, ils se font discrets et gardent ça pour eux. Avec les résultats, certains ont réellement honte d'être Américains, honte que je puisse voir ça et de montrer ça au monde. À présent, les gens s'expriment et partagent leur émotion. Par exemple, sur les réseaux sociaux, j'ai vu pas mal de posts de gens qui mettaient des adresses de lieu où les femmes pouvaient avorter, avoir accès à des moyens de contraceptions, des conseils, etc."
Les changements sont encore imperceptibles à ce stade, mais certains Américains alertent déjà : "Ce matin même, j'ai eu un cours où on parlait de régime totalitaire. Ma professeure ne voulait pas trop donner son avis sur l'élection, mais elle a associé régime totalitaire avec Donald Trump et nous a incités à vous éveiller."
Cette élection restera longtemps dans la mémoire d'Emma Loustalet, "Ça m'a conforté dans l'image que j'avais d'eux, leur mentalité concernant l'économie, le business et leur désintérêt pour l'écologie. Je n'avais pas l'intention d'y vivre, mais là, ça m'a carrément refroidi", avoue-t-elle de but en blanc.
La Creusoise repartira en France avant l'investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2025.