Réhabiliter de la belle pierre : depuis quelques années, le bailleur social Limoges Habitat acquiert des bâtisses anciennes pour les transformer en logements sociaux. L'opération est double : sauver le patrimoine architectural en danger et attirer une nouvelle clientèle vers le logement social.
De l’extérieur, difficile d’imaginer que l'élégante maison bourgeoise située au 44 avenue Émile Labussière à Limoges abrite... un foyer pour jeunes travailleurs. Ancienne propriété de la famille De Villepin, elle fut laissée à l’abandon pendant un demi-siècle, avant d’être rachetée par Limoges Habitat en 2020 et rénovée de fond en comble : dix studios tout confort et plusieurs pièces communes spacieuses.
Étudiant en alternance, Carmel vit ici depuis trois mois et s’y sent très bien : "Dans un premier temps, c'était un peu un "waouh"... Sans compter que j'ai un bel extérieur et que je pourrai en profiter durant l'été. Pour un jeune étudiant, c'est vraiment un plus."
À quelques mètres, le vaste immeuble haussmannien surplombant la place Carnot s’apprête, lui aussi, à recouvrer sa splendeur d’antan. "On a réussi à garder tout ce qui fait le charme de l'haussmannien", explique Frédéric Martinet, architecte en charge du chantier de réhabilitation. "Toutes les portes sont conservées, les boiseries, les parquets, les moulures... Par exemple, cette pièce-là, c'était évident que c'était un séjour : la grande pièce d'angle avec une vue sur la place Carnot, une très jolie lumière parce qu'on est sud-ouest. Tous les appartements sont traversants, ce qui par exemple sur du neuf, est très rare."
Huit appartements haut de gamme et un accent mis sur la rénovation thermique du bâtiment. De G, son étiquette énergétique devrait passer à C.
"Pas de différence" avec du privé
Basé à La Rochelle, Frédéric Martinet ne fait aucune différence entre du logement social et une villa sur l’île de Ré : "Logement social, logement privé, logement de luxe... Pour nous, il n'y a pas de différence. C'est juste la cherté du matériau qui change... On ne va pas mettre du marbre, mais on a du granit partout. Regardez les poignées en olive qui sont extrêmement belles, ça, on va les garder."
Selon l'architecte rochelais, les locataires de logements sociaux sont plus exigeants que dans le privé : "Il y a un bon indicateur pour un bâilleur social : c'est le turn-over. Si un locataire n'est pas content, la gestion locative le sait tout de suite. Sur nos opérations, on n'a pas de turn-over."
Coût des travaux : plus d'un million d’euros. Pas assez rentable pour les promoteurs privés qui ne se sont pas précipités sur le projet. Catherine Mauguien-Sicard, présidente de Limoges Habitat et vice-présidente de Limoges Métropole en charge de l'habitat, a quant à elle, eu un coup de cœur pour cet immeuble et ne pouvait se résoudre de le voir menacer ruine : "Je trouvais qu'on avait quand même des bijoux, et que pour lutter contre la vacance, il fallait que les collectivités puissent s'approprier ces biens, les réhabiliter et les remettre sur le marché."
On est une vraie force de frappe : les loyers de nos locataires sont réinvestis dans ces projets d'acquisition-amélioration.
Catherine Mauguien-Sicard, présidente de Limoges Habitat
Pour l’office public de l’habitat, l’opération est double : sauver le patrimoine architectural en danger et changer l'image du quartier Carnot : "Ce n'est pas parce que cet immeuble sera transformé en logements locatifs sociaux qu'on aura des populations forcément très fragiles à l'image du quartier... Aujourd'hui, 70% de la population française peut bénéficier d'un logement social", conclut l'élue.